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Joutes autour du mandat du CNP : L’offre du gouvernement déchire la profession

Clivante, la solution envisagée par le gouvernement pour réguler le secteur de la presse, l’est à plus d’un titre. Si le blocage du renouvellement du Conseil National de la Presse renvoie à une situation rentière, il n’en reste pas moins que le processus de déblocage, envisagé par l’Exécutif, est entaché, lui, d’irrégularités flagrantes en terme ne serait-ce que du respect des prescriptions de la loi fondamentales du pays. La profession qui se meurt est plus divisée que jamais autour du devenir d’un organe de régulation. Triste tableau que celui que résume cette guerre des égos qui occulte le véritable enjeu lié, lui, au sort d’un métier gangréné par des nuées de parasites.
L’offre du gouvernement déchire la profession

Le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) a annoncé, samedi, son soutien à la Commission temporaire de gestion du Conseil national de la presse, énoncé par le projet de loi 15.23 adopté jeudi en Conseil du gouvernement. « Les développements récents ne sont pas isolés d’un contexte général vécu par le secteur des médias dans notre pays, et il est déraisonnable d’isoler ces développements de ce contexte », a-t-il rappelé dans un communiqué, notant que la formation de cette commission « a été imposée par des raisons tenant à des déséquilibres structurels ».

Pour le syndicat, les évolutions liées à l’autorégulation de la profession sont considérées comme une « suite inévitable et naturelle des évolutions et événements antérieurs ». Dans ce contexte, le SNPM réaffirme que « le débat lié au CNP ne peut être dissocié des déséquilibres vécus dans la phase fondatrice, dus principalement aux nombreux défauts et multiples lacunes des lois réglementant la profession, notamment la loi instituant le Conseil national de la presse et la loi sur la presse et l’édition ».

Le SNPM a affirmé, par ailleurs, le droit de toutes les composantes du secteur à exprimer leurs positions en toute indépendance concernant les développements récents, notamment en ce qui concerne la formation d’une commission temporaire de gestion. Le syndicat a critiqué cependant les prises de position exprimées par certains milieux partisans, en pointant notamment la responsabilité de l’ancien gouvernement. « Le Syndicat national de la presse marocaine considère qu’un débat responsable et mûr doit s’éloigner des surenchères et des calculs politiques et personnels étroits, et élever ce débat à ce qui sert l’intérêt général du pays et de la profession en particulier », pointe-il.

Tout en exprimant son « soutien absolu à l’initiative » gouvernementale, l’instance a déploré « les tentatives de déformer le vrai débat et de détourner l’attention de l’opinion publique ».

A contrario, le bureau exécutif de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), réuni vendredi, a produit un communiqué dans lequel elle affirme « déplorer le dénouement des affaires de gestion de la profession qui s’est écartée des valeurs que défendait cette génération dorée, et dont le dernier exemple flagrant est la recommandation de l’exécutif pour un projet de loi sur une commission de gestion du Conseil national de la presse». Un projet que la FMEJ qualifie d’« inconstitutionnel, régressif et offensant pour la profession et notre pays ».

« Le bureau exécutif (…) considère que cet enjeu ne concerne pas seulement le ciblage des organisations professionnelles et autres favoritismes, mais vise plutôt la presse nationale, son indépendance, et les aspirations à sa réhabilitation et à la consécration de son pluralisme », a estimé la FMEJ. Laquelle se déclare « étonnée » du peu de sérieux de la tutelle en précisant que « le ministre avait déjà affirmé, lors d’une précédente réunion avec la FMEJ que son département a écarté le scénario des élections car celles-ci « produiront la même composition ».

La FMEJ a ainsi fustigé « les arguments peu solides de ceux qui ont concocté » ledit projet de loi, pointant une tentative de « réformer » en recourant à des mécanismes « antidémocratiques, dépassés et inférieurs à la loi » actuelle.

« La FMEJ est contrainte de condamner cette déviation sans précédent dans l’approche des affaires médiatiques nationales, non seulement au regard de l’étonnante exclusion d’une des composantes les plus importantes de la scène médiatique, mais surtout dans l’atteinte à la société et son droit à une presse pluraliste, indépendante et impartiale qui surveille et interroge le gouvernement au lieu de lui être redevable de nominations et d’avantages », martèle-t-elle.

L’instance lance ainsi un « appel » à la mobilisation et exhorte les députés et conseillers à « écouter la voix de la sagesse et respecter les fondements constitutionnels, juridiques et éthiques de l’autorégulation de la profession afin d’abandonner cet inquiétant projet dans l’intérêt du pays, et conformément aux aspirations du Royaume en matière de droits de l’Homme pour lesquelles les pères fondateurs se sont sacrifiés ».

Pour sa part, Reporters sans frontières (RSF) a réagi en dénonçant, vendredi, la « volonté manifeste » des autorités marocaine de « renforcer leur contrôle sur le secteur des médias ». Dans un communiqué,  RSF souligne que le projet de loi, déposé par le gouvernement d’Aziz Akhannouch « prévoit désormais de transférer les prérogatives du conseil vers un comité temporaire dans lequel les dirigeants du conseil sont maintenus, à l’exception toutefois des représentants de la FMEJ et de l’Union marocaine du journalisme (UMT) ».

« Il se trouve que ces deux organisations étaient les seuls membres à demander la réélection des représentants du Conseil, alors que les autres y étaient opposés », souligne-t-on. Cette décision, inexpliquée est le « signe d’une volonté manifeste de l’exécutif de contrôler les médias et de mettre fin à l’autorégulation du secteur » et un « retour en arrière qui remet en cause la finalité même de ce Conseil de la presse à savoir “une auto-organisation” ».

« Le remplacement du Conseil national de la presse, sans passer par une élection comme le prévoit la loi, est un acte de plus commis contre la liberté de la presse au Maroc. La remise en cause de l’existence de ce conseil, qui survient dans un contexte répressif, illustré par l’emprisonnement injuste et injustifié des journalistes Omar Radi, Soulaiman Raissouni et Taoufik Bouachrine, est inquiétante à plus d’un titre », a déclaré Khaled Drareni, représentant de RSF en Afrique du Nord. « Elle traduit de toute évidence une volonté des autorités d’assurer un contrôle total de la presse. Il n’y a pourtant rien à gagner à étouffer les dernières voix libres et critiques du pays. Les autorités se doivent de respecter la constitution marocaine et l’autonomie du Conseil de la presse », a-t-il ajouté.

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