Alors que le mouvement avait au départ choisi Andrea González, écologiste déjà candidate à la vice-présidence, il a dû changer d’avis faute d’assurance d’une validation par les autorités électorales à six jours du vote, dimanche 20 août. D’un journaliste amateur à un journaliste professionnel, le mouvement Construye a choisi un proche de F. Villavicencio, pour le remplacer au pied levé après son assassinat.
Il existait une incertitude sur le fait de savoir si A. Gonzalez pouvait passer de candidate à la vice-présidence à candidate au poste suprême. Dans le doute, et faute de réponse du Conseil national électoral (CNE) dans le délai imparti, le parti a choisi de présenter C. Zurita, A. Gonzalez restant colistière. Si sa candidature doit encore être validée par le CNE, C. Zurita a d’ores et déjà fait savoir qu’il suivrait intégralement le projet politique de son ami défunt en « émulant sa capacité et son nom ». Ajoutant que les idées de Villavicencio « demeurent entièrement intactes ».
Cela fait quinze ans que le nouveau candidat travaillait avec F. Villavicencio dans ses recherches sur la corruption, notamment dans le secteur pétrolier. Il était en partie sa plume. Agé de 53 ans, C. Zurita est un journaliste reconnu, qui a gagné deux fois le prix national de journalisme de l’Équateur, en 2009 et 2019. Les deux hommes ont fondé des médias web spécialisés dans la lutte anticorruption et le crime organisé. Ils ont écrit ensemble le libre Arroz Verde (« Riz Vert », en français), une série de reportages sur les liens entre des fonctionnaires et militants de l’ancien président Rafael Correa et de nombreux cas de corruption.
C. Zurita est aussi connu pour son livre El Gran Hermano (« Le Grand Frère »), écrit avec le journaliste Juan-Carlos Calderón, qui dénonçait un traitement de faveur pour Fabricio Correa, frère de R. Correa, dans une série de contrats d’État. L’ancien président avait d’ailleurs fait condamner les deux journalistes pour diffamation en 2012.
Sans candidat représentant Construye, le débat télévisé de dimanche qui a réuni les principaux candidats, a poussé C. Zurita à accuser le CNE de « continuer le travail des narcotrafiquants : réduire Fernando Villavicencio au silence. » Le débat entre sept candidats – huit pupitres étaient dressés – a débuté après une minute de silence à la mémoire du centriste F. Villavicencio, abattu mercredi par un groupe de Colombiens juste avant le premier tour de la présidentielle du 20 août. Un meurtre qui s’inscrit dans tourbillon de violence qui n’épargne pas les responsables politiques puisqu’un maire avait été assassiné fin juillet.
Situé entre la Colombie et le Pérou, les plus grands producteurs de cocaïne au monde, l’Équateur est confronté à une inquiétante hausse du trafic de drogue et de la violence des gangs. En 2021, le pays a saisi un record de 210 tonnes de stupéfiants et 201 tonnes l’année suivante. L’Équateur a vu en 2022 le taux d’homicides presque doubler par rapport à l’année précédente, s’établissant à 26 pour 100.000 habitants.
Le débat a donc été très marqué par les questions de sécurité. Le candidat de droite Daniel Noboa portait un gilet pare-balles, tandis que l’avocat indigène Yaku Pérez, candidat de gauche, exhibait un ruban noir sur sa poitrine, rapporte l’AFP.
Dans ce contexte, le défi était particulièrement important pour la candidate pro-Correa qui a longtemps caracolé en tête des sondages, mais récemment, Luisa Gonzalez a été handicapée par certaines déclarations de son binôme présidentiel, Andrés Arauz, en faveur du Venezuela par exemple, ou d’un « équadollar », qui laissait penser à un possible abandon d’une dollarisation, pourtant plébiscitée dans le pays. L’assassinat de Villavicencio l’a aussi fait baisser dans les intentions de vote puisque le journaliste avait enquêté sur R. Correa, dévoilant un système de corruption. Elle a donc concentré ses coups dans le débat contre celui qui a un peu repris le flambeau de la lutte contre l’insécurité, Jan Topic. Elle a affirmé, par exemple, qu’un tireur d’élite ne peut pas être président de la République, en faisant allusion aux six ans que le rival avait passés à la légion étrangère. Elle a aussi attaqué ses activités d’homme d’affaires, affirmant que ses entreprises devaient 35 millions de dollars au fisc.
Y. Pérez, candidat indigène qui était deuxième lors de la dernière élection présidentielle, a lui joué sur son soutien au référendum pour interdire l’exploitation pétrolière dans la zone amazonienne du Yasuni, mais ces propositions écologistes ne sont pas vraiment la préoccupation actuelle des Équatoriens. Otto Sonnenholzner, ancien vice-président, lui, insiste sur son côté raisonnable, mais qui est peut-être trop raisonnable justement à un moment d’angoisse et d’émotion collective en Équateur.