Cette tentative de mêler le mensonge à la vérité afin de se soustraire à la réalité historique de la région, en rédigeant à la dilettante, un roman ou récit national inventé de toute pièce, s’inscrit, effectivement, dans la continuation de l’œuvre de l’empire colonial. Il est à remarquer que suite au grand choc dramatique vécu par les autochtones au moment de la conquête coloniale, ils auront été tragiquement colonisés. Le traumatisme est tel qu’ils sont alors rapidement dépersonnalisés. Ils subissent une aliénation identitaire. À un point tel qu’ils vont perdre tout repère (amnésie historique). Malgré ou au prix du martyr d’une résistance qui aura duré un demi-siècle après le débarquement d’Alger sur un territoire de 70 kms à l’Ouest (Mitidja et résistance des Hadjouts) et à 70 kms à l’Est (Kabylie et résistance d’El Mokrani et de Fatima ‘N Soumer).
Dès lors, l’empire colonial s’attache à reconfigurer l’ensemble nord-africain selon son logiciel. Il commence par départementaliser les régions d’Oran, d’Alger et de Constantine en 1848. Puis il passe à la période de colonisation démographique et de spoliation des terres accompagnée d’un peuplement hétérogène importé (Alsaciens, Corses, Espagnols, Portugais, Maltais, Italiens, Grecs etc.). Ces trois départements sont situés dans la bande jouxtant le littoral méditerranéen appelée Tell. Ainsi, la véritable colonisation ne débute qu’à la fin du 19e siècle. Elle s’accompagne de l’apparition des premières migrations laborieuses industrielles vers la métropole. Les premiers intellectuels indigènes algériens « francisés », très minoritaires en raison de l’apartheid, sont dépossédés pour la plupart de l’héritage culturel de leurs ancêtres maghrébins, c’est à dire, comme son nom l’indique, marocain, Maghreb désignant, en langue arabe, le grand Maroc millénaire par rapport au grand Machrek.
Durant un siècle de présence coloniale française, le Sahara sera un territoire sous administration militaire. Il demeure toutefois l’espace et le prolongement naturel, historique, culturel, économique (grands axes caravaniers Fès, Tombouctou, Ghadamès), spirituel et sociétal, géré, parallèlement à l’administration militaire française, par une administration locale ou des structures traditionnelles sans interruption nommées par les sultans chérifiens jusqu’au début des années soixante. Écrites en langues arabe et tamazight, de nombreuses archives royales et locales témoignent, du lien ombilical jamais rompu des populations aux capitales successives du royaume, Fès, Marrakech, Rabat, Tlemcen, Meknès. Ces documents feront pendant la colonisation européenne, l’objet de recoupements et d’études, certaines objectives, d’autres plus subjectives ou partielles, que l’on retrouvera dans la littérature coloniale diverse, espagnole, française, portugaise, italienne et ottomane. Le Tafilelt et le Sahara oriental constituent à la fois un fond de peuplement et de brassage humain qui en font un véritable musée vivant à ciel ouvert retraçant l’histoire dynastique et intellectuelle du Maroc (Mosaïque familliale et intellectuelle – Qarawiyines etc).
Au lieu de diffamer le Maroc, il serait préférable pour l’APS de faire une introspection, recouvrer une personnalité culturelle authentique commune maghrébine. Elle pourrait aussi s’atteler courageusement à une étude critique des archives que la France a laissées sur place au moment des indépendances. Celles-ci doivent certainement être très parlantes et livrer leur part de vérité, leur secret sur la période coloniale.
Ainsi, pour revenir à la question de la carte géographique et humaine du Maghreb, le Sahara français militaire ne va enfanter de deux nouveaux départements rattachés à la France, celui des Oasis et celui de la Saoura, que très tardivement en 1958. Un siècle et dix ans plus tard ! Seulement occupé militairement, le Sahara n’a jamais été colonisé et certainement pas pendant 132 ans, contrairement aux allégations de la propagande d’Alger.
Dés 1958, après la première exploitation du pétrole, le Sahara oriental va être sacrifié sur l’autel des essais nucléaires, bactériologiques, chimiques, biologiques, balistiques et du spatial, qui vont être, pourtant, dûment agréés par le FLN, avant et après 1962. Ce dernier, adepte de la Terra nullius, n’a cure des conséquences dramatiques sur les populations. Aucune compassion.
Lorsque les négociations d’Évian aboutiront à un cessez-le-feu, un référendum sera prévu sans concerner le Sahara oriental à nouveau exclu des dispositions concrètes et procédurales qui conduisent, juridiquement et administrativement, à la fin de la guerre dite d’Algérie française et à la création d’un nouvel État qui reprend la dénomination d’Algérie en juillet 1962. À Tindouf au Tajakant, à Timmi au Touat, à In Salah au Tidikelt, les populations du Sahara oriental refusent de participer à quelque consultation que ce soit. Elles affirment alors clairement leur marocanité ancestrale. En 1962, elles refusent de perdre leur personnalité, leur nationalité et leur passeport chérifien. Ignorée, leur volonté est étouffée par le fracas et la fission nucléaire des Gerboises bleue, blanche, rouge et verte.
Il semble judicieux pour l’APS, en tant que média du régime politico-militaire algérien, d’appeler l’historien d’El-Mouradia, Monsieur Chikhi, à comprendre la démarche de Madame Bahija Simo d’un point de vue objectif en publiant, en toute transparence, à son tour, les archives à sa disposition.
Les journalistes de l’APS devraient laisser les spécialistes compétents échanger en amont, avant de souffler sur les braises. Le Sahara oriental n’est pas une épicerie informelle. L’histoire ne peut se suffire de l’opacité, la géographie de faux colonial et usage de faux.
Abderrahmane Mekkaoui