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Pass sanitaire : Une décision au forceps qui ne plait pas à tous

Cafouillage, démarche approximative, dérive liberticide, voilà autant de reproches faits à l’endroit du gouvernement qui a décidé de rendre obligatoire, à partir d’aujourd’hui jeudi, du pass sanitaire. Un collectif s’active pour dénoncer une décision gouvernementale prise à la hâte alors que rien n’est intervenu sur le plan épidémiologique pour décider de ce nouveau tour de vis.

Le ministre de la Santé et de la protection sociale a affirmé, mercredi 20 octobre 2021, qu’il sera possible d’obtenir un pass vaccinal après avoir reçu la première dose du vaccin contre la Covid-19. Dans une interview accordée à la Radio nationale, Khaled Ait Taleb a précisé que la validité de ce pass expire après 21 ou 28 jours, soit la période séparant la première et la deuxième dose, en fonction du vaccin utilisé.
Le ministre de la Santé et de la protection sociale a insisté sur le fait que ce pass ne sera plus valable si le bénéficiaire ne reçoit pas la deuxième dose. «Ce sera la même chose pour ceux qui n’ont pas reçu la troisième dose à temps, c’est-à-dire que leur pass expire après 6 mois», a-t-il ajouté.
K. Ait Taleb a rappelé que l’obligation du pass vaccinal est utilisée par le Maroc dans le cadre de la lutte contre la pandémie, «surtout après avoir enregistré des nombres très importants en termes de bénéficiaires des première et deuxième doses». Il a expliqué, à cet égard, que le but de cette mesure est de «préserver les acquis réalisés par le Maroc en ce qui concerne la situation épidémiologique, par crainte de l’émergence de nouveaux foyers professionnels, commerciaux ou administratifs».
Interpellé sur la question du contrôle, le ministre a fait savoir que «les autorités publiques ne surveilleront pas si les citoyens disposent d’un pass vaccinal, mais plutôt les employeurs et les responsables de lieux» publics et privés. «Chacun est responsable de lui-même dans le café, le restaurant ou le magasin afin qu’il n’y ait pas d’augmentation des infections ou de foyers dans son lieu de travail», a-t-il indiqué.
Cette nouvelle sortie du ministre de la Santé n’aura en rien dissipé le flou artistique qui entoure ce dossier qui implique l’ensemble de la population dans le pays. En effet, la confusion règne dans plusieurs secteurs au lendemain de la décision du gouvernement d’imposer, dès jeudi, le pass vaccinal pour accéder à plusieurs espaces publics. Quid du modus operandi ?
Mercredi, un «collectif citoyen» composé de plusieurs personnalités publiques a lancé une pétition pour dire «Non au « pass vaccinal » au Maroc sans débat national».
Si elle évoque le «droit des marocains non vaccinés contre la Covid-19 à être informés à temps de décisions les concernant», son texte pointe une «totale incompréhension par rapport à la décision d’imposer un pass vaccinal sans aucun préavis ou délai raisonnable, ni débat national sur la question». Ses rédacteurs dénoncent aussi une «démarche qui exposera des millions de Marocains à l’inquiétude, au risque de ne pas accéder à leurs emplois, de se retrouver incapables d’accéder à une administration en cas d’urgence, aux transports en commun ou encore de jouir d’autres droits plus élémentaires». «De même, le risque de bousculades qui risque d’être inévitable devant les centres de vaccination dès jeudi pourrait donner lieu à l’effet contraire, voir à des risques sanitaires», mettent-ils en garde.
Les signataires invitent le gouvernement à «revoir cette décision», à «instaurer un délai de préavis ou un moratoire de deux mois concernant l’imposition du pass vaccinal» et à lancer «un débat national serein et dépassionné sur la gestion de la crise sanitaire».
Pour Nabila Mounib, secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU) et membre du collectif, «l’obligation du pass vaccinal est une imposition de la vaccination obligatoire alors que l’Etat marocain a précédemment annoncé que la vaccination était libre». «Au sein du Parti socialiste unifié, nous exprimons notre rejet de l’obligation du pass vaccinal. Ce pass ne peut pas limiter la propagation de cette épidémie, car les personnes vaccinées peuvent contracter le virus et elles peuvent aussi le transmettre à d’autres», confie-t-elle tout en dénonçant une «une discrimination inacceptable».
«Nous attendions que le gouvernement revoie le décret de l’Etat d’urgence sanitaire et les erreurs qui s’y sont introduites, pour que les mesures prises n’affectent pas les libertés et ne provoquent pas de dépression économique. Ce pass a été imposé sans délai et sans débat démocratique, en violation de la Constitution et de ce qu’elle énonce, et en transgression des institutions qui doivent y avoir leur mot à dire, notamment le Parlement», estime-t-elle.
Mohamed Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et membre du collectif, explique avoir signé la pétition à «titre personnel». «Je ne suis pas contre le pass vaccinal, mais contre son imposition sans laisser le temps aux gens pour s’adapter», a-t-il indiqué. L’ancien ministre estime que «nous ne pouvons prendre de décision lundi pour l’appliquer le jeudi». «Il aurait fallu attendre trois ou quatre semaines avant de pouvoir la mettre en œuvre. Des mesures suffisantes auraient dû être prises pour que cette décision ne pose pas de problèmes», poursuit-il. M.N. Benabdallah donne l’exemple de «ceux qui sont contre la vaccination et qui se retrouvent devant le fait accompli». «S’ils décident de se faire vacciner, ils n’obtiendront leur pass vaccinal qu’après trois semaines. C’est pour cela que je dis que la question nécessitait un délai précis avant son application», conclut-il.
Jaâfar Heikel, infectiologue, fait également partie du collectif et précise ne pas être «contre la vaccination ou le pass vaccinal». Toutefois, «il fallait informer les gens de l’obligation du pass vaccinal il y a un mois et leur indiquer qu’ils ne peuvent plus accéder aux espaces publics ni voyager s’ils ne disposent pas de ce document». Rappelant que «la situation épidémiologique n’est pas une urgence au Maroc», J. Heikel affirme être «contre l’imposition du fait accompli» et pour «la démarche de sensibilisation et de persuasion». «Que feront des milliers de personnes allergiques et non vaccinables ? Il faut trouver des alternatives, car en France, par exemple, si vous n’avez pas de pass vaccinal, il suffit d’obtenir un test PCR», conclut-il.

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