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Paysage médiatique désarticulé : La responsabilité de l’Etat est aussi engagée !

Un nouveau visage a été choisi pour meubler le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM). Le verdict des urnes aura donc mis fin à une alternance des plus biaisée assumée naguère par un duo de « vieux briscards ». Le gouvernement qui nourrit encore la volonté de dire son mot dans le domaine, en lieu et place d’un Conseil national de la presse (CNP) en crise, est appelé à revoir sa démarche. A commencer par l’élimination du provisoire qui dure au sein du CNP.
Paysage médiatique désarticulé : La responsabilité de l’Etat est aussi engagée !

Abdellah El Bekkali vient de passer le témoin à Abdelkebir Khchichine pour piloter cette « vielle dame » appelée SNPM qui a rendu, en des temps difficiles, des services non négligeables à la perpétuation de la pluralité médiatique dans le pays. Même vermoulue par un succédané de mandats qui ont vu défiler vers le gibet nombre de titres alors que nombre d’autres sont à l’article de la mort, des journalistes trainés devant la justice pour un oui ou pour un non, le tout ponctué par une descente aux enfers d’un quatrième pouvoir qui peine à s’assumer comme un réel « contre-pouvoir », la galère qui regroupe les représentants de la gente médiatique peut encore voguer dans l’océan agité marqué par des bourrasques politiques des plus contraignantes. Et défendre les intérêts des gens des médias ainsi que la noblesse d’une profession agressée par une ruée  d’ânes bien bâtés qui portent, en l’usurpant, le drapeau des « esprits libres » et s’érigent, chemin faisant, en porte-paroles exclusifs d’une confrérie mal en point. Nul besoin d’enfoncer davantage le couteau dans la plaie d’un corps mal constitué, à de rares exceptions près… Car l’enjeu est bien ailleurs. Il se situe sur un terrain de sables mouvants où la pérennité des entreprises de presse, ces « pépinières journalistiques » , est devenue fonction de la plasticité des valeurs sui generis qui doivent marquer au fer ceux qui se réclament du métier.

Qui oserait soutenir l’état dans lequel se trouve désormais une profession minée par une nuée de parasites qui ne partagent avec les gens du métier, les vrais en l’occurrence, qu’une carte professionnelle et un matricule ?

Qui oserait défendre l’état de prolétarisation alarmant dans lequel se trouvent les journalistes de métier à cause d’une stratégie sectorielle sur laquelle l’Etat a fait main basse au motif d’une politique de soutien qui, par ailleurs, arrose généreusement les uns sans les autres ?

Qui oserait garder le silence sur les dérapages politiques qui ont conduit illico presto journalistes, mais aussi « patrons » de presse, dans le box des accusés avant de les emmurer ?

Le mandat qui s’offre à A. Khchichine, comme au team qui doit l’épauler, démarre donc dans des conditions des plus critiques pour une profession en proie à des mutations profondes où le succès professionnels se mesure désormais au nombre de clics et au cumul des followers. Attendons pour voir ce dont la nouvelle équipe aux commandes du SNPM serait capable.

Sauf qu’il y a une donnée irréfragable qui accompagne ce changement de peau dont on espère qu’il soit des plus sincères. Et celle-là interpelle, directement, Mohamed Mehdi Bensaid, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication. Celui-là même qui a veillé à perpétuer, au prix d’une violation flagrante des us et coutumes, mais aussi et surtout d’une entorse aux prescriptions de la loi suprême du pays, l’instabilité au sein du CNP  en optant pour le pis-aller : le provisoire comme solution. La dialectique voudrait que la maturité qui a présidé au renouvellement des instances du SNPM soit aussi le lot qui aide à favoriser l’alternance à la tête du CNP. Le ministre de tutelle, -fonction qui dans un pays qui se démocratise même cahin-caha ne doit plus avoir pignon sur rue-, devrait tirer les conclusions qui s’imposent. Et agir en conséquence. On est donc face à une volonté politique qui, si elle existe vraiment, doit s’exprimer pour le meilleur. Comme pour le pire. « Consolider la profession et protéger les professionnels », thématique choisie pour le 9è congrès du SNPM, ne doit pas rester comme un simple vœu pieu. A charge pour le ministre qui a pu évaluer à sa juste mesure la profession et ses multiples « points noirs » de s’armer de courage pour lutter efficacement contre les scories qui minent un secteur des plus névralgiques pour toute nation qui se respecte. Le rayonnement du pays, en interne, comme à l’extérieur, ne saurait se faire sans une armature solide en termes de « soft power » que la presse, dans ses diverses manifestations, contribue à asseoir et consolider. Cela ne saurait se faire, cela va sans dire, sans une option politiquement claire : l’exercice plein et entier de la liberté d’expression. Et les médias, il faut le rappeler, devraient exprimer pleinement une telle orientation qui plus est consacrée par la loi fondamentale du pays. Inaugurer une nouvelle ère sur le champ médiatique doit s’accompagner d’un gage traduisant, dans le sérieux, cet esprit de responsabilité : la relaxe des journalistes qui croupissent en prison. Et la convocation, dans la foulée, d’une recomposition libre de tout calcul politicien étriqué des instances du CNP. Ce ne sont certainement pas les bonnes volontés qui manquent pour permettre cette transition nécessaire. En foi de quoi, toutes les crispations qui ont marqué ce processus devraient s’atténuer d’elles-mêmes. Et faciliter l’irrigation, juste et équitable, des entreprises de presse en deniers publics, loin des rentes de situation, comme on le déplore depuis des lustres déjà. Le moindre sou dépensé en subventions des médias appelant à être justifié. Une contractualisation des aides n’est pas superflue à ce stade, pour peu que la bonne gouvernance soit de la partie. Et last but not least, une réflexion, suivie d’actions, devrait être animée sur le marché publicitaire qui, valeur aujourd’hui, obéit à des règles biaisées. Là aussi, un benchmark peut aisément être fait pour sonder les meilleures pistes à emprunter pour, à terme, assécher le réservoir du soutien de l’Etat qui a enrichi les uns et appauvri tant d’autres. Les professionnels en sont témoins, comme le sont d’ailleurs les cadres du ministère qui voient défiler des subsides, en millions de dirhams, pour d’aucuns sans les autres. C’est bien à ce niveau-là que réside l’injustice.

C’est donc à ces conditions-là, et uniquement à leur aune, que l’on mesurera la crédibilité des déclarations du ministre qui a rappelé, lors du Congrès du SNPM,

que « le journalisme est un métier noble qui doit être développé à tous les niveaux, notamment social et financier ». Là aussi, attendons pour voir !

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