Dans son étude de cas sur l’économie des services et soins aux personnes âgées au Maroc intitulée « L’Autonomisation économique des femmes dans les pays arabes: Développer l’économie des soins », la CESAO fait savoir que la population marocaine s’est multipliée par 7 en 120 ans, passant ainsi de 5 millions d’habitants en 1900 à 36 millions en 2020. Pour la Commission, « si le Maroc est souvent représenté comme un pays jeune sur le plan démographique, dans la mesure où les moins de 15 ans représentent le quart de sa population en 2020, cela sera de moins en moins vrai dans les années à venir ».
L’étude précise que cette tranche d’âge qui représentait 44% de la population du pays en 1960, s’est abaissée à 31% en 2004, puis à 28,2% en 2014 et devrait représenter 21,7% de la population en 2030 et 17,9% en 2050. De plus, 51% des personnes âgées sont des femmes, un taux qui devrait augmenter à 52,2% en 2030, en raison de l’augmentation plus rapide de l’espérance de vie à la naissance chez le sexe féminin, expliquent les auteurs du rapport. En plus, le pourcentage des personnes âgées de plus de 60 ans est passée de 6,3% en 1982 à 8% en 2004, à 9,4% en 2014, pour atteindre 11% de la population totale en 2021. Ces experts estiment que le taux de cette tranche d’âge devrait atteindre 15,4% en 2030 et 23,2% en 2050. « Situation inédite dans l’histoire de la démographie marocaine, à l’horizon 2040, la part relative des 60 ans et plus devrait égaler celle des moins de 15 ans, toutes deux se situant alors autour de 19.5 pour cent de la population totale », ont-ils précisé.
Les experts ajoutent que cette population des 60 ans et plus devrait tripler en à peine plus de trois décennies, soit la période entre 2014 et 2050, passant de 3,17 millions en 2014 à 10 millions en 2050. Quant aux « grands aînés » âgés de 70 ans et plus, leur nombre devrait presque quadrupler pour passer de près de 1,4 millions en 2014 à 5 millions en 2050, alors que les personnes âgées de 80 ans et plus devraient augmenter à 1,47 millions en 2050. « Nous pouvons ainsi parler d’une véritable métamorphose pour qualifier les changements démographiques à venir au Maroc, pour autant qu’ils se traduiront également par une très rapide augmentation de l’effectif des personnes âgées et très âgées« , soulignent-ils.
Quant au cadre institutionnel et politique régissant le soutien et les services pourvus aux personnes âgées, le Maroc a connu des changements significatifs, notamment en adoptant la Constitution de 2011 qui garantit les droits à l’égalité, à l’accès à la protection sociale, aux soins de santé, à un logement décent et prône la mise en œuvre des politiques publiques en faveur des personnes vulnérables. La CESAO rappelle, en ce sens, l’article 31 de la Constitution qui stipule que « L’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits aux soins de santé ; à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par l’État ; […] à un logement décent … ».
En vertu de l’article 34, « Les pouvoirs publics élaborent et mettent en œuvre des politiques destinées aux personnes et aux catégories à besoins spécifiques. À cet effet, ils veillent notamment à traiter et prévenir la vulnérabilité de certaines catégories de femmes et de mères, des enfants et des personnes âgées… », à les « réhabiliter et les intégrer dans la vie sociale et civile » et à « faciliter leur jouissance des droits et libertés reconnus à tous ».
On indique aussi que plusieurs autres lois ont été adoptées afin de promouvoir les droits des personnes âgées, d’encourager leur participation et valoriser leur capacités, potentialités et compétences dans les domaines économique, social et culturel, et d’améliorer leurs conditions de vie. Toutefois, il ressort des investigations menées dans le cadre de cette étude qu’il existe pour l’heure très peu d’établissements proposant des services à domicile adaptés aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie, ou dépendantes et l’entourage de ces personnes. Ceux recensés dernièrement sont apparus récemment, au cours des années 2010, et ne sont accessibles qu’à une tranche très limitée de la population marocaine, vu les coûts élevés de leurs services. L’offre de formation aux métiers de l’aide à domicile destinée aux personnes âgées, et tout particulièrement aux personnes âgées en perte d’autonomie, est pour le moment très réduite ce qui peut également justifier ce manque.
Selon la CESAO, il est nécessaire de développer et de renforcer une multitude de services acceptés par la société, notamment les centres d’accueil de jour et les services d’aide à domicile. Il est aussi essentiel d’œuvrer pour la redistribution des soins non rémunérés, tout en évitant de continuer à féminiser le secteur, étant donné que les femmes jouent un rôle prépondérant dans le soutien fourni aux personnes âgées.