Jean-Noël Barrot, ministre français des affaires étrangères, avait déclaré, mercredi, que certains dirigeants pouvaient bénéficier d’une immunité en vertu du Statut de Rome, le traité instituant la Cour pénale internationale (CPI). Il a souligné que le Statut de Rome « traite des questions d’immunité pour certains dirigeants », ajoutant que ces questions relèvent en dernier ressort des autorités judiciaires.
Le ministère français des affaires étrangères a quant à lui souligné, dans un communiqué, la volonté du pays d’honorer les engagements internationaux pris dans le cadre du Statut de Rome : « La France respectera ses obligations internationales, étant entendu que le Statut de Rome exige une pleine coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) ». Le communiqué souligne également qu’ « un État ne peut être tenu d’agir d’une manière incompatible avec ses obligations en vertu du droit international en ce qui concerne les immunités des États non parties à la CPI ».
À la question de savoir si cette immunité alléguée avait une quelconque valeur juridique, Francesca Albanese a répondu par la négative. « Non, parce que cette question a déjà été résolue dans le passé par la Cour dans le cas d’Omar el-Béchir, et personne (ne s’y est opposé) », a-t-elle affirmé au micro-d’Anadolu. Omar el-Béchir est un ancien militaire et ancien chef d’État soudanais qui a été inculpé par la CPI en 2009 et 2010 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre de civils au Darfour. « L’argument de l’immunité de l’État ne peut être invoqué. La Cour l’a déjà dit », a déclaré F. Albanese. Celle-ci a souligné que le fait d’entraver l’exécution d’un mandat d’arrêt de la CPI pouvait être considéré comme une violation de l’article 70 du Statut de Rome.
« Je tiens à souligner que le fait d’entraver l’exécution d’un mandat d’arrêt de la CPI pourrait être considéré comme une violation de l’article 70, une entrave au fonctionnement de la justice, ce qui constitue une infraction, un délit pénal en soi », a-t-elle déclaré. Elle a également estimé que les approches contradictoires de la France à l’égard du mandat d’arrêt délivré contre B. Netanyahu et de celui délivré contre le président russe Vladimir Poutine en mars 2023 – un État non partie – relevaient d’une politique de « deux poids, deux mesures ».
La semaine dernière, la CPI a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de Netanyahu et de Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans la Bande de Gaza. Israël est également poursuivi pour « crime de génocide » devant la Cour Internationale de Justice (CIJ), pour la guerre meurtrière qu’il mène contre la Bande de Gaza.
J. Borrell enfonce le clou !
De son côté, le Haut représentant de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a appelé la communauté internationale, en particulier les membres de l’UE, à ne pas porter atteinte à la Cour pénale internationale (CPI), affirmant que le soutien à la Cour est le seul moyen de parvenir à une justice mondiale.
Josep Borrell a fait des déclarations à la presse, jeudi, avant la deuxième réunion de la « Coalition mondiale pour la mise en œuvre de la solution à deux États » sur la Palestine, organisée par l’UE et la Belgique. Il a déclaré qu’il tenait tout particulièrement à organiser cette réunion le dernier jour de son mandat, qu’il s’apprête à passer le relais à Kaja Kallas. « Je ne voulais pas quitter mon poste à Bruxelles sans avoir organisé cette réunion. Il s’agit presque de ma dernière activité à Bruxelles. Je pars demain, mais je demande à tous ceux qui œuvrent en faveur de la solution des deux États de continuer à travailler dur, car sans cela, il n’y aura pas de paix au Moyen-Orient », a-t-il dit.
Selon J. Borrell, l’instabilité au Moyen-Orient affectera également l’Europe. « Je voudrais lancer un appel à tous les membres de la communauté internationale et en particulier aux membres de l’UE. Nous ne pouvons pas saper la CPI. C’est le seul moyen d’avoir une justice mondiale. C’est le seul moyen de faire respecter l’obligation de rendre des comptes. La CPI ne fonctionnera pas si les Européens ne la soutiennent pas pleinement et sans délai », a-t-il insisté.
Le 21 novembre, la CPI a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien et de son ancien ministre de la défense, une partie de la communauté internationale, dont certains pays de l’UE, ont déclaré qu’ils ne soutiendraient pas la Cour.
L’initiative « Coalition mondiale pour la mise en œuvre de la solution à deux États » a été lancée par l’UE et l’Arabie saoudite le 26 septembre lors de l’Assemblée générale des Nations unies. La première réunion s’est tenue à Riyad les 30 et 31 octobre.
La France ment
La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) a accusé le Gouvernement français de « mentir délibérément » au sujet des obligations internationales concernant les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre B. Netanyahu et Y. Gallant.
Selon la LDH, les déclarations du ministère français des Affaires étrangères, évoquant « l’immunité » dont bénéficierait B. Netanyahu en vertu du droit international, constituent une « falsification du droit ». L’organisation rappelle que la Cour a déjà tranché la question de l’immunité dans des cas similaires, notamment celui de l’ancien président soudanais Omar el-Béchir.
Pour la LDH, la position française reflète une politique de « deux poids, deux mesures » : alors que Paris a soutenu les mandats de la CPI contre V. Poutine, elle se montre réticente à appliquer les mêmes principes à B. Netanyahu. L’organisation appelle le gouvernement à « respecter ses engagements internationaux » et à « cesser de sacrifier les principes du droit international sur l’autel d’intérêts géopolitiques partisans ».