« Plus de 300 palettes d’aide humanitaire » ont été déchargées, a annoncé dans la nuit du 17 au 18 mai l’armée israélienne. Il s’agit de la première cargaison à arriver par la jetée flottante provisoire installée par l’armée américaine sur la côte de la bande de Gaza. L’arrivée des premiers camions vers cette jetée, construite par les États-Unis, avait été annoncée dans la matinée par le commandement central américain (CENTCOM), stipulant qu’« aucune troupe américaine n’a débarqué à Gaza ». « Aucune voie d’acheminement de l’aide, y compris la jetée flottante, ne constitue une alternative aux routes sous supervision palestinienne », a déclaré, pour sa part, le Hamas.
Cette « capacité logistique unique » pour acheminer de l’aide humanitaire aux Gazaouis, construite et vantée par l’US Army, avait été annoncée par Joe Biden début mars, quelques jours après qu’une distribution d’aide humanitaire a tourné au drame suite à des tirs israéliens. Selon le Hamas, 110 personnes avaient péri. Au même moment, plusieurs pays, dont les États-Unis, la France et la Jordanie avaient débuté des largages aériens, jugés insuffisants au regard des besoins de la population de l’enclave assiégée et en comparaison d’une aide acheminée par voie terrestre.
La construction de cette jetée avait été évaluée à « approximativement » 320 millions de dollars par le Pentagone. Une goutte d’eau par rapport au soutien militaire apporté à Israël par les États-Unis. Si ces derniers mettent aujourd’hui en avant leur contribution à l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza via ce projet, ils n’ont jamais abandonné leur soutien à l’effort de guerre israélien depuis le début du conflit. Plus récemment, le 14 mai, la presse américaine révélait que l’administration US s’apprêtait à vendre à Israël pour plus d’un milliard de dollars d’armements, dont 700 millions rien qu’en munitions pour chars. Une réalité qui tranche avec les menaces brandies par Joe Biden, lors d’une interview diffusée quelques jours plus tôt, où celui-ci menaçait d’interrompre des livraisons d’armes offensives au cas où les Israéliens entreraient à Rafah.
Les inquiétudes grandissent autour de cette grande ville du sud de la bande de Gaza. Plus d’un million de Palestiniens s’y sont réfugiés après sept mois de combats et de bombardements qui ont dévasté l’enclave gazaouie. Plusieurs chancelleries ont mis en garde contre une « catastrophe humanitaire » en cas d’offensive terrestre israélienne.
Mi-avril, le Congrès américain donnait son feu vert à une assistance militaire à Israël de 13 milliards de dollars. Sur les neuf milliards prévus parallèlement pour « répondre au besoin urgent d’aide humanitaire à Gaza et à d’autres populations vulnérables dans le monde » – selon un résumé du texte -, un seul était destiné à Gaza, selon J. Biden.
Fin décembre, les médias israéliens rapportaient que l’entité sioniste avait reçu en moins de trois mois « plus de 10 000 tonnes d’armements et d’équipements militaires » des États-Unis, livrés par « 244 avions cargos et 20 navires américains ».
Au-delà de ce soutien militaire, sur le plan diplomatique, les États-Unis ont bloqué à trois reprises une résolution onusienne pour imposer un cessez-le-feu durable dans la bande de Gaza, malgré les pressions internationales. Même chose concernant la reconnaissance de la Palestine comme membre des Nations unies. Le 10 mai dans la foulée d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU intimant au Conseil de sécurité de réexaminer cette adhésion, la mission américaine auprès des Nations unies avait déclaré qu’elle y réopposerait son véto.
Faute de réaliser ses objectifs dans la bande de Gaza depuis plus de 7 mois, l’armée d’occupation israélienne excelle en matière de massacres contre les civils palestiniens. Le ministère de la Santé de Gaza a rendu compte que 9 massacres ont été perpétrés samedi 8 mai, 83 martyrs et 195 blessés ont été accueillis dans les hôpitaux.
Selon les correspondants sur place, samedi a été le jour qui a connu le plus grand nombre de martyrs à Jabaliya, dans le nord de l’enclave, depuis plusieurs jours. Surtout après le bombardement d’un centre d’hébergement. 40 martyrs et 100 blessés ont été accueillis à l’hôpital Kamal Adwane, dont les périphéries ont aussi fait l’objet de raids aériens israéliens. Dimanche matin, 9 Palestiniens ont péri dans un raid israélien sur une école abritant des déplacés et une maison dans le quartier al-Daraj dans la ville de Gaza, et 31 autres dans un raid sur les maisons résidentielles du nouveau camp au nord de Nusseirat dans le centre de la bande de Gaza. Toujours dans le centre, les forces d’occupation ont liquidé au moyen d’un tir de drone le directeur d’enquêtes du gouvernorat central de l’enclave, Zaher Hamid al-Houli et son compagnon Jihad al-Hamidi.
Selon un récent bilan des victimes depuis le 7 octobre, 35.386 Palestiniens sont tombés en martyrs et 79.366 ont été blessés, a indiqué le ministère de la Santé à Gaza. Le ministère du Waqf (Leg) à Gaza a quant à lui indiqué que l’armée d’occupation a détruit 604 mosquées et 3 églises, et endommagé sérieusement 200 autres. Il a aussi révélé qu’elle s’en est pris à 60 cimetières, y a exhumé des tombes et volé 1000 cadavres.
L’UNRWA a pour sa part, indiqué que 800 mille Palestiniens ont quitté Rafah depuis le lancement de l’offensive terrestre. « Les allégations selon lesquelles les civils à Gaza peuvent se rendre vers des zones sécurisées est mensongère … Il n’y a pas de zones sécurisées à Gaza, il n’y a aucun endroit sécurisé à Gaza. Personne n’est en sécurité à Gaza », a déclaré Philippe Lazzarini.
Dans un point de presse, l’organisme des équipes de Secours a assuré que l’occupation a détruit 300 maisons à Jabaliya depuis le début de l’offensive depuis deux semaines. « Nos équipes ont pu dégager des centaines de dépouilles de martyrs a Jabaliya mais il y a encore des vivants et des martyrs sous les décombres », a-t-il souligné.
Entretemps, l’occupation poursuit la fermeture des deux terminaux de Rafah et Karam Abou Salem pour le 13eme jour consécutif, interdisant, d’après le gouvernement de Gaza, l’entrée de 3.000 camions d’aides et de denrées alimentaires et médicales.
Déchirures à Tel-Aviv
Face à autant d’atrocités à l’encontre des Gazaouis et au coût humain induit par la résistance palestinienne, des manifestants se sont rassemblés devant l’Institut Weizman à Rehovot, appelant à la démission du gouvernement sioniste et à un accord immédiat pour le retour des prisonniers de Gaza. Les familles des otages retenus à Gaza se sont rassemblées dans la nuit, pour la manifestation principale à Tel-Aviv. Un groupe de parents d’otages détenus par le Hamas à Gaza a fait une déclaration publique exigeant un accord immédiat pour libérer ceux qui sont encore en vie après que les corps de trois captifs rapatriés récemment de Gaza.
« Nous disons au cabinet de guerre : nous devons immédiatement sauver tous les otages qui sont encore en vie, ramener les morts pour qu’ils soient enterrés en Israël. Le moyen d’y parvenir est de conclure un accord », déclare Yehudit Cohen, dont le fils est retenu en otage à Gaza. Les familles affirment que l’opération en cours dans la ville de Rafah, au sud de Gaza, signifie que le gouvernement a abandonné les otages encore en vie.
Samedi, Yaïr Lapid, leader de l’opposition a appelé le Benny Gantz, ministre du cabinet de guerre, à quitter le gouvernement. « Il doit annoncer qu’il n’est plus en mesure de donner un coup de main aux otages abandonnés, au nord abandonné et à l’économie et la classe moyenne écrasées », a écrit Y. Lapid sur X. « Il doit dire qu’il n’aidera plus [le Premier ministre Benjamin] Netanyahu à rester au pouvoir, qu’il quitte le gouvernement immédiatement et qu’il appelle à des élections dès maintenant », a-t-il ajouté.
Avigdor Liberman, leader d’Yisrael Beytenu, a déclaré pour sa part à la Douzième chaîne que « les trois perdants » devraient démissionner : Netanyahu, Yoav Gallant, ministre de la Défense et Herzi Halevi, chef d’état-major de l’armée israélienne. L’appel à leur démission s’explique par l’échec du gouvernement le 7 octobre, lorsque le Hamas a lancé son assaut sur le sud d’Israël, et de ce qu’il considère comme une incapacité à remporter la victoire à Gaza. Il a ajouté qu’il ne rejoindra le cabinet d’urgence en temps de guerre que si B. Netanyahu démissionne.
A rappeler que Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, était attendu samedi en Arabie saoudite et dimanche en Israël, a annoncé vendredi un porte-parole de la Maison Blanche. J. Biden s’efforce d’arriver à une normalisation des relations entre ces deux pays. La conversation en Arabie saoudite avec le dirigeant du royaume doit porter sur « des sujets bilatéraux et régionaux dont la guerre à Gaza » ainsi que sur « les efforts en cours pour arriver à une paix et une sécurité durables dans la région », a dit John Kirby, porte-parole.
Avec B. Netanyahu et d’autres hauts responsables israéliens, l’émissaire US doit évoquer le conflit entre Israël et le Hamas, « y compris les négociations pour obtenir la libération de tous les otages [détenus à Gaza[ et pour répondre à la crise humanitaire ». L’échange portera aussi sur la volonté partagée des États-Unis et d’Israël de « vaincre durablement le Hamas à la fois par la pression militaire et par un projet politique », a expliqué J. Kirby.
Arriver à une normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite, sur le modèle d’accords conclus avec d’autres pays arabes, est l’un des grands objectifs diplomatiques du président américain. L’Arabie saoudite réclame pour ce faire des garanties de sécurité, que les États-Unis se sont dits prêts à lui offrir, mais demande aussi la création d’un État palestinien, dont Netanyahu ne veut pas.