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Dérives au Cameroun : Le séparatisme « anglophone » ronge le pays

Amnesty international et Human Right Watch (HRW) ont encore averti de l’ampleur de la crise séparatiste au Cameroun. Les deux ONG dénoncent des crimes et exactions commis sur le terrain et craignent que «la limitation de l’information» autour de ce conflit ne le plonge dans la banalisation.

Lundi 2 août, Human Right Watch (HRW) dénonce de nouveaux abus effectués par les deux camps. «De nouvelles exactions ont été commises dans les régions anglophones du Cameroun par les forces de sécurité gouvernementales et les séparatistes armés, soulignant l’urgente nécessité de protéger les communautés concernées et d’établir les responsabilités dans les crimes commis», relève un communiqué de l’ONG.

Dans son rapport, elle revient sur quelques cas d’exactions enregistrés en juin et juillet 2021. Parmi les plus tragiques, HRW souligne que les 8 et 9 juin 2021, «des membres des forces de sécurité camerounaises ont tué deux civils, violé une femme âgée de 53 ans, et détruit et pillé au moins 33 bâtiments-des magasins et des logements, y compris la demeure d’un chef traditionnel-dans la région du Nord-Ouest».
Jusqu’à ce 4 août, Yaoundé n’avait pas réagi à ces accusations. Côté groupes armés, le 6 juin, des combattants séparatistes dans la région du Sud-Ouest «ont tué un garçon âgé de 12 ans, et le 1er juillet, un enseignant âgé de 51 ans. Et le 25 juin, des combattants séparatistes de la région du Nord-Ouest ont enlevé quatre travailleurs humanitaires et les ont détenus pendant la nuit», poursuit HRW.
Amnesty International faisait déjà, dans une enquête dévoilée fin juillet, établie sur des témoignages et des images satellite, l’ampleur des destructions dans les régions anglophones. L’ONG révèle aussi que toutes les parties en conflit y commettent «des atteintes aux droits humains et des exactions, prenant ainsi au piège la population civile».
«Dans un cas particulièrement horrible, deux vieilles femmes ont été abattues par des rafales de tirs séparatistes armés; autre cas, des membres de comités de vigilance fulanis (peuls) ont incendié des centaines d’habitations et tué quatre personnes lors d’une terrible attaque », a déclaré Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique centrale à Amnesty International.
Depuis plus de quatre ans, les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun sont en proie à une violente crise séparatiste. Dans ces territoires, où vivent la majorité des anglophones du pays, l’armée et les groupes séparatistes s’affrontent quasi quotidiennement, prenant en tenaille les civils, victimes collatérales d’exactions des deux protagonistes. Des parties en conflit qui rejettent constamment la faute l’une sur l’autre…

Si les cas d’exactions sont tout aussi nombreux aujourd’hui que dans un passé récent, beaucoup semblent s’en accommoder à mesure que la situation perdure. Une attitude inquiétante, déplore Cyrille Rolande Bechon, directrice exécutive de l’ONG Nouveaux Droits de l’homme Cameroun: «La crise anglophone est entrée dans la phase que nous redoutions le plus. Celle d’un conflit dont on s’accommode; une situation anormale qui perdure et qui rentre progressivement dans le subconscient collectif comme quelque chose avec laquelle on doit faire».
«Et pourtant c’est le moment plus que jamais de redoubler d’efforts pour maintenir l’attention sur cette crise (…) Les organisations non gouvernementales doivent continuer sans relâche et malgré l’adversité, à documenter les violations et à impulser des réflexions sur le conflit en zone anglophone de manière permanente», martèle l’experte des droits de l’homme.
Sur le terrain, la crise s’enlise, faisant des milliers de victimes. Selon le dernier rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) publié en février 2021, ce conflit a déjà fait plus de 3.500 morts (civils et militaires) et provoqué l’abandon de leur foyer de plus de 700.000 personnes. Des milliers d’hommes et de femmes ont besoin d’assistance de toutes sortes. Seulement, et alors que le conflit connaît un regain de violence avec de nombreux drames enregistrés ces derniers jours, HRW dénonce les «restrictions de l’accès humanitaire et des abus visant les travailleurs humanitaires».
Dans un rapport publié en 2019, l’ONG Conseil Norvégien pour les Réfugiés (NRC) classait ce conflit comme «la crise humanitaire et de déplacement de personnes la plus négligée au monde». Ce classement du NRC prenait en compte trois critères: le manque de financement pour répondre aux besoins humanitaires, le manque de couverture médiatique et la négligence politique.
D’ailleurs au terme de son enquête, Amnesty international somme la communauté internationale d’engager «publiquement les autorités camerounaises à diligenter sans délai des investigations approfondies, indépendantes et impartiales sur les allégations de violations des droits humains». Mais aussi de veiller à ce que l’aide humanitaire «destinée à répondre aux besoins des personnes touchées par les violences, notamment les réfugiés et les personnes déplacées, dispose des fonds nécessaires».

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