À plus lointaine échéance, sur la carte de l’hydrogène vert en 2050 du cabinet d’étude, l’Afrique du Nord trônera en tant que première région exportatrice du monde. À horizon 2050, l’Afrique du Nord aurait le potentiel, selon Deloitte, d’exporter jusqu’à 110 milliards de dollars par an d’hydrogène vert, loin devant les 63 milliards de l’Amérique du Nord.
Sébastien Douguet, chef du conseil économique chez Deloitte, est le co-auteur de l’étude. Il anticipe une accélération à partir de la décennie 2030. « À partir de ce moment-là, les pipelines actuellement utilisés pour transporter le gaz naturel de part et d’autre de la Méditerranée vont pouvoir être reconvertis pour le transport d’hydrogène », décrit-il.
Les chiffres annoncés sont à prendre avec prudence. Deloitte a pris en compte le potentiel, dans le solaire ou l’éolien par exemple. En tout cas, certains pays avancent déjà sur le sujet. « Il y a des projets concrets qui sont en train de se passer. Une stratégie hydrogène a déjà été annoncée par le gouvernement marocain, l’Égypte a déjà commencé à bâtir des partenariats, notamment avec l’Italie. L’Algérie a encore un petit peu de retard », poursuit S. Douguet.
L’hydrogène vert pourrait être exporté pur ou via des dérivés comme l’ammoniac. L’expert de Deloitte y voit une opportunité pour certains pays. « Il y a une nécessité pour les économies en développement de se saisir de ce sujet de l’hydrogène, de ne pas considérer que c’est uniquement un moyen de diversification des sources d’export, mais également de décarbonation de leurs propres économies et de développement industriel local », appuie-t-il. Cette opportunité a un coût et pas des moindres : au niveau mondial, 9 000 milliards de dollars d’investissements seraient nécessaires d’ici à 2050.
Pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et respecter les engagements climatiques internationaux, la croissance des besoins en hydrogène vert est d’abord destinée à décarboner les industries de base fortement émettrices. La pétrochimie, la sidérurgie, le ciment et les engrais sont concernés. Les transports lourds comme l’aviation ou le maritime sont aussi assoiffés d’hydrogène pour remplacer les énergies fossiles, ne pouvant dépendre comme l’automobile de batteries électriques.
La production d’hydrogène vert à partir de soleil ou de vent peut aussi servir à développer « de façon inclusive » l’industrie de pays émergents, espère le rapport. Par exemple, il pourrait permettre de développer la sidérurgie des pays du sud. Mais actuellement, 99% de l’hydrogène industriel mondial est « gris », issu du gaz méthane sur des sites pétrochimiques, une opération qui libère énormément de gaz à effet de serre comme le CO2 dans l’atmosphère, et participe au réchauffement de la planète. Moins de 1% de l’hydrogène peut être qualifié de « vert », c’est-à-dire issu de l’électrolyse de l’eau qui sépare les atomes d’oxygène et d’hydrogène par un courant électrique.