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Le Maroc présent à Rammstein : Tropisme atlantique de Rabat

La position du Maroc vis-à-vis de la confrontation russo-occidentale qui se cristallise sur le terrain ukrainien a changé. Exit, donc, la neutralité dont le Royaume a fait preuve depuis le début deux mois ! Le Royaume qui compte parmi les alliés adoubés par Washington au sein de l’Alliance atlantique (OTAN), fait preuve de tropisme atlantiste. Est-il pour autant payant de prendre part à ce conseil de guerre dirigé contre la Russie ?

Une délégation marocaine conduite par Abdellatif Loudiyi, ministre délégué chargé de l’Administration de Défense Nationale, a participé, mardi 26 avril, à la base aérienne américaine de Rammstein en Allemagne, à une réunion consacrée à fournir davantage d’aides militaires à l’armée ukrainienne. Et ce n’est pas rien lorsqu’on sait que les Français, membres de l’OTAN, n’ont été représentés que par une ambassadrice appuyée, pour l’occasion, par un délégué militaire de second rang.

En déléguant A. Loudiyi à cette réunion, Rabat aura choisi de basculer de position en abandonnant la posture de neutralité adoptée depuis le 24 février, jour où Moscou a annoncé le début de son « opération spéciale » en Ukraine qui vise à « désarmer » ce pays européen qui aspirait à devenir membre de l’Alliance atlantique, – inacceptable projet pour la Russie-, et à le « dénazifier ».

Pour rappel, Rabat a joué la politique de la chaise vide à l’Assemblée générale des Nations unies, les 2 et 24 mars ainsi que le 7 avril, lors des votes des résolutions condamnant l’intervention militaire russe en Ukraine. Et la diplomatie marocaine avait expliqué, dans un communiqué produit le 2 mars, que malgré sa non-participation à l’opération du vote qui cherchait à condamner l’opération russe, «le Royaume du Maroc réaffirme son fort attachement au respect de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’unité nationale de tous les États Membres des Nations unies».

Mais il faut croire que la position timorée observée par Rabat à l’égard d’une tension russo-occidentale ne pouvait durer indéfiniment. Pour des raisons bien évidentes. Le Maroc a été hissé, depuis juin 2004, au statut d’allié majeur des Etats-Unis non-membre de l’OTAN. Statut qui ne trompe pas au regard des engagements attendus de tout membre de l’Alliance « otanique ». Ce qui transparait des divers engagements dans presque toutes les coalitions militaro-sécuritaires pilotées par l’Oncle Sam, à l’image de la coalition contre l’Organisation de l’Etat Islamique, dont il s’apprête à accueillir à Marrakech une nouvelle session le 11 mai prochain, ou encore celle qui vise à endiguer la menace de l’Iran (Processus de Varsovie, lancé en février 2019 par l’administration Trump).

A la base US de Rammstein, les représentants de l’Oncle Sam n’ont pas tergiversé en haussant le ton vis-à-vis de Moscou. Lloyd Austin, secrétaire américain à la Défense, a rappelé aux 40 délégations conviées à cette messe otanique que l’objectif de la rencontre des «nations de bonne volonté» tend à «intensifier les efforts, coordonner l’assistance, et se concentrer sur la victoire du combat d’aujourd’hui et des combats à venir» contre l’ennemi juré qu’est la Russie. Le général Mark Milley, chef d’état-major américain, a été aussi sentencieux en rappelant que «l’issue de ce conflit dépend des personnes réunies aujourd’hui dans cette pièce».

Intervenant à la veille de la visite du patron de l’ONU à Moscou et à Kiev, le « conseil de guerre » atlantiste de Rammstein ne semble guère laisser de place à la diplomatie, tant les Américains cherchent, et ils ne s’en cachent pas, à mettre à genoux la Russie, puissance minorée et qui plus est diabolisée. Les Américains prévoient de réunir mensuellement leurs alliés pour évaluaer les moyens à même de renforcer les capacités militaires de l’Ukraine. Le Maroc qui a franchi le Rubicon y prendra part, au même titre que la Tunisie et le Qatar, pays d’un statut similaire au sein de l’OTAN.

La question qui se pose serait dès lors de savoir en quoi l’alignement de Rabat sur les positions militaristes de Washington pourra être payant ? La question mérite d’être soulevée à l’heure où l’architecture du monde est en train de basculer et que même les alliés traditionnels de l’Oncle Sam semblent avancer à reculons. Comme le font des pays européens qui craignent que le feu d’une plus grande conflagration ne les affecte directement.

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