Les commandes de vaccins, talon d’Achille de la candidate U. von der Leyen ? La présidente de la Commission européenne a été mise en difficulté à l’occasion du premier débat entre les huit candidats à la présidence de la Commission européenne, le 29 avril à Maastricht au Pays-Bas. Très peu médiatisé, ce débat comptait après une quinzaine d’heures sur YouTube à peine une vingtaine de milliers de vues et a fait l’objet d’une couverture minimale dans la presse française. Les échanges ont, entre autres, porté sur la gestion de l’achat de vaccins par l’Union européenne pendant la crise sanitaire. U. von der Leyen a assuré avoir été « transparente » et a minimisé le rôle de la Commission, affirmant que tous les contrats avaient été approuvés et signés par les pays de l’UE. L’affaire remonte néanmoins à la surface aujourd’hui.
Lors de la crise sanitaire, l’UE avait ainsi signé des contrats d’une valeur de 71 milliards d’euros (plus de 75,5 milliards de dollars, selon le cours actuel) pour acquérir jusqu’à 4,6 milliards de doses de vaccins de plusieurs sociétés pharmaceutiques, soit un total de doses dépassant largement les besoins des pays membres. Ainsi, Politico faisait état en décembre 2023 de la destruction, par les États membres, de 4 milliards d’euros de vaccins contre le Covid 19. Le média estime que plus de 200 millions de vaccins indésirables contre le coronavirus ont été détruits. Le contrat initial a ensuite été renégocié par la Commission européenne, sous la pression des pays de l’UE qui disposaient d’un excédent de vaccins. Cependant, le contrat impliquait la poursuite de la livraison de vaccins par Pfizer jusqu’en 2027… même si les États n’étaient pas demandeurs.
La Pologne et la Hongrie, qui ont cessé d’accepter les livraisons de vaccins depuis le printemps 2022, ont ainsi été poursuivies par Pfizer pour non-paiement, réclamant ainsi à Varsovie 1,5 milliard de dollars. Une plainte a été déposée après la révélation par le New York Times en avril 2021 de l’existence de négociations directes, par SMS, entre U. von der Leyen et Albert Bourla, patron de Pfizer, pour un accord portant sur 1,8 milliard de doses de vaccins. Le journal américain a par ailleurs engagé en février 2023 une procédure contre la présidente de la Commission pour obtenir les textos échangés par U. von der Leyen et le PDG de Pfizer. Le 17 mai, le tribunal de Liège tiendra une audience au cours de laquelle il sera notamment déterminé qui de l’appareil judiciaire belge ou du parquet européen est compétent pour poursuivre l’instruction.
Les réserves de certains eurodéputés autour de la négociation des contrats ont poussé le Médiateur européen à ouvrir une enquête sur cette affaire dès septembre 2021. Au début de l’année 2022, Vera Jourová, commissaire européenne chargée des valeurs et de la transparence, a déclaré que la recherche de SMS entre U. von der Leyen et A. Bourla « n’avait donné aucun résultat ». En octobre de la même année, Cristian Terhes, eurodéputé centriste roumain, avait même réclamé la démission de la présidente de la Commission, faisant valoir des copies des contrats passés avec Pfizer largement caviardés. Emily O’Reilly, médiatrice de l’UE, est revenue sur cette affaire en avril 2023. Elle a ainsi évoqué le recours de messageries privées par la présidente de la Commission. « La transparence et la possibilité d’établir les responsabilités sont remises en cause quand des administrations publiques et des responsables politiques utilisent ces méthodes », a-t-elle déploré, dans un entretien accordé à Euronews.
En pointe sur la question de la crise sanitaire, Virginie Joron, eurodéputée française (RN), a vivement réagi ce 30 avril sur X. « Le manque de transparence est un fait avéré », a-t-elle estimé, ajoutant que la présidente avait menti lors du débat du 29 avril lorsqu’elle a affirmé que « les contrats pour les vaccins anti-Covid étaient signés par les États membres et payés par eux ».
U. von der Leyen doit faire face à la détermination de ses détracteurs, notamment en matière de gestion de la crise sanitaire. Elle doit par ailleurs compter avec des concurrents dans sa propre coalition, comme Marie-Agnès Strack-Zimmermann, centriste de l’ALDE, et Nicolas Schmit, socialiste. À cela s’ajoutent les attaques menées par Thierry Breton, commissaire français qui estime que même son parti, le PPE « ne semble pas croire en sa candidate ». Emmanuel Macron, qui préférerait l’émergence d’un candidat centriste, avait de son côté écarté en mars dernier un soutien immédiat de la présidente de la Commission. « On verra […] à l’issue des élections, à la lumière de celles-ci, on aura des choix institutionnels à faire », a éludé le président français lors d’une conférence de presse à l’issue d’un sommet européen à Bruxelles.