De 3.000 milliards de dollars en 1989 à plus de 31.700 milliards en 2023, l’exorbitante dette causée par des décennies de politique dépensière aux États-Unis représente un danger pour l’économie du pays et, par ricochet, pour l’économie mondiale, annonce The Economist.
Le pays pourrait se retrouver en défaut de paiement dès le 1er juin, selon Janet Yellen, secrétaire au Trésor, citée par le magazine.
Même si le Congrès parvient à relever à temps le plafond de la dette pour écarter une nouvelle menace de défaut de paiement, « son flirt avec le désastre sert d’avertissement sur la détérioration de la santé budgétaire des États-Unis et la difficulté de la récupérer », note The Economist.
Il faut également tenir compte de la politique étrangère de Washington qui fait augmenter la dette. L’industrie de guerre consomme beaucoup d’argent, surtout depuis que Washington envoie ses armes et troupes en Europe, en Afghanistan et au Moyen-Orient.
La Chine, la Russie et les autres économies des BRICS font de leur mieux pour se préparer à un nouvel effondrement de l’économie US. Ils renforcent leurs liens économiques, signent de nouveaux accords entre banques et s’efforcent de réduire leur dépendance à l’égard du pétrodollar et de la technologie US. Mais ces efforts sont pour l’instant insuffisants.
De 1980 à 2020, la part des États-Unis dans la production économique mondiale a diminué de 32% à 24% et leur part dans le commerce mondial a reculé de 14% à 11%. Toutefois, le dollar reste la monnaie de prédilection sur les marchés internationaux. Il représente environ 59% des avoirs des banques centrales étrangères, et de 74% à 96% de tout le commerce dans le monde, selon la région, rappelle le magazine.
En 1929, le krach boursier à Wall Street avait marqué le début de la Grande Dépression, la plus grande crise économique du XXe siècle, et avait finalement culminé pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2009, un autre krach boursier US a déclenché une « grande récession » mondiale, amputant la croissance économique américaine et mondiale de plusieurs milliers de milliards de dollars, note pour sa part le New York Times.
À présent, les États-Unis seraient confrontés soit à un défaut de paiement souverain, soit à des coupes sombres dans les dépenses de l’État. Les deux scénarios seraient dévastateurs pour les marchés mondiaux. Des coupes budgétaires importantes pourraient déclencher une profonde récession. Un défaut de paiement saperait la confiance dans le système financier américain, avec une série d’effets domino, en particulier sur les marchés financiers, a déclaré à Sputnik Sergio Rossi, professeur de macroéconomie et d’économie monétaire à l’université de Fribourg, en Suisse.
Le plus grand danger pour la planète serait qu’une Amérique confrontée à une crise économique se tourne vers l’utilisation de son vaste appareil militaire pour exploiter encore plus directement ses dépendants et clients. Washington pourrait ainsi essayer d’obtenir des ressources ou des marchés essentiels ou d’empêcher des nations de changer de camp et de rejoindre des blocs économiques ou politiques émergents antagonistes.
Le 4 mai, Shalanda Young, directrice du Bureau de la gestion et du budget de la Maison-Blanche, a déclaré souscrire aux propos d’Avril Haines, directrice du renseignement national, selon laquelle la Russie et la Chine aimeraient que les États-Unis fassent défaut et plongent l’économie dans le chaos.
Quelque 66 200 milliards de dollars. C’est le montant record de la dette des États en 2022. Au niveau mondial, les intérêts payés par les États ont « monté en flèche » de 20,9% en 2022 par rapport à 2021, soit « la progression la plus rapide depuis 1984 », selon l’indice annuel de la dette souveraine du gestionnaire d’actifs Janus Henderson. Cette progression reflète selon lui « à la fois la hausse des taux et le gonflement du stock d’emprunts ». En France, le bond de la charge de la dette est même de 43%.
Surendettement européen
En Europe, la situation n’est pas meilleure. On signale une explosion des coûts – 1 380 milliards de dollars au total en 2022 –due notamment à la politique des banques centrales qui, pour combattre l’inflation qui a atteint des records depuis les années 1980 dans de nombreux pays occidentaux, ont revu fortement à la hausse leurs taux. Alors qu’ils étaient juste au-dessus de 0% début 2022, ils étaient passés proches de 4,5% à la fin de l’année aux États-Unis.
Depuis, la tendance s’est poursuivie et la Banque centrale US a procédé à un dixième relèvement consécutif de ses taux, pour les mener vers 5,25% début mai. Les gouvernements sont donc « au pied du mur », selon Janus Henderson, qui prévoit que ces coûts « doubleront au cours des trois prochaines années ».
En effet, les États vont rembourser des dettes émises à une période où les taux d’intérêt étaient bas pour réemprunter à des taux désormais bien plus élevés, au plus haut depuis dix ans dans de nombreux pays d’Europe comme aux États-Unis. Selon ce rapport, les États-Unis sont en tête des emprunteurs mondiaux. L’an dernier, le Trésor américain a emprunté, à lui seul, plus que l’ensemble, des autres pays du monde.
Le taux de l’emprunt français à dix ans, qui fait référence, tournait autour des 2,9% lundi 8 mai, contre 0,19% le 31 décembre 2021. Selon les dernières prévisions, en 2027, avec la poursuite de la hausse des taux d’intérêt, cette charge de la dette devrait être le premier poste de dépenses, de l’État français.