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Gaz libanais : De quoi sera faite la réaction du Hezbollah

Moustafa Bayram, ministre libanais du Travail, a révélé que « le Hezbollah a chargé un haut responsable du parti pour suivre le dossier de la démarcation de la frontière maritime avec Israël », suite à l’arrivée dans la région de l’unité maritime grecque, chargée de l’exploration, du forage et de la production du gaz dans le champ Karish, situé dans une zone contestée par le Liban. Le leader du Hezbollah fera des annonces jeudi.

« Un très haut responsable du Hezbollah, jouissant d’une vaste expérience dans ce domaine s’est vu confier le dossier de la démarcation maritime. Il sera assisté d’une équipe des plus importants ingénieurs et géographes qui travaillent méticuleusement jour et nuit », a déclaré M. Bayram en conférence de presse. Il a indiqué qu’ « il n’y a pas de détails sur l’identité du responsable », en question ajoutant qu’il se pourrait qu’il doive « présenter une vision complète pour la direction qui l’a nommé ». Toutefois, il a ajouté que « cette affaire relève de la responsabilité de l’Etat libanais, elle est dans l’intérêt du Liban et de tous les Libanais ».

M. Bayram a souligné que « le médiateur américain, Amos Hochstein, et les personnes concernées en Israël, ont reçu depuis hier des messages clairs selon lesquels toute pénétration dans la zone contestée ne sera pas tolérée », soulignant que « cela ne signifie point d’agir émotionnellement et unilatéralement, au contraire cette position doit plutôt être unanime. » Et de préciser que « la position unanime émerge de la position de l’État libanais et de celle de soutien du peuple, mais nous ne permettrons pas aux Israéliens d’imposer des questions en négociations comme un fait accompli, et c’est ce qui a poussé les responsables israéliens hier à préciser que nul n’approchera près de la zone contestée. »

Le ministre libanais a souligné que « l’Israélien ne pourra pas bénéficier calmement du gaz extrait avant que le Liban ne puisse jouir de son gaz », s’interrogeant « sur la raison du retard des opérations d’exploration dans les blocs incontestés » par les compagnies auxquelles elles ont été attribuées. Il s’agit d’un consortium formé du français Total, de l’italien ENI et du russe Novatek. Selon le responsable, « il existe une position publique nationale claire qui rejette toute agression israélienne contre les richesses du Liban, mais il faut une position technique unifiée et claire ».

Concernant la prochaine visite la semaine prochaine d’A. Hochstein pour discuter de la question de la démarcation, M. Bayram a déclaré que « le médiateur américain compte nous visiter, sauf que nous ne pouvons compter sur lui sur cette question ou toute autre car depuis toujours et selon notre expérience personnelle l’intérêt d’Israël est pour lui une priorité. Or, ce qui nous aide, c’est que nous possédons une carte de force, d’où l’importance de la pression médiatique pour créer une opinion publique pressante qui puisse refléter la conscience nationale ». il a révélé   que lorsque « la ligne 29 a été proposée avec le médiateur américain, l’Israélien s’est retiré de la session », annonçant qu’ « un projet de loi urgent a été présenté au Parlement pour adopter la ligne 29 » notant que « cette question sera incluse dans les discussions des blocs parlementaires, où nous verrons qui est pour et qui est contre ». Ce tracé réalisé par l’armée libanais, de concert avec une société britannique, accorde au Liban quelque 2300 km2, les 860 de la ligne 23 compris.

En Israël, le quotidien Haaretz a indiqué que les opérations d’extraction de gaz commencera dans 3 mois. La radio publique israélienne a indiqué que la marine israélienne garde la plate-forme, et qu’elle a assuré son parcours depuis sa sortie du canal de Suez, en provenance de Singapour.

Côté libanais, on est de plus en plus persuadé que les Américains font tout pour empêcher le Liban de profiter de ses richesses, via des agents locaux ou des acteurs politiques qui les craignent. Ou en faisant pression sur les compagnies auxquelles les blocs ont été attribués pour entrainer l’échéance de leur exploitation dans des atermoiement interminables. De même, les Américains utilisent la crise économique que traverse le Liban pour imposer une démarcation des frontières à l’avantage des Israéliens, et au détriment des droits libanais. Ils ont par exemple conditionné les livraisons de gaz et d’électricité depuis l’Egypte à l’acceptation de leurs conditions pro israéliennes.

Dans ses récents discours, avant l’arrivée de la plateforme grecque, le secrétaire général du Hezbollah s’est longuement attardé sur l’importance de lancer l’exploitation des ressources pétrolières et gazières en méditerranée, estimant que c’est « le trésor enfoui du Liban » et « sa planche de salut pour le sortir de sa crise économique et financière ». Il a insisté qu’il fallait prendre des positions courageuses et en position de force, pour aller de l’avant, assurant que la résistance fera le nécessaire pour les soutenir.

Depuis l’embarquement de cette plateforme, plusieurs responsables du Hezbollah ont insisté sur la nécessité pour l’Etat libanais de décider une fois pour toutes quelles sont les frontières maritimes avec la Palestine occupée.

Trois lignes ont été tracées: la 1 dans un accord bilatéral avec Chypres, en 2007, de la part du gouvernement de Siniora, mais qui n’a jamais été ratifié par le Parlement libanais. La ligne 23 en 2011, plus au nord, qui accorde au Liban 860 km2 supplémentaires par rapport à la ligne 1, et dont les deux décrets signés et approuvés ont été envoyés à l’ONU. Elle a été contestée par Israël qui veut s’en tenir à la ligne de Siniora. Puis celle de 29, tracée en 2019 par l’armée libanaise avec la consultation d’une équipe britannique et qui accorde plus de 1400 km2 supplémentaires aux 860 km2 de la précédente.
Cette dernière ligne exige toutefois un amendement du décret 6433 de la part du chef de l’Etat. Sauf que Michel Aoun hésite à le signer, avant de l’envoyer de nouveau à l’organisation onusienne. Ce qui fait dire à certains observateurs que cette nouvelle ligne a été destinée dès le début pour les négociations.

Avec l’arrivée de la plateforme grecque à Karish, M. Aoun fait l’objet de demandes pressantes pour le faire.  Il a rappelé avoir envoyé une missive au secrétariat général du Conseil de sécurité des Nations unies, publiée sur son site, assurant qu’il n’y a pas de zone économique exclusive attestée, contrairement aux allégations israéliennes et contestant les travaux de forage qui pourraient constituer une menace pour la paix et la sécurité.
Il a demandé à l’armée libanaise de s’enquérir pour localiser l’endroit où elle a accosté.

Sachant que le problème réel ne réside pas dans l’endroit où elle accoste pour entamer ses travaux d’extraction de gaz, mais dans l’emplacement du gisement en question, s’il se trouve ou pas dans une zone contestée.

La résistance aussi s’est intéressée à l’endroit où la plateforme a arraisonné.
Citant des sources de la résistance islamique, Ibrahim al-Amine, le rédacteur en chef du quotidien libanais al-Akhbar proche du Hezbollah rapporte que le navire grec n’a même pas accosté à la limite de la ligne 29. « Ce qui veut dire qu’il a évité de provoquer le Liban, de son plein gré », d’après lui. Et ce à la demande de l’institution militaire et sécuritaire israélienne qui a mis en garde contre un positionnement qui puisse enclencher une confrontation directe avec le Hezbollah, d’autant qu’il a les moyens de viser les plateformes voire même tout corps en action dans le cadre des travaux de forage.

Le commandement israélien avait été averti, rapporte al-Amine, via plusieurs médiateurs, que le Hezbollah est très sérieux et suit de très près cette question, surtout si ‘Israël’ compte imposer des faits accomplis.

Selon al-Amine, « la résistance qui a exprimé être prête à toutes les éventualités, corrèle sa démarche à plusieurs choses : « la position définitive du Liban sur la démarcation des frontières maritimes, laquelle dépend des tractations avec les Américains, et le degré d’implication de l’ennemi dans des démarches non calculées qui rendent la confrontation inévitable ».
Une troisième situation pourrait aussi pousser à la résistance à passer à l’acte, fait-il remarquer : « Se contenter d’une notification de la part des autorités libanaises, faisant part qu’Israël usurpe les droits du Liban, pour entreprendre la démarche la plus appropriée pour empêcher l’ennemi d’opérer en mer, et peut-être plus que cela ».

Pour le moment, les autorités libanaises s’en tiennent à vouloir relancer la première démarche. Elles ont demandé à A. Hochstein, médiateur américain (de nationalité israélienne) de revenir au Liban pour discuter de la démarcation. Il devrait arriver le dimanche ou le lundi prochain, selon le chef du Parlement Nabih Berri. Le mois de février dernier, il avait fait une proposition sur ce dossier qui avait été rejetée par le Hezbollah et le mouvement Amal.
Sa solution préconisait une transaction en dehors des lignes de démarcation 23 et 29, et promeut le départage de la production gazière ou pétrolière dans cette zone entre le Liban et Israël, via des compagnies internationales et un mécanisme défini d’avance, selon des experts.

Tout en feignant négocier sur la ligne 23, dans la continuité de son prédécesseur Frederic Hof qui avait proposé son partage avec Israël à 55% pour le Liban et 45% pour l’entité sioniste, A. Holchstein propose 50 km2 de plus au Liban, mais suggère que le gisement Qana situé au nord de la ligne 29 devrait être accordé entièrement à Israël.

Des observateurs constatent que la ligne de démarcation suivie par le médiateur américano-israélien est en zigzag, aux confins avec le bloc 8, situé au sud du bloc 9 et dont l’exploration n’a encore été attribuée à aucune compagnie pétrolière.

 

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