A l’heure où l’Exécutif a fait valoir l’accord conclu avec les syndicats les plus représentatifs de l’enseignement, ce que récusent les coordinations toujours mobilisées, le dossier clivant de l’école publique a réatterri au parlement. En effet, Fatima Tamni, députée de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), a interpellé Chakib Benmoussa, ministre de l’Éducation nationale, en soulevant plusieurs interrogations concernant les solutions envisageables pour sauver l’année scolaire et garantir l’égalité des chances pour les élèves marocains, qu’ils soient filles ou garçons, issues de l’école privée ou publique.
La députée a rappelé les conditions difficiles auxquelles l’école publique a été confrontée au cours des derniers mois en raison des fréquentes grèves du corps enseignant. Ces derniers réclament une amélioration de leur situation matérielle, sociale et morale, le tout dans un contexte de négligence manifeste de la part du gouvernement en général et du ministère de tutelle en particulier.
Les élèves des écoles publiques, notamment dans les niveaux certifiants, font face à une crise majeure en termes d’acquisition de connaissances et de progression dans les programmes, signale la députée qui rappelle que les défis présents risquent de compromettre leur préparation aux enjeux futurs. Cette situation complexe interpelle non seulement le ministère de l’Éducation nationale, mais s’étend également au ministère de l’Enseignement supérieur, particulièrement pour les élèves du baccalauréat sur le point d’entrer à l’université. Cela crée, souligne la députée, un écart significatif dans les réalisations éducatives par rapport aux étudiants ayant achevé leurs études universitaires au Maroc au cours des années précédentes, avant le déclenchement de ce Hirak de la famille des enseignants.
F. Tamni a interrogé le ministre de l’Éducation nationale sur les mesures et les actions envisagées par son département pour préserver l’avenir des élèves, en particulier dans les niveaux certifiants. Et sollicité des garanties quant à l’égalité des chances pour les élèves ayant pâti de l’indifférence et de la lenteur du gouvernement à répondre aux manifestations qui se sont prolongées pendant trois mois successifs, depuis la rentrée scolaire 2023-24, sans évaluation des répercussions sur les élèves marocains fréquentant l’école publique.
Dialogue pipé ?
Il y a lieu de rappeler que le gouvernement n’a pas cherché, et c’est peut-être une des causes du blocage persistant au niveau de l’école marocaine, à associer les coordinations dans l’élaboration d’une issue à la crise. S’arc-boutant sur les syndicats dits les « plus représentatifs », l’Exécutif a cru bon de célébrer la fin de la crise avec l’accord du 26 décembre alors que tout indiquait le contraire.
A signaler qu’un sondage sur l’enseignement public au Maroc, réalisé par le Centre Marocain pour la Citoyenneté CMC), révèle que près de 97 % des participants estiment que la faiblesse des salaires des enseignantes et enseignants constitue la principale source de tension dans le secteur. Le sondage réalisé en décembre assure que « 80% des participants estiment que l’inefficacité de la gestion du dossier de l’enseignement par le ministère de l’Éducation nationale est une autre raison de la crise actuelle ».
Près de 97 % des participants au sondage ont exprimé la nécessité de révoquer le décret relatif au statut unifié des fonctionnaires du secteur de l’éducation nationale. Environ 94% d’entre eux ont insisté sur l’impératif d’impliquer les coordinations dans le dialogue social sectoriel.
Quant aux enseignantes et enseignants participants au sondage, environ 84% ont déclaré ne pas avoir confiance dans les syndicats de l’enseignement, tandis que près de 80% ne sont pas enclins à retourner à l’enseignement pour donner une nouvelle chance au dialogue social.
Environ 78% des professionnels de l’enseignement participants au sondage ont affirmé que le gouvernement ne cherche pas activement de solutions satisfaisantes, tandis que 99% ont souligné l’impératif pour le gouvernement de répondre à leurs demandes d’augmentation des salaires.
En ce qui concerne les mesures prises par le Maroc pour améliorer l’enseignement public et la possibilité d’obtenir les résultats escomptés, environ 84% des sondés expriment leur méfiance à l’égard de ces mesures.
Environ 98% des enseignants interrogés estiment que la fixation et le respect du nombre maximum d’élèves par classe contribueront à améliorer les performances de l’enseignement public. Plus, 58% d’entre eux considèrent que le remplacement du ministre en charge du secteur, tout en assurant la stabilité dans la mise en œuvre de la réforme et en empêchant sa modification, contribuera à améliorer les performances de l’enseignement public.
Environ 66% des participants de l’enseignement, hommes et femmes confondus, estiment que l’amélioration de la gestion du secteur de l’éducation nationale au niveau central et local contribuera à améliorer les performances de l’enseignement public. De plus, 77% d’entre eux estiment que la formation continue du personnel enseignant contribuera également à améliorer les performances de l’enseignement public.
Voilà autant de réponses qui doivent être prises en considération pour réévaluer l’action déployée par l’Exécutif, en pure perte, pour trouver une issue à une crise profonde dans laquelle l’école est désormais embarquée. Triste constat qui risque de mettre en parenthèse l’année scolaire. Le spectre d’une année blanche n’est plus à écarter…