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Hydrocarbures libyens : L’Europe se fournit en contrebande

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Lors de son dernier sommet début octobre, l’OPEP+ a décidé de réduire sa production, à compter du 1er novembre, de deux millions de barils par jour. Trois pays de l’OPEP sont exemptés de cet effort, à savoir l’Iran, le Venezuela et la Libye. En plus de l’Algérie.

Les Occidentaux, selon plusieurs experts, ont les yeux rivés sur la Libye à cause de son immense potentiel pour atténuer les conséquences de l’effet boomerang des sanctions économiques et financières contre la Russie.

Aux portes de l’Europe, la Libye est dans un état de guerre civile depuis 2011 suite à l’intervention de l’Otan sous instigation française qui a fini par renverser le Président Mouammar Kadhafi. Est-elle en mesure d’être le vivier énergétique espéré des Européens pour remplacer le pétrole et gaz russes ?

Pour faire le point sur la situation dans ce pays, notamment en ce qui concerne l’état des capacités de production et des infrastructures de transport, Sputnik a sollicité le professeur Rafaa Tabib, géopolitologue tunisien, conférencier à l’École supérieure de guerre à Tunis et spécialiste de la Libye. Selon lui, « plusieurs raisons ont conduit à la décision de l’OPEP+ ».

L’expert explique que « la Libye est un pays qui sort d’une situation chaotique aussi bien sur les plans politique, économique et social que sur celui d’une exploitation de ses ressources pétrolières. La Libye n’a pas encore atteint pleinement sa part de production quotidienne attribuée par l’organisation de l’OPEP dans le cadre des accords OPEP+ ». Et en chaine que « la Libye est un pays producteur et exportateur de pétrole. Mais à cet égard une question importante se pose : qui exporte le pétrole? Il est évident qu’en Libye, il y a un vrai problème de contrebande. En Libye il n’y a pas de compteur des quantités de pétrole exportées, le pays ne sait même plus combien il en exporte ».

A titre d’exemple, explique-t-il, « dans la région de Zaouïa, dans l’ouest du pays, la milice El Kassab, qui y contrôle la production pétrolière, exporte 120.000 barils par jour en contrebande. Il faut savoir que l’agriculture en Italie, comme à Malte, ne tient dans les conditions imposées par la Politique agricole commune de l’UE (PAC) que grâce à la main d’œuvre pas chère des migrants et le pétrole de contrebande de la Libye qui coûte entre 25% et 30% du prix réel sur le marché. Le triangle géographique Italie-Libye-Tunisie est contrôlé par des mafias qui sont actives en dehors de tout regard des États de la région ».

En termes de potentiel, la Libye a environ « 44 milliards de mètres cubes de pétrole de réserves et de capacités de production, lui permettant de produire jusqu’à trois millions de barils/jour sans aucun problème », ajoute R. Tabib. Cependant, il précise que « la situation sécuritaire extrêmement dégradée dans le pays entrave gravement l’exploitation des hydrocarbures. À ceci s’ajoute la dégradation de l’état des pipelines, des oléoducs et des gazoducs. Enfin, il y a la question du contrôle des terminaux pétroliers où on est incapable, actuellement, de savoir qu’elles sont les quantités réelles exportées vers l’étranger, notamment vers l’Europe, à cause de l’emprise des milices armées sur ces infrastructures vitales utilisées pour financer l’effort de guerre ».
Dès lors, assure-t-il, « dans les conditions actuelles, la Libye ne peut pas remplir les conditions des contrats d’approvisionnement des quantités suffisantes pour l’Europe, encore moins de remplacer les hydrocarbures russes ».

Aux yeux de R. Tabib informe que « la région occidentale de la Libye, la Tripolitaine, est devenue actuellement une sorte de colonie turco-italienne, dont ces deux pays se partagent les ressources en hydrocarbures. Depuis longtemps, l’Italie a mis la main sur l’exportation des hydrocarbures libyens par le gouvernement d’Al Watya, surtout au niveau d’Aljmail et Zouara ».

Seule « la région de l’est, où se trouve le croissant pétrolier du pays contenant près de 70% des réserves en pétrole, est sous contrôle de l’Armée nationale libyenne (ANL), commandée par le maréchal Khalifa Haftar. Toutes ces parties, bien que vivant dans une sorte de chaos apparent, savent très bien entretenir de bons rapports avec les puissances occidentales », rappelle le géopoliticien.
Et de déplorer le fait que « quand les occidentaux parlent de la Libye, ils désignent clairement la partie utile pour eux et celle qui ne l’est pas ». La Libye utile, souligne-t-il, « est la région où il y a énormément de pétrole et d’eau mais pas de population. À contrario, la Libye inutile est la région où il y a des populations mais sans pétrole ni d’eau. Ainsi, ce qui intéresse les Européens c’est la sécurité des approvisionnements en gaz et en pétrole, quelles que soient la qualité, l’identité ou la nature de l’organisation qui contrôle les sites de production, les infrastructures de transport et les terminaux d’exportation. » Que l’organisme soit une milice ou un mouvement radical, cela ne leur importe guère. D’ailleurs, à chaque fois qu’il y a un enlisement de la situation sécuritaire en Libye, « les dirigeants européens qui interviennent dans les médias n’appellent pratiquement pas à l’arrêt des combats car tout ce qui les intéresse c’est la sécurité des infrastructures pétrolières du pays » précise-t-il.

Et de rappeler, à titre d’exemple, « l’appel du représentant diplomatique des États-Unis en Libye qui a demandé, cet été, aux Libyens de réduire leur consommation d’électricité pour que le surplus dégagé soit exporté vers l’Europe, c’est-à-dire là où il estime qu’elle est la plus utile ».

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