Une source judiciaire libanaise avait indiqué lundi que des policiers libanais s’étaient rendus pendant quatre jours consécutifs la semaine dernière au siège de la banque centrale libanaise pour délivrer la convocation à R. Salamé, sans succès. Après ce refus de comparaître, la magistrate française avait deux options : reconvoquer R. Salamé ou décerner un mandat d’arrêt. Elle a choisi la seconde, mettant en cause formellement le patron de la BDL pour la première fois dans son information judiciaire ouverte en France depuis juillet 2021.
« Je vais me battre contre cette décision qui constitue une violation flagrante de la loi », a réagi R. Salamé, dans un communiqué diffusé juste après l’annonce du mandat d’arrêt. Le gouverneur de la Banque centrale du Liban, 72 ans, réfute les accusations selon lesquelles il se serait constitué un riche patrimoine immobilier et bancaire en Europe via un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics libanais. Il prend désormais le risque d’une arrestation s’il voyage hors de son pays, en particulier en France dont il détient la nationalité.
Pour les organisations qui ont porté l’affaire devant la justice, c’est au contraire une victoire. « C’est une première dans l’histoire qu’un gouverneur d’une Banque centrale, dans un pays qui détient un des meilleurs systèmes bancaires dans le monde, qu’il soit arrivé à le détruire de l’Intérieur. Il est arrivé à détourner l’argent de son peuple. Riad Salamé, c’est la clé de cette mafia qui trahit son pays, qui vend son pays, qui met à genoux sa population », estime Ziad Sleimane, représentant du Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban.
Depuis le début de l’année, plusieurs juges européens s’étaient rendus à Beyrouth en vue de l’interroger ainsi que ses proches. Au moins deux mises en examen ont été prononcées dans l’enquête française : Anna K. une proche de R. Salamé, soupçonnée d’être l’une de ses prête-noms en France, et Marwan Kheireddine, ex-ministre et actuel patron de la banque privée al-Mawarid.
En mars 2022, France, Allemagne et Luxembourg avaient gelé 120 millions d’euros d’avoirs libanais soupçonnés d’appartenir au gouverneur de la BDL. La cour d’appel de Paris doit examiner le 23 mai la validité des saisies réalisées par la France. « Cette large dérobade est à la mesure de son cynisme et de son refus d’assumer toute responsabilité (…) Un jour ou l’autre, M. Salamé sera arrêté », a affirmé William Bourdon, avocat de l’association Sherpa et du Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban (CPVCL), parties civiles.