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Khartoum, capitale fantôme : Le Soudan s’installe dans l’instabilité

Au Soudan, les scènes de guerre se prolongent avec l'affrontement des deux plus hauts responsables militaires, le général Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan, et le général Mohammed Hamdan Dogolo, alias « Hemedti » à la tête des Forces de soutien rapide (FSR). Entre ces deux généraux, Khartoum est devenue un immense champ de bataille. Les trêves et les cessez-le-feu ne tiennent jamais plus de quelques minutes.
Le Soudan s’installe dans l’instabilité

Au cinquième jour des combats, les échanges de tirs et les détonations n’ont pas cessé. Toute la nuit, la ville a tremblé. Des bombardements aériens des forces armées ont visé l’aéroport international détenu par les Forces de soutien rapide. Les frappes ont incendié les réservoirs de fuel, projetant un épais nuage noir sur la ville. Le bilan s’alourdit avec plus de 300 morts et près de 3.000 blessés.

Les deux camps s’accusent mutuellement d’avoir violé les cessez-le-feu. Ni al-Burhan, ni Hemedti ne semblent respecter les engagements qu’ils prennent vis-à-vis des chancelleries internationales, qui n’ont de cesse d’appeler à la désescalade. D’importantes frappes ciblant, mercredi, le centre-ville, autour du palais présidentiel et du commandement des forces armées, en font foi. Un immense panache de fumée obscurcissait Khartoum. Jeudi, la situation ne s’est pas améliorée pour autant.

Les civils, eux, n’ont pas trouvé le sommeil. L’objectif de la trêve, qui n’a pas eu lieu, était de leur permettre d’évacuer les zones de guerre, faire des provisions, transporter les blessés dans les hôpitaux ou enterrer dignement leurs morts, car des cadavres jonchent les rues de la ville au milieu des carcasses de véhicules militaires. Des files de voitures ont pris la route de Wad Madani au sud-est de la capitale où aucun combat n’a été recensé. Après cinq jours de combats incessants, la trêve du mercredi soir n’a été que passagère.

Les deux armées ont surtout profité de la fragile trêve pour effectuer des mouvements de troupes et envoyer des renforts dans la capitale. Les deux camps entendent bien continuer les combats, il n’y a aucune négociation en vue. Les habitants de Khartoum sont donc toujours pris au piège, privés d’eau et d’électricité. Trente-neuf hôpitaux sur les cinquante-neuf de la capitale ne sont plus opérationnels.

« Nous savons que des centaines de personnes ont été tuées, dont des soignants. Et plusieurs hôpitaux sont fermés à cause d’attaques. Le pays manque de sang, de transfusions, d’intraveineuses. Nous condamnons fermement ces attaques contre des soignants, des structures de santé et des ambulances. Les structures de santé et les soignants ne doivent JAMAIS être des cibles. Surtout quand des milliers de civils ont besoin d’avoir accès en urgence à des soins. Dans les pays voisins comme le Tchad il y a aussi des besoins. Depuis le début de ce conflit, le Tchad a reçu entre 10 000 et 20 000 réfugiés qui ont besoin d’assistance de la part de l’Organisation mondiale de la santé et de ses partenaires. Les agences des nations unies se mobilisent pour aider ces réfugiés du Soudan qui arrivent dans les pays voisins », dénonce Joseph Cabore, directeur de la gestion des programmes pour l’OMS Afrique.

Face à la situation humanitaire dramatique et à la multiplication des exactions contre les civils, quinze chancelleries occidentales ont exhorté les deux camps, à épargner les infrastructures civiles, et à laisser passer les denrées de base et l’aide d’urgence aux blessés. Désormais, pour la première fois de son histoire, Khartoum se vide de ses habitants fuyant la guerre qui a éclaté à la confluence du Nil.

Sur le terrain, aucune des deux armées ne semble prendre un avantage décisif. Elles se livrent une bataille de propagande, divulguant des informations contradictoires. Si on regarde une carte du Soudan, les forces régulières semblent avoir le contrôle de l’est et de sud du pays, de la mer Rouge aux montagnes du Kordofan. Les Forces de soutien rapide paraissent, elles, en meilleure position au Darfour et contrôlent de larges pans de la capitale, où se joue la bataille décisive, notamment autour du commandement général et de l’aéroport international.

Sur le plan militaire, avec ses avions de chasse, hélicoptères, ainsi que quelques drones de combat de fabrication locale, l’armée régulière conserve la maîtrise des airs. C’est notamment pour cela que les paramilitaires avaient pour stratégie de prendre rapidement le contrôle des bases et des aéroports. L’une des plus importantes est localisée à Méroé, au nord, d’abord tombée entre leurs mains puis reprise par l’armée.

Les FSR sont désormais lancées dans une guérilla urbaine à Khartoum. La milice, qui compte entre 80 000 et 120 000 soldats, dispose d’armements plus modernes. Ses soldats sont aussi mieux payés. Tout cela grâce à la manne financière générée par les mines d’or sous son contrôle, mais aussi par l’envoi de milliers de mercenaires ayant combattu au Yémen pour le compte des Émirats.

Autre donnée qui peut peser dans la balance : selon les informations du Washington Post, les hommes de Hemedti auraient reçu un avion chargé de munitions en provenance de Libye, des mains du général Haftar ; l’armée du général Abdel Fattah al-Burhan, elle, bénéficierait d’un appui aérien et de pilotes égyptiens pour mener ses opérations.

Contrairement aux dires de l’armée ces derniers jours, ce sont plutôt les FSR restées loyales au général Hemedti qui occupent et contrôlent de larges pans de la capitale. Dans les quartiers résidentiels, les miliciens ont procédé à des arrestations, des pillages et des exactions contre les civils. Un cas de viol a été recensé impliquant une expatriée japonaise. Le gouvernement japonais est d’ailleurs le premier à avoir annoncé préparer l’évacuation de ses ressortissants. Une opération qui devrait être délicate, alors que les tirs et bombardements sont constants et que l’aéroport de Khartoum, cible des combats, est hors service.

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