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Putsch au Gabon : Le chef de la junte montre patte blanche

Les militaires au pouvoir au Gabon multiplient les initiatives. Le général Brice Clotaire Oligui Nguema, chef du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), a poursuivi vendredi ses consultations. Après le patronat, après les leaders religieux, c'était à la classe politique de rencontrer la junte.
Putsch au Gabon : Le chef de la junte montre patte blanche

Malgré son agenda très chargé, le chef de la transition gabonaise a pris tout son temps pour écouter les responsables des partis politiques qui ont effectué le déplacement. La rencontre a duré quatre heures.

Le général a été clair. La transition qu’il dirige est un régime d’exception. À ce titre, il a suggéré que le fonctionnement de la vie politique devienne également exceptionnel : plus d’opposition, plus de majorité, durant cette période.

À propos de la durée de la transition, sujet qui focalise l’intérêt de la classe politique, il a indiqué qu’il ne décidera pas tout seul. Les partis politiques seront consultés. Selon les premiers éléments de langage sortis de cette réunion, il a été évoqué une transition d’un an, voire deux ans. Le temps d’élaborer les textes et lois qui régiront la République. La transition s’achèvera par l’organisation d’élections libres et crédibles, a insisté le général Oligui Nguema.

A signaler aussi qu’après avoir félicité l’armée pour avoir évité au pays un nouveau « coup d’État électoral », la plate-forme de l’opposition radicale Alternance 2023 avait demandé aux militaires de poursuivre la compilation des résultats de l’élection présidentielle, remportée, selon elle, par son candidat, Albert Ondo Ossa. « Au terme de ce processus qui devrait se poursuivre sous la supervision de nos forces armées, le professeur Albert Ondo Ossa verra sa victoire dans les urnes officialisée », assure Mike Joktane, membre de la plate-forme. Paul Marie Gondjout, président de l’Union nationale unie, pense que le coup d’État est un pain béni pour reformer les institutions : « Comme on dit, à chaque chose malheur est bon. Et je pense qu’il faut saisir les opportunités quand elles se présentent à vous. »

En recevant la Fédération des entreprises (FGE) et son président Henri-Claude Oyima, jeudi au palais présidentiel, le patronat avait soumis au général tout un train de réformes. Il en a retenu quatre : « Le règlement de la dette intérieure par la mise en place du Club de Libreville, même si par le passé à la Direction générale des services spéciaux (DGSS), nous avons enquêté sur le Club de Libreville et nous avons trouvé plusieurs irrégularités, je le sais parce que j’ai été enquêteur dessus ; la restauration de la journée comptable du Trésor pour mettre fin aux petites combines entre copains et coquins ; l’appel systématique au système bancaire lorsqu’il s’agira de financer nos projets ; la mise sous gestion du secteur privé des deux caisses que sont la CNAMGS et la CNSS, afin de mettre fin à la souffrance de nos compatriotes. Je veux que cela soit effectif dès maintenant. »

Le général parle du Club de Libreville. Il avait été mis en place par le patronat comme groupe de pression pour payer la dette intérieure, c’est-à-dire l’argent que l’État doit aux entreprises. Ce sont des arriérés énormes. Il évoque aussi la CNAMGS, la caisse d’assurance maladie. Et la CNSS, la Sécurité sociale qui sert à verser les pensions de retraite. Ce sont les cotisations patronales et salariales qui font vivre ces deux caisses. Or depuis toujours, ce sont des organismes publics. L’État en nomme les dirigeants.

« Les mesures ont été bien accueillies par l’assistance », selon un témoin direct, présent dans la salle. Même si tous savent qu’il faudra attendre pour juger les militaires à l’aune de leurs promesses.

En dépit des cotisations à la CNSS et CNAMGS, leur déficit reste important. Ainsi, beaucoup de retraités ne parviennent pas à toucher leur pension. S’ajoutent à cela diverses crises économiques, qui ont entraîné des vagues de licenciements, notamment dans le secteur pétrolier. Les grands groupes pétroliers étaient d’importants contributeurs de ces caisses, mais à cause de la crise, leurs cotisations ont baissé.

Depuis un an, le patronat a indiqué sa volonté de prendre le contrôle de ces caisses car ce sont leurs cotisations qui les font vivre. Les chefs d’entreprise ne voulaient plus voir leurs collaborateurs partir à la retraite sans pouvoir toucher de pension. La privatisation des deux caisses a plusieurs fois été évoquée durant les mandats d’Ali Bongo, mais la réforme n’avait jamais abouti.

Ces mesures se font dans un contexte particulier pour la junte. Les militaires veulent faire avancer leur agenda et renforcer leur crédibilité en mettant à plat le système. Sauf que pour l’instant, ce ne sont que des annonces. Il est prévu une réunion mensuelle entre le général et les entreprises pour voir leur avancement. Les putschistes tentent d’asseoir leur légitimité. Ça montre que probablement, ils ne vont pas rendre le pouvoir, en tout cas pas tout de suite.

Sur ces entrefaits, des vidéos ont commencé à être diffusées, notamment sur les médias publics. On y voit par exemple Ian Ghislain Ngoulou, ex-directeur de cabinet de Nourredin Bongo, fils du président déchu, aux côtés de Nourredin Bongo lui-même. Tous deux l’air abattu. On y voit des images de sacs et valises remplis de billets. Interrogé, I. Ghislain reconnaît que l’argent était dans son salon, et explique qu’il s’agit de fonds de campagne. Mais il ne connaît pas la somme totale ni d’où l’argent vient. Agacé par les questions, il stoppe ensuite l’entretien. La presse parle de quatre milliards de francs CFA.

Même séquence aussi chez Kim Oun, qui est donc visiblement lui aussi aux arrêts. C’est le chargé de mission de Silvia Bongo, l’épouse d’Ali Bongo, dont on ne sait pas encore où elle se trouve. On voit l’homme assis devant une malle pleine d’argent liquide. Il explique que cette pièce avait été mise à disposition de la cellule financière et qu’« ils ont les clés du coffre », sans préciser qui. « Ils entrent et font ce qu’ils ont à faire. Je ne connais pas le montant, je ne sais pas à quoi argent servait. » En fait, le bureau serait rattaché directement à la Première dame.

Enfin, troisième séquence chez Mohamed Ali Aliou, ancien directeur de cabinet adjoint d’A. Bongo. De l’argent a aussi été trouvé chez lui. « Celui qui me payait connaît les chiffres », dit-il à la presse, sans plus de détail.

Ce sont donc tous des membres du premier cercle autour du président et de son épouse, arrêtés. Beaucoup font partie de ce qu’on appelle la « Young Team », une nouvelle génération de collaborateurs qui a émergé ces dernières années.

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