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La régionalisation sous la loupe de la Cour des comptes : Déconcentration entravée

Le chantier de la régionalisation avancée qui constitue un pilier stratégique consacrant la volonté de décentralisation et de démocratie locale, appelle à être amendée pour mieux faire. C’est ce que suggère la Cour des comptes dans son dernier rapport.
La régionalisation sous la loupe de la Cour des comptes : Déconcentration entravée

Appuyée par la Constitution de 2011 et formalisée en 2015 à travers l’instauration et l’opérationnalisation des structures des conseils régionaux, le parachèvement du cadre réglementaire d’application des trois lois organiques (71 textes d’application), ainsi que l’adoption de la charte nationale de la déconcentration administrative, suit son chemin. Cette avancée a consolidé les structures des conseils régionaux et défini un cadre juridique détaillé, selon le rapport de la Cour des Comptes 2023.

Néanmoins,  l’évaluation de cet arsenal juridique révèle certaines lacunes. Il est impératif d’ajuster et d’actualiser les textes législatifs relatifs aux compétences régionales pour éviter les superpositions d’attributions. À ce jour, 21 compétences requièrent une intervention législative ou réglementaire. En ce qui concerne la déconcentration administrative, « il a été constaté la non adoption et/ou la non révision de plusieurs textes législatifs et réglementaires, arrêtés par la feuille de route relative à l’accompagnement de la mise en œuvre des dispositions de la charte nationale de déconcentration administrative », signale le rapport.

En dépit de l’adoption de la charte nationale de déconcentration administrative, sa mise en œuvre demeure en deçà des attentes, avec un taux d’achèvement des actions prévues ne dépassant pas 32% en 2023. Le rôle des administrations régionales déconcentrées est entravé par des retards institutionnels et un manque de transfert effectif des compétences.

Selon la même source, sur le terrain, les Agences Régionales d’exécution des projets (AREP) présentent des inégalités notables dans leur fonctionnement. Entre 2016 et 2022, leurs dotations ont varié considérablement selon les régions, impactant la réalisation des Programmes de Développement Régionaux (PDR). En effet, durant la période 2016-2022, les dotations d’équipement allouées à l’AREP se sont élevées à plus de 1,1 MMDH au niveau de quatre régions, à savoir SoussMassa (1.579 MDH), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (1.678 MDH), Beni Mellal-Khénifra (1.435 MDH) et Fès-Meknès (1.135 MDH), toutefois lesdites dotations n’ont pas dépassé 250 millions dans les régions de Casablanca-Settat (214,9 MDH), Guelmim-Oued Noun (65,45 MDH) et Marrakech-Safi (55,15 MDH).

Bien que le PIB généré par les régions ait augmenté de 4,71% en moyenne annuelle de 2015 à 2021, les contributions régionales varient significativement. Néanmoins, les Régions affichent des contributions différenciées en matière de création de la richesse nationale. En effet, la contribution moyenne au PIB national de trois Régions dépasse 58%, il s’agit des Régions de Casablanca-Settat (32%), Rabat-Salé-Kénitra (16%) et Tanger-Tétouan (10%). Alors que le PIB généré par les autres Régions est de 42%.

Le mécanisme de contractualisation entre l’État et les régions, pourtant essentiel, est insuffisamment exploité, entraînant des retards dans la réalisation des projets.

En matière de financement, la mise en œuvre de la régionalisation avancée a permis l’allocation d’importantes ressources financières par l’État au profit des régions, avec une augmentation très significative durant la période 2015-2022, de 771 MDH à 9,25 MMDH. Toutefois, la mobilisation d’autres sources de financement n’est pas suffisamment exploitée. En effet, les ressources propres des régions ne dépassent pas un taux annuel de 7%. À cela s’ajoute, le recours limité au partenariat public privé (PPP) en vue de planifier et de mettre en œuvre des projets régionaux structurants qui nécessitent des ressources financières importantes et une expertise technique élevée, en raison du retard enregistré dans l’extension du dispositif juridique relatif aux PPP pour inclure les collectivités territoriales.

En termes de compétences, des retards persistent dans l’adoption des Schémas régionaux d’aménagement du territoire (SRAT) et dans la mise en œuvre des PDR. Un constat surprenant, les régions de Casablanca-Settat et DraaTafilalet ne disposent pas, jusqu’à fin mai 2023, d’un SRAT visé et sept schémas régionaux d’aménagement du territoire ne sont entrés en vigueur qu’au cours des années 2021 et 2022.  De plus, la définition et le transfert des compétences restent en suspens, sans qu’un cadre clair ne soit établi pour guider ce processus.

Dans le même contexte, l’approbation et le visa des PDR au titre de la période 2015-2021 a connu un retard. En effet, le Ministère de l’Intérieur a visé les programmes de développement de 10 Régions en juin 2018, puis celui de la Région Guelmim-Oued Noun en janvier 2020. Pour ce qui est des compétences transférées, aucun transfert de compétences de l’État aux Régions n’a eu lieu durant la période 2015- 2023. À cet égard, il y a lieu de soulever que le minimum des compétences à transférer aux régions n’est pas encore fixé, notamment celles liées à des secteurs et services concernant de près les citoyens.

Face à ces constats, la Cour formule plusieurs recommandations. Elle insiste sur la nécessité pour le Chef de Gouvernement de renforcer la mise en œuvre de la déconcentration administrative, d’adopter des décrets pour les représentations administratives régionales et de clarifier les mécanismes de transfert des compétences. Elle recommande également d’améliorer la planification et la gestion des PDR, tenant compte de leurs capacités de gestion et des ressources financières mobilisables et veiller à la qualité du montage financier et à la convergence des programmes de développement avec les autres politiques publiques, en précisant les projets dont la réalisation est prévue dans le cadre de contrats-programmes avec l’Etat.

La Cour a , en plus, recommandé de faciliter le recours au partenariat public-privé et d’accélérer l’élaboration du cadre réglementaire pour les compétences partagées. Elle a, aussi, mis en avant la nécessité de fixer les modalités et les critères d’application des principes de progressivité et de différenciation entre les régions lors du transfert des compétences.

La même instance a recommandé également d’accélérer l’adoption du projet du cadre réglementaire précisant les modalités d’élaboration des contrats relatifs aux compétences partagées et les mécanismes de coordination entre les parties prenantes.

De surcroît la Cour a recommandé  au ministère délégué chargé de la transition numérique et de la réforme de l’administration de mettre à jour des organigrammes des administrations centrales et des services déconcentrés de l’Etat et leur mise en conformité avec les compétences fixées par les schémas directeurs de la déconcentration administrative, approuvés par la Commission interministérielle, en coordination avec les départements ministériels concernés. Enfin, la Cour suggère des ajustements organisationnels et structurels pour garantir une mise en œuvre efficace de la régionalisation avancée.

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