« L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie était illégale. Je la condamne dans les termes les plus forts », a déclaré le Britannique par visioconférence. Mais « il n’est pas vrai que l’invasion russe de l’Ukraine ait été « non provoquée ». Alors je condamne aussi les provocateurs dans les termes les plus forts », a-t-il ajouté.
Le musicien, qui s’est exprimé à plusieurs reprises ces derniers mois sur la guerre en Ukraine, a également appelé à un cessez-le-feu immédiat, pour ne plus perdre « une seule vie ukrainienne ou russe ». Il a par ailleurs ironisé sur un Conseil de sécurité de l’ONU selon lui « sans influence » : « Cette absence de mordant est peut-être une bonne nouvelle […] si je peux ouvrir ma grande bouche sans craindre qu’on m’arrache la tête. »
Le discours de la rockstar a été immédiatement dénoncé par l’ambassadeur ukrainien. « Comme c’est triste pour ses anciens fans de le voir accepter de n’être qu’une brique de plus dans le mur, dans le mur de la désinformation et de la propagande russe », a lancé Sergiy Kyslytsya en référence aux paroles de la célèbre chanson des Pink Floyd, «Another Brick in the Wall ». « Je suis surpris qu’il n’ait pas gonflé un ballon en forme de cochon dans la salle du Conseil aujourd’hui, comme il le fait dans nombre de ses concerts. Qu’est-ce que ça aurait été cette fois Monsieur Waters, des cochons avec des croix gammées, la faucille et le marteau ?», a-t-il ajouté, appelant le musicien à s’en tenir à la guitare « au lieu de faire la leçon » au Conseil. « Je reconnais naturellement les références impressionnantes [de Roger Waters] en tant qu’artiste, ses qualifications pour nous parler en tant qu’expert sur le contrôle des armes et les questions de sécurité en Europe sont moins évidentes », a ironisé l’ambassadeur américain adjoint Richard Mills.
La Russie avait demandé cette réunion pour discuter des armements fournis à l’Ukraine par l’Occident. En livrant ces armes, « nos anciens partenaires occidentaux forcent [l’Ukraine] à tenir bon aussi longtemps que possible sans penser aux pertes des forces armées ukrainiennes et en mettant de côté la morale », a déclaré l’ambassadeur russe Vassili Nebenzia. Il a salué l’intervention de R. Waters, « l’un des militants les plus importants du mouvement contemporain contre la guerre », y voyant un signe de « l’inquiétude de l’intelligentsia artistique internationale » sur la direction que le monde prend. Dans une lettre ouverte début septembre, R. Waters, 79 ans, avait écrit que l’Occident devrait arrêter de fournir des armes à l’Ukraine et accusé le président ukrainien Volodymyr Zelensky d’avoir toléré un « nationalisme extrême » avant de l’enjoindre à mettre un terme à « cette guerre meurtrière ». Il avait par la suite été déclaré « persona non grata » à Cracovie en Pologne, où ses concerts ont été annulés. A l’inverse, les Pink Floyd avaient publié en avril dernier leur première chanson originale depuis 1994, en soutien au peuple ukrainien. Il y a quelques jours, Polly Samson, une des parolières du groupe, également compagne de son chanteur et guitariste David Gilmour, a qualifié sur Twitter R. Waters d’« antisémite » et d’« apologiste de Poutine ». Des accusations qu’il a rejetées « entièrement » sur son compte Twitter, dénonçant des « commentaires incendiaires et totalement inexacts ».
En août dernier, R. Waters avait accordé un entretien à la chaîne américaine CNN pour s’expliquer sur les nombreux messages contenus dans son spectacle « This is not a drill» («Ce n’est pas un exercice»). Interrogé sur un passage du concert où le visage de Donald Trump et celui de Joe Biden se succèdent sur des écrans géants accompagnés de la mention « Criminel de guerre », le co-fondateur du groupe légendaire Pink Floyd a expliqué ce qu’il reprochait au président démocrate. « [Joe Biden] alimente le feu en Ukraine pour commencer. C’est un crime énorme. Pourquoi les Etats-Unis d’Amérique n’encouragent-ils pas [le président ukrainien Volodymyr] Zelensky à négocier, évitant ainsi la nécessité de cette guerre horrible, abominable, qui tue ? », a-t-il déclaré.
Relancé par son interlocuteur lui opposant que l’opération russe était une agression à l’initiative de la Russie, l’artiste britannique a tenu à recontextualiser les événements. « Toute guerre quand elle commence, ce que vous devez faire est de regarder dans l’Histoire […] Cette guerre concerne essentiellement l’action et la réaction de l’OTAN poussant jusqu’à la frontière russe, ce qu’ils ont promis de ne pas faire », a-t-il déclaré, évoquant les engagements pris auprès du dirigeant de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev lors de l’effondrement de l’Union soviétique. Pour R. Waters, les ramifications du conflit remontent à 2008, faisant apparemment référence au sommet de l’OTAN de Bucarest au cours duquel l’intégration de l’Ukraine et la Géorgie à l’alliance avait été évoquée.