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L’Afghanistan à la croisée des chemins : Quelle feuille de route pour les Taliban

Les alliés de Washington au sein de l’alliance atlantique mesurent à quel point l’échec a été cuisant en Afghanistan. Après vingt ans de guerre, seule Angela Merkel, chancelière allemande, reconnait la défaite de l’OTAN alors que Joe Biden, actuel locataire de la Maison Blanche, justifie le retrait US par le désir américain de ne pas faire la guerre à la place des Afghans. A Paris, le Président français se soucie du danger terroriste. A Moscou qui se prépare à endiguer tout danger, c’est l’expectative alors qu’à Pékin, l’establishment chinois entend normaliser ses relations avec le nouveau pouvoir. Du côté de Téhéran, la défaite US représenterait une « opportunité » pour la paix dans la région… Les yeux restent braqués sur un pays livré aux Taliban, le retour des islamistes au pouvoir à Kaboul nourrissant moult inquiétudes.

Ashraf Ghani, Président afghan qui a fui Kaboul dimanche, livrant le palais présidentiel aux insurgés talibans qui ont renversé son gouvernement en quelques semaines seulement, a justifié sa capitulation en déclarant vouloir éviter un bain de sang. Si la situation est confuse quant à la suite des événements, les Taliban n’ont toujours pas établi de feuille de route politique assurant plus de visibilité et de lisibilité dans leur démarche, il n’en reste pas moins que ses leaders ont annoncé la couleur en proclamant haut et fort leur volonté de disposer de tout le pouvoir, c’est-à-dire sans partage. La communauté internationale suit de près l’évolution dans ce pays « stratégique » qui pourrait menacer la stabilité régionale, voire au-delà. A l’ONU, Antonio Guterres, secrétaire général, est inquiet au regard des exactions rapportées et imputées aux Taliban. Mais nul ne blâme l’Empire US qui a décidé, après deux ans de négociations avec les insurgés à Doha, de livrer le pays à son sort après une occupation de 20 ans. Ni la démocratie ne s’est enracinée dans ce pays asiatique et musulman, ni la prospérité n’a été au rendez-vous. Tout au plus évoque-t-on les dérives d’un pouvoir vassalisé et corrompu jusqu’à l’os.
Pour l’heure, la Russie a annoncé qu’elle conserverait une présence diplomatique à Kaboul et espère développer des liens avec les Taliban, même si elle affirme ne pas vouloir les reconnaître tout de suite comme les dirigeants du pays et qu’elle observera de près leur comportement. Les craintes de Moscou se justifient à l’aune des dérives sécuritaires que le nouveau pouvoir installé à Kaboul pourrait générer au niveau de son voisinage immédiat. Ce n’est pas pour rien, d’ailleurs, que les Russes ont renforcé leur présence militaire au niveau de leurs confins méridionaux. Revenant sur l’effondrement du régime, Nikita Ishchenko, porte-parole de l’ambassade russe à Kaboul, a souligné que « la façon dont Ghani a fui l’Afghanistan parle d’elle-même. Quatre voitures étaient remplies d’argent, ils ont essayé de cacher une autre partie dans un hélicoptère, mais tout ne rentrait pas. Une partie de l’argent est donc restée sur le tarmac », a-t-il expliqué à l’agence russe selon RIA.
Pour les pays limitrophes de l’Afghanistan, l’affaire est loin d’être limpide. En Iran, pays avec lequel l’Afghanistan partage quelque 900 km de frontières, le président Ebrahim Raïssi a estimé lundi que « la défaite » des Etats-Unis en Afghanistan, où les talibans ont repris le pouvoir, devait se transformer en une « opportunité de paix ». Et de préciser que « la défaite militaire et le départ des Etats-Unis d’Afghanistan doit se transformer en opportunité pour établir la sécurité et une paix durable dans ce pays » tout en affirmant que Téhéran « tenait aux relations de bon voisinage avec l’Afghanistan », selon un communiqué officiel publié sur le site de la présidence.
De son côté, la Chine, qui partage 76 km de frontière avec l’Afghanistan, a indiqué lundi qu’elle souhaitait des « relations amicales » avec les Taliban. Pékin « respecte le droit du peuple afghan à décider de son propre destin et de son avenir », a affirmé devant la presse une porte-parole de la diplomatie chinoise, Hua Chunying. « Les talibans ont indiqué à plusieurs reprises leur espoir de développer de bonnes relations avec la Chine », a ajouté la diplomate chinoise qui a précisé que l’ambassade de Chine à Kaboul « continue de fonctionner normalement ».
La Chine, qui a rapatrié début juillet 210 de ses ressortissants d’Afghanistan, a appelé les nouvelles autorités à assurer la sécurité de ceux restés sur place. Le pouvoir chinois avait qualifié « d’irresponsable » le retrait américain d’Afghanistan, craignant par-dessus tout une guerre civile à outrance chez son voisin. Face au risque de chaos afghan, le pouvoir chinois a entamé dès septembre 2019 des discussions avec les Taliban, dont une délégation avait été reçue à l’époque en Chine. La dernière rencontre officielle dans le pays remonte à fin juillet.
Le N°2 des talibans, le mollah Abdul Ghani Baradar, s’était notamment entretenu avec Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères. La Chine a aussi rallié en 2016 l’Afghanistan à son grand projet d’infrastructures des « Nouvelles routes de la soie ». Mais faute de sécurité, les investissements chinois restent modestes : 4,4 millions de dollars en 2020, selon le ministère chinois du Commerce.
Le dossier afghan représente un véritable casse-tête politico-diplomatique pour Joe Biden, Président américain qui multiplié les sorties médiatiques pour justifier le retrait d’Afghanistan. Au Pentagone, on fait grise mine et dans le monde des renseignements, on s’interroge sur la pertinence des analyses de la situation dans ce pays d’Asie des plus névralgiques. L’ancien hôte du Bureau Ovale, le milliardaire Donald Trump, surfe sur la vague du dépit ressenti par l’establishment américain pour exiger la démission de son successeur. Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche début juillet, J. Biden était pourtant formel: l’armée afghane est «mieux entraînée, mieux équipée et plus compétente». A ses yeux, les forces afghanes étaient parfaitement capables d’agir seules contre les talibans, insistant sur le fait que leur formation était supérieure à celle des Taliban et qu’elles disposaient de tous les outils nécessaires pour les vaincre. D’après lui, les troupes du pays comptaient 300.000 soldats et une force aérienne, contre 75.000 seulement dans les rangs des talibans. «La probabilité que les talibans envahissent tout le pays est très faible», concluait-il le 8 juillet…
Quoi qu’il en soit, au-delà des Afghans tués par les GI’s dépêchés à l’aéroport de Kaboul pour sécuriser le départ des Américains, mais aussi des « sous-traitants locaux », les images qui ont défrayé la chronique ont trait aux personnes qui ont tenté de quitter la capitale afghane en s’accrochant à un avion de transport militaire US. Une tentative de désespoir qui leur a coûté la vie comme le montrent plusieurs vidéos. On y a vu plusieurs personnes se cramponner à différentes parties du fuselage de l’aéronef qui était en train de rouler sur le tarmac.(Vidéo : https://fr.sputniknews.com/international/202108161046008899-ils-tombent-dun-avion-en-plein-vol-en-voulant-fuir-lafghanistan–videos-choc/).

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