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Séisme d’Al Haouz : Vulnérabilités à tous les étages, indique le HCP

Le séisme d’Al Haouz a récemment mis en lumière les multiples facettes de la vulnérabilité humaine face aux catastrophes naturelles. Dans sa dernière note publiée mercredi, le Haut-commissariat au plan (HCP) a livré une analyse détaillée sur les victimes de cette tragédie, mettant en avant non seulement leur profil démographique, tels que l’âge, le genre et la structure des foyers, mais également leur situation socioéconomique.
Séisme d’Al Haouz

La note a porté une attention particulière aux groupes vulnérables. De plus, elle expose comment les inégalités socioéconomiques préexistantes peuvent intensifier les effets néfastes du séisme, accentuant les risques pour certaines franges de la population déjà en position de fragilité. Cette analyse vise à équiper les décideurs de données essentielles pour élaborer des stratégies de secours et de reconstruction inclusives et efficaces.

Le séisme du 8 septembre dernier a profondément affecté le Haut Atlas, une région majoritairement montagneuse s’étendant sur plus de 53.000 Km². Cinq provinces et une préfecture, réparties sur quatre régions, ont été touchées, avec un impact significatif dans les provinces d’Al Haouz, Chichaoua, et la préfecture de Marrakech.

Avant le séisme, la région comptait 2.608.115 habitants répartis en 578.280 ménages, montrant une croissance de 9% depuis 2014. La province d’Al Haouz, épicentre du séisme, comptait 669.028 personnes, illustrant l’ampleur de la population affectée. Les ménages sinistrés étaient au cœur de cette épreuve, avec des nombres allant de 65.922 à 145.818 selon les provinces.

Selon le HCP, les répercussions du séisme d’Al Haouz ont mis en exergue des particularités démographiques significatives au sein des communes affectées. En effet, la taille moyenne des ménages dans ces régions s’établit à 4,5 personnes, surpassant légèrement la moyenne nationale de 4,1. Ce détail statistique n’est pas négligeable, car il souligne la structure familiale des zones touchées, et par extension, pourrait influencer les stratégies de reconstruction et de soutien.

La province d’Azilal présente le chiffre le plus conséquent avec une moyenne de 5,9 personnes par ménage, tandis que la ville de Marrakech affiche une taille inférieure de 4,0 personnes. Ces chiffres ne sont pas statiques et varient même à l’intérieur des provinces, avec des écarts allant de 3,7 à 6,1 personnes par ménage dans la province d’Al Haouz.

Concernant la densité de population, la préfecture de Marrakech présente la densité la plus élevée avec 364 habitants par km2, un indicateur souvent associé à l’urbanisation. D’autre part, des densités plus modérées sont observées dans les zones rurales, comme à Ouarzazate avec 26 habitants par km2.

L’analyse de la densité révèle également des disparités frappantes entre les milieux urbains et ruraux. Par exemple, la densité urbaine à Al Haouz atteint jusqu’à 1.180 habitants par km², alors que dans ses zones rurales, elle peut descendre à 20 habitants par km². À Chichaoua, la variation est moins marquée, mais reste significative, de 19 à 1.890 habitants par km² entre les communes rurales et urbaines.

Dans la province de Taroudannt, certaines communes rurales affichent une densité de population particulièrement basse, ne dépassant pas 55 habitants par km2, tandis que les zones urbaines de Taroudannt et Oulad Berhil révèlent des densités beaucoup plus élevées. Marrakech-Médina se distingue avec une densité de population qui grimpe à 20.053 habitants par km2, écho du caractère densément peuplé de cette zone emblématique.

L’analyse de la répartition démographique par tranches d’âge s’avère être un prisme révélateur des dynamiques sociales et économiques au sein des provinces touchées. Dans sa note, le HCP fait savoir que selon le dernier recensement, la tranche active de la population (15 à 59 ans) constitue le segment le plus représenté, ce qui implique une capacité de résilience économique et de reconstruction certaine. Toutefois, les nuances provinciales quant au vieillissement et à la jeunesse de la population appellent des réponses politiques différenciées.

En exemple, la province de Taroudannt affiche une population relativement plus âgée avec 10,7% de ses habitants dépassant les 60 ans, tandis que Marrakech et Azilal présentent les pourcentages les plus bas dans cette catégorie d’âge. La préfecture de Marrakech, de par son attrait urbain, se distingue par une plus faible proportion de jeunes (0 à 14 ans), soulignant un exode des jeunes générations vers les zones urbaines en quête de meilleures opportunités.

En revanche, dans les zones rurales, on observe une proportion plus élevée de jeunes, probablement en raison de taux de natalité plus forts et de possibilités économiques moindres. Cette caractéristique, notamment visible dans la province d’Azilal, soulève des questions quant à l’éducation et aux services de santé futurs pour ces communautés. Paradoxalement, cette même province montre une proportion plus grande de personnes âgées en milieu urbain comparativement au rural, défiant la tendance générale et suggérant une possible différenciation dans la distribution des services de soutien aux aînés.

Par ailleurs, le HCP met en évidence la diversité linguistique dans les régions touchées par le séisme d’Al Haouz, avec une dominance du Tachelhit, surtout dans la province d’Al Haouz où 85,9% de la population l’utilise. À Marrakech, la Darija domine, mais plusieurs communautés pratiquent le bilinguisme.

La même source souligne l’importance de considérer la jeunesse de la population rurale et le rôle prédominant de la langue Tachelhit lors des efforts de reconstruction post-séisme pour fournir des services adaptés et une assistance efficace. Pour le HCP, il est primordial que les stratégies de développement post-catastrophe tiennent compte de ces aspects pour promouvoir une reconstruction qui respecte la culture locale et garantisse l’inclusion de toutes les communautés affectées.

Selon le HCP, citant les chiffres du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2014, le taux d’analphabétisme dans les zones sinistrées est alarmant, atteignant 41,2%, ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale de 32,2%. Cette situation est plus critique dans les provinces d’Azilal et de Chichaoua, où plus de la moitié de la population est analphabète, surpassant le seuil des 50%. Comparativement, les provinces d’Al Haouz et de Taroudannt montrent des taux plus modérés, respectivement de 44,1% et 41,8%, alors que la préfecture de Marrakech s’aligne davantage sur la moyenne nationale avec un taux d’analphabétisme de 32,4%.

Ces chiffres, tels que rapportés par le HCP, mettent en lumière une disparité notable entre les sexes. En effet, les femmes sont nettement plus touchées par l’analphabétisme, en particulier dans les provinces d’Azilal et de Chichaoua où le taux dépasse les 60%. À l’échelle locale, les statistiques varient considérablement, avec un taux de 16,8% à Ouarzazate contre un alarmant taux de 67,1% à Bouabout Amdlane dans la province de Chichaoua. Plus inquiétant encore, dans 72 communes, correspondant à 42,6% des communes sinistrées, le taux d’analphabétisme franchit le cap des 50%.

Le niveau d’éducation suit cette tendance, avec 44,4% de la population sinistrée n’ayant aucun niveau d’étude. Le RGPH de 2014 montre que le niveau d’éducation primaire est atteint par 32,4% des résidents, tandis que seuls 2,7% de la population a accédé à l’enseignement supérieur.

Mais malgré ce tableau plutôt sombre, le taux de scolarisation général dans les zones sinistrées offre un contraste positif, s’établissant à 95%, un chiffre qui se rapproche de la moyenne nationale. Les provinces d’Ouarzazate, de Marrakech et de Taroudannt présentent les meilleurs taux de scolarisation, avec une légère prédominance des garçons sur les filles en termes d’accès à l’éducation, sauf à Marrakech où l’écart est négligeable.

Le HCP a également dévoilé des statistiques détaillées sur le type d’habitat et les matériaux de construction utilisés dans les murs des zones sinistrées, mettant en lumière des disparités significatives tant au niveau provincial que communal. Selon les données du RGPH de 2014, près de la moitié des ménages (50,8%) vivent dans un logement de type rural et 44,2% dans une maison marocaine traditionnelle. Ces chiffres éclipsent la présence d’autres formes d’habitat dans les régions sinistrées.

La note indique que la province de Chichaoua affiche une majorité écrasante de logements ruraux avec 73,5% des ménages y résidant, une tendance qui prédomine aussi dans d’autres communes comme Imindounit et Kouzemt. En revanche, les municipalités urbaines de Chichaoua et d’Imintanoute se distinguent avec près de 9 ménages sur 10 occupant une maison marocaine.

À Azilal, la vie rurale caractérise également 67,9% des ménages, alors qu’à Al Haouz, le taux s’établit à 58,9%. La préfecture de Marrakech se démarque par une prédominance du logement de type maison marocaine, occupant 59,8% des ménages. Concernant les provinces de Ouarzazate et de Taroudannt, les logements de type rural et les maisons marocaines se partagent équitablement la répartition avec environ 47% pour chacun.

L’aspect de la propriété est également remarquable puisque 84,9% des ménages des zones sinistrées sont propriétaires de leur logement, surpassant la moyenne nationale de 71,9%. Quant à l’ancienneté des logements, elle révèle que 31,9% d’entre eux dans les zones sinistrées ont plus de 50 ans. La province de Chichaoua présente le parc de logements le plus ancien, avec des communes où plus de 60% des habitations dépassent le demi-siècle d’existence.

Enfin, pour ce qui est des matériaux de construction, le béton armé, les briques en terre cuite et le parpaing sont utilisés pour 42,5% des constructions murales dans les zones sinistrées, tandis que le pisé et les briques de terre crue concernent 34,6% des cas, et 16,2% des murs sont érigés avec des pierres scellées à la terre.

La note du HCP a révélé des niveaux accrus de pauvreté et de vulnérabilité dans les zones touchées par le séisme d’Al Haouz. Citant les données issues du recensement de 2014 et de l’enquête sur la consommation et les dépenses des ménages de 2013/2014, le HCP souligne que, bien que le taux de pauvreté monétaire national ait chuté de 14,2% en 2004 à 1,7% en 2020, les inégalités régionales persistent. Les zones rurales demeurent les plus touchées avec des taux de pauvreté nettement supérieurs à ceux des milieux urbains, indiquant une pauvreté principalement rurale au Maroc.

La publication souligne que la pauvreté monétaire varie grandement au sein des provinces sinistrées. Azilal présente un taux alarmant de 20,7%, nettement au-dessus de la moyenne nationale. Les provinces de Taroudannt et Ouarzazate ne sont pas en reste avec des taux de 9,6% et 8,6%, respectivement. En gros, la moyenne de la pauvreté monétaire est de 8% à l’échelle de la zone touchée par le séisme, révélant ainsi une précarité économique significativement plus élevée que la moyenne nationale.

Le HCP met également en avant la notion de pauvreté multidimensionnelle, qui prend en compte divers aspects de la privation tels que l’accès à l’éducation, à la santé, et à un logement décent. À cet égard, la province d’Azilal se distingue de nouveau, avec un taux de pauvreté multidimensionnelle de 28,8%, tandis que Marrakech affiche le taux le plus bas, à 2,8%. Sur l’ensemble de la zone sinistrée, la moyenne est de 18,5%, largement supérieure au taux national de 8,2%.

La vulnérabilité, définie comme la probabilité de basculer dans la pauvreté à la suite d’un choc, est particulièrement préoccupante dans ces provinces, où le taux moyen atteint 21,5% contre 12,6% au niveau national. Azilal est encore une fois en tête avec un taux de vulnérabilité de 25%, nécessitant une intervention urgente pour renforcer les filets de sécurité sociale et la protection économique.

Enfin, la note conclut avec un aperçu du taux d’activité dans les régions affectées par le séisme d’Al Haouz, qui se situe à 45,6%, juste en deçà de la moyenne nationale qui est de 47,6%. Cette légère différence s’explique par la diversité des niveaux d’activité économique entre les provinces concernées. En milieu urbain, le taux d’activité est de 48,3%, comparé à 49,1% au niveau national, et en milieu rural, il est de 43,7%, inférieur à la moyenne nationale de 45,1%. De manière significative, il existe une grande disparité entre les sexes, avec un taux d’activité de 76,2% chez les hommes contre seulement 16,5% chez les femmes, mettant en lumière les défis auxquels sont confrontées les femmes pour intégrer le marché du travail dans ces provinces sinistrées.

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