Donald Trump avait donné un avant-goût, vendredi, en classant l’USAGM, agence qui chapeaute ces médias publics parmi l’un des « éléments inutiles de la bureaucratie fédérale ». Dans la foulée, Kari Lake, fervent soutien de D. Trump, qui l’a nommée conseillère au sein de l’agence après sa défaite aux sénatoriales dans l’Arizona, a écrit dans un courrier électronique que les subventions fédérales à ces médias « ne font plus partie des priorités » de l’agence.
Les limogeages ont vite suivi, avec la brutalité d’usage : un simple email et des liens coupés directement. Des centaines de journalistes et d’autres employés de VOA, la « voix de l’Amérique », Radio Free Asia, Radio Free Europe et d’autres organismes ont donc reçu, durant le week-end, un courrier électronique les informant qu’ils seraient interdits d’accès à leurs bureaux. Ils sont aussi sommés de rendre cartes de presse, téléphones professionnels et autres équipements…
Le directeur de la VOA a lui-même été congédié — le reste du personnel est sous contrat jusque juin – mais le siège de Washington a été fermé ; cela entraîne de facto le démantèlement de la radio, qui était la voix de l’Amérique dans le monde entier, depuis 1942, en diffusant les informations en 49 langues auprès de 360 millions d’auditeurs par semaine.
Les médias comme Voice of America ou Radio Free Asia sont depuis longtemps considérés comme des « voix de l’Amérique » dans des pays où l’accès à une information indépendante est jugée plus difficile, en Europe orientale, au Moyen-Orient ou en Asie. Ils sont aussi l’instrument du « soft power » des États-Unis comme ce fut le cas de Radio Free Europe (lancée en 1950) pendant la Guerre froide. De même, Radio Free Asia, créée en 1996, a pour mission de fournir des reportages non censurés dans des pays où les médias ne sont pas libres, notamment la Chine, la Birmanie, la Corée du Nord et le Vietnam.
Le président des États-Unis exprime ouvertement et régulièrement son hostilité aux médias d’information, qu’il qualifie pour certains d’« ennemis du peuple ». Le démantèlement des médias publics opérant à l’étranger pourrait se heurter à des obstacles, car c’est le Congrès qui détient le pouvoir final, et certains organismes, comme Radio Free Asia, ont bénéficié d’un soutien des démocrates comme des républicains par le passé.
Les comités de protection des journalistes s’étonnent de ce « cadeau » que D. Trump fait aux régimes autoritaires russe, chinois ou iraniens – qui détestent ces radios, dont le journalisme indépendant contestait de facto les régimes. Enfin, ils s’inquiètent du sort des salariés justement en poste en pays autoritaires, qui risquent l’expulsion immédiate dès que leur contrat de travail est révoqué.
L’annonce a été aussi sévèrement critiquée par les organisations de défense de la liberté de la presse, rapporte l’AFP. « Il est scandaleux que la Maison Blanche cherche à vider de sa substance une agence financée par le Congrès qui soutient un journalisme indépendant remettant en question la parole de régimes autoritaires dans le monde entier », a réagi Carlos Martinez de la Serna, responsable du Comité de protection des journalistes (CPJ).
Pour Reporters sans frontières (RSF), cette décision « menace la liberté de la presse dans le monde et réduit à néant 80 ans d’histoire américaine en faveur de la libre circulation de l’information ». Une décision incompréhensible pour Thibault Bruttin, directeur général de RSF. « Je crois qu’il serait naïf de ne pas comprendre qu’il y a des enjeux de soft power comme on dit, d’influence américaine aussi, de capacité à contrer les narratifs issus des pays les plus répressifs. Donald Trump est en train de faire un cadeau formidable à Vladimir Poutine, à Xi Jinping et aux autres en abandonnant le terrain de l’information et en gros, il va ouvrir la porte à la propagande. C’est quelque chose d’irréparable s’ils décident de mettre un terme au travail des médias américains », a-t-il souligné.
Un « cadeau massif aux ennemis de l’Amérique », a aussi regretté Stephen Capus, président de Radio Free Europe/Radio Liberty, dans un communiqué. « Les ayatollahs iraniens, les dirigeants communistes chinois et les autocrates de Moscou et de Minsk ne pourraient que se réjouir de la disparition de RFE/RL après 75 ans » d’existence, a déclaré ce dirigeant dans un communiqué.
Donald Trump et son allié numéro un Elon Musk, qui dirige les entreprises Tesla, SpaceX, ou X, ont entrepris des coupes brutales dans toute la fonction publique US, visant de nombreux ministères comme l’Education, la Santé et des agences comme l’USAID qui chapeaute, entre autres activités peu avouables, l’aide au développement.