La France et l’Allemagne ont annoncé le 4 avril l’expulsion massive de diplomates russes de leurs pays après la découverte de massacres de civils imputés par l’Ukraine et les Occidentaux aux soldats russes au nord-ouest de Kiev – ce que dément catégoriquement Moscou, qui a d’ailleurs ouvert une enquête sur ce dossier.
Les Etats-Unis et l’Union européenne ont par ailleurs fait connaître leur intention d’annoncer «cette semaine» de nouvelles sanctions économiques contre la Russie.
L’Allemagne a ainsi annoncé l’expulsion d’«un nombre élevé» de diplomates russes – 40 selon des informations de l’AFP – en poste à Berlin, en lien avec la guerre en Ukraine. Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères, a souligné que ces employés de l’ambassade de Russie constituaient «une menace pour ceux et celles qui cherchent une protection chez nous». «Nous ne le tolérerons plus», a-t-elle ajouté dans une déclaration écrite. Une démarche considérée par la Russie comme «inamicale» et devant «détériorer» les relations avec Moscou.
La France va expulser, quant à elle, 35 diplomates russes «dont les activités sont contraires à [ses] intérêts», selon une source proche du ministère français des Affaires étrangères citée par l’AFP. «Cette action s’inscrit dans une démarche européenne», selon un communiqué du ministère français.
Plusieurs pays européens ont annoncé dans la foulée des mesures similaires : le Danemark va ainsi expulser 15 diplomates russes pour espionnage, selon le ministre danois des Affaires étrangères. «Nous avons établi que les 15 agents de renseignement expulsés ont mené des activités d’espionnage sur le sol danois», a déclaré à la presse Jeppe Kofod. Le Danemark «veut envoyer un signal clair à la Russie : l’espionnage sur le sol danois est inacceptable», a-t-il affirmé. L’expulsion des quinze personnes, qui ont deux semaines pour quitter le Danemark, a été notifiée à l’ambassadeur de Russie dans la matinée du 5 avril. Copenhague a exprimé en même temps sa «ferme condamnation [de] la brutalité de la Russie contre les civils ukrainiens à Boutcha» et rappelé que «les attaques délibérées contre les civils constituent un crime de guerre», selon un communiqué de la diplomatie danoise. Copenhague a toutefois insisté sur le maintien de ses relations diplomatiques avec Moscou. «Le Danemark ne veut pas rompre ses relations diplomatiques avec Moscou. L’ambassadeur russe et le reste de l’ambassade à Copenhague ne sont donc pas concernés par l’expulsion. Il ne s’agit que de l’expulsion des agents de renseignement», a souligné le ministère des Affaires étrangères.
Les motifs invoqués par la Lituanie pour justifier également le renvoi de l’ambassadeur de Russie sont toutefois moins équivoques. «En réponse à l’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine souveraine et aux atrocités commises par les forces armées russes dans diverses villes ukrainiennes occupées, y compris l’horrible massacre de Boutcha, le gouvernement lituanien a décidé de réduire la représentation diplomatique, et l’ambassadeur de la Fédération de Russie devra quitter la Lituanie», a déclaré à la presse Gabrielius Landsbergis, chef de la diplomatie lituanienne. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a dénoncé une mesure «extrêmement hostile» et a accusé la Lituanie de vouloir «détruire les relations bilatérales» ajoutant que Moscou allait annoncer des mesures de rétorsion «bientôt».
L’Italie a également décidé d’expulser 30 diplomates russes pour des raisons de «sécurité nationale», selon Luigi Di Maio, ministre italien des Affaires étrangères qui s’exprimait depuis Berlin sur la chaîne d’information italienne RaiNews24 mardi 5 avril. «Cette mesure, prise d’un commun accord avec nos partenaires européens et atlantiques, a été rendue nécessaire pour des raisons liées à notre sécurité nationale et dans le contexte de la situation actuelle de crise liée à l’agression injustifiée de l’Ukraine par la Fédération de Russie», a déclaré le chef de la diplomatie italienne, dont les propos ont été confirmés à l’AFP par le service de presse du ministère. Cette mesure a été notifiée à l’ambassadeur russe à Rome par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, selon la même source.
L’Espagne a également suivi avec l’annonce de l’expulsion d’environ 25 diplomates. Plusieurs pays européens avaient déjà pris des mesures similaires Le 29 mars, la Belgique avait annoncé l’expulsion sous 15 jours de 21 personnes travaillant pour l’ambassade et le consulat de Russie, soupçonnées d’implication «dans des opérations d’espionnage et d’influence menaçant la sécurité nationale». Le même jour, les Pays-Bas avaient décidé l’expulsion de 17 personnes «accréditées en tant que diplomates auprès des représentations russes aux Pays-Bas [mais] secrètement actives en tant qu’officiers de renseignement».
Le 23 mars, la Pologne avait annoncé, par la voix de Mariusz Kaminski, ministre de l’Intérieur, l’expulsion 45 «espions russes se faisant passer pour des diplomates». Selon un décompte effectué par l’AFP, quelque 233 diplomates russes au total ont été expulsés de divers pays de l’UE depuis le début de l’invasion russe.
La Russie a fait savoir qu’elle réagirait par des décisions similaires. Le Kremlin a dénoncé le 5 avril le «manque de clairvoyance» européenne après l’expulsion d’Europe de plus de 120 diplomates russes en raison de l’offensive russe en Ukraine.
«Nous le regrettons. La réduction des possibilités de communiquer au niveau diplomatique dans ces conditions difficiles» dénote d’un «manque de clairvoyance qui va compliquer davantage la communication [entre la Russie et l’UE] nécessaire pour trouver des solutions», a déclaré à la presse Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin. «Et cela va entraîner inévitablement des mesures de représailles», a-t-il ajouté.
Alexandre Grouko, vice-ministre russe des Affaires étrangères cité mardi par l’agence TASS, a été très clair sur ce point: «Nous allons bien sûr prendre des mesures de représailles». «Il est clair qu’il s’agit d’un campagne coordonnée à l’avance. Cela porte un coup aux relations bilatérales, aux canaux de discussions diplomatiques», a-t-il ajouté, estimant que «les conséquences vont se faire sentir très longtemps».
Le parquet général de la Fédération de Russie a par ailleurs déclaré l’ouverture d’une enquête sur les images diffusées depuis la libération de la commune. Kiev s’est montré également favorable à une enquête, internationale. Le président ukrainien, Volodymir Zelensky, a en outre assuré le 5 avril qu’il garantirait l’accès à Boutcha à la presse internationale.