Devant le Parlement russe, Vladimir Poutine a imputé la responsabilité de l’attisement du conflit en Ukraine « entièrement » aux élites occidentales. Selon lui, la Russie a pour sa part fait tout pour résoudre le problème du Donbass par la voie pacifique. « Nous avons patiemment négocié une issue pacifique à ce conflit difficile. Mais un tout autre scénario se préparait dans notre dos », a poursuivi le chef de l’État russe. Il fait allusion aux accords de Minsk conclus en 2014 sur la région du Donbass, qui n’ont jamais été mis en exécution. Ils ont en revanche servi à préparer le terrain à la confrontation, de gagner du temps pour armer et entrainer les Ukrainiens, selon les aveux de nombreux dirigeants occidentaux dont l’ex-chancelière allemande Angela Merkel. « Lorsque la Russie était honnête au sujet des accords de Minsk, l’Occident jouait un jeu diplomatique », a-t-il déploré.
« Transformer un conflit local en une confrontation globale », l’Occident ne cache pas son intention de « mettre fin [à la Russie] une fois pour toutes », a averti le Président russe.
Alors que Kiev avait tenu des pourparlers sur des livraisons d’armes, les pays occidentaux en ont livré et ont également formé des officiers des bataillons nazis ukrainiens. « Avant même le début de l’opération militaire spéciale russe, Kiev négociait avec l’Occident sur la fourniture de systèmes de défense aérienne, d’avions de combat et d’autres équipements lourds. Nous nous souvenons également des tentatives du régime de Kiev d’obtenir des armes nucléaires, parce que nous en avons parlé publiquement », a tenu à souligner le chef de l’État russe. Lequel a souligné qu’il y a « des centaines de bases militaires de l’OTAN dans le monde ». « Il suffit de regarder la carte pour le voir », a-t-il déclaré, expliquant que « l’Occident jouait des cartes mixtes et célébrait sa trahison, et il a l’habitude de cracher sur le monde entier. »
V. Poutine a poursuivi : « Nous savions que la prochaine étape après le Donbass était d’attaquer la Crimée. Nous défendons notre patrie. L’Occident a gaspillé environ 150 milliards de dollars pour armer l’Ukraine. En 2020, l’Occident a donné aux pays pauvres 60 milliards de dollars. Comparez les chiffres »,
Le maitre du Kremlin a d’ailleurs rappelé que les pays occidentaux ont toujours eu recours à la méthode des mensonges dans des dossiers distincts du conflit ukrainien. « Ils se sont comportés de manière tout aussi fourbe en détruisant la Yougoslavie, l’Irak, la Libye, la Syrie. Ils ne se laveront jamais de cette honte. La notion d’honneur, de confiance, de décence n’est pas pour eux », a-t-il expliqué. Dans les années 1930, l’Occident avait ouvert la voie au pouvoir aux nazis en Allemagne. Aujourd’hui, il fait de l’Ukraine une « anti-Russie », a déclaré V. Poutine. Pour lui, il est honteux d’avoir donné à l’une des brigades de l’armée ukrainienne le nom d’Edelweiss, celui utilisé par les nazis dans les années 1940. « Les néonazis ne cachent pas de qui ils se considèrent les héritiers. Il est étonnant qu’en Occident, aucun de ceux qui détiennent le pouvoir n’y accorde d’attention », a indiqué le Président russe.
C’est sur la décision de Volodymyr Zelensky qu’une brigade de chasseurs alpins a été baptisée Edelweiss. C’était le nom d’un groupe de combat qui avait été créé en 1944 sur le territoire de la Slovaquie pour, entre autres, identifier et éliminer des détachements partisans. Il y avait aussi un autre Edelweiss, une division d’infanterie de montagne de la Wehrmacht. « Des signes de la Wehrmacht de l’Allemagne nazie sont appliqués sur des blindés ukrainiens », a ajouté V. Poutine tout en précisant que sont aussi particulièrement populaires les chevrons « Das Reich », « Totenkopf » ou encore « Galicie », soit des unités SS « qui ont elles aussi les mains couvertes de sang ». Et de rappeler que la division Edelweiss avait participé à la déportation des Juifs, à des exécutions de prisonniers de guerre, à des actions de nettoyage contre les partisans de Yougoslavie, d’Italie, de Tchécoslovaquie et de Grèce.
Assurant une énième fois que son pays « ne combat pas le peuple ukrainien qui est devenu captif de l’Occident sur les plans économique, politique et militaire », V. Poutine a aussi réagi à l’hypothèse de livraisons à l’Ukraine d’armes à longue portée. « Plus la portée des systèmes envoyés en Ukraine est longue, plus nous éloignerons la menace de nos frontières », a-t-il indiqué.
Le Président russe a jugé cette mesure naturelle. Les Occidentaux augmentent les livraisons d’armes et de matériels de guerre à l’Ukraine. Moscou a déclaré à maintes reprises que cela ne promettait rien de bon à Kiev et ne faisait que pérenniser le conflit et que les convois d’armes devenaient une cible légitime de l’armée russe.
Volodymyr Zelensky a annoncé le 17 février que les forces armées ukrainiennes seraient dotées de missiles de longue portée. « Une coalition de chars pour l’Ukraine a déjà été mise en place, le tabou est en train d’être levé sur les livraisons de missiles de longue portée. Il y a déjà de nouveaux progrès en matière de renforcement de notre artillerie et le monde a déjà entendu combien il est nécessaire pour la sécurité mondiale de mettre en place une coalition d’avions », a-t-il déclaré.
Une semaine plus tôt, le Times britannique avait révélé que le Royaume-Uni s’apprêtait à livrer des missiles longue portée avec lesquels Kiev comptait frapper la Crimée. Des missiles antinavires Harpoon et antiaériens Storm Shadows sont en effet dans les plans de Kiev.
V. Poutine a souligné l’impossibilité de vaincre la Russie sur le champ de bataille et s’est engagé à traiter de manière appropriée la transformation du conflit en une confrontation mondiale, soulignant que le niveau d’équipement des forces de dissuasion nucléaire russes avait atteint plus de 91 %.
Revenant sur les conséquences des sanctions, il a tenu à souligner que « l’économie russe a surmonté tous les risques ». Se félicitant de la part croissante du rouble dans les paiements, il a jugé que c’était l’Occident qui a réduit la part du dollar « de ses propres mains ». L’économie russe s’est avérée « plus forte » que les sanctions occidentales, a pointé le maitre du Kremlin, rappelant que malgré les prévisions de chute du PIB, celui-ci ne s’est réduit que de 2,1%.
Alors que la part du rouble dans les règlements internationaux a doublé, le Président russe a promis de continuer à travailler avec les partenaires [internationaux] sur l’indépendance vis-à-vis du dollar.
V. Poutine a appelé à poursuivre les « traîtres » en Russie. « Ceux qui ont choisi de trahir la Russie doivent être tenus responsables devant la loi », a déclaré le président russe, lors d’un discours à la nation, avant d’assurer qu’il ne s’agissait pas pour autant d’une « chasse aux sorcières ».
Le président russe a par ailleurs décidé de suspendre la participation de la Russie au traité russo-américain New Start sur le désarmement nucléaire. Il a aussi appelé les autorités russes à se tenir « prêtes à des essais d’armes nucléaires » si Washington en effectuait en premier.
Le jour même, Moscou a convoqué l’ambassadrice américaine Lynne Tracy à cause de l’implication croissante des Etats-Unis dans la crise ukrainienne, a fait savoir un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.
Dans une note de protestation remise à la diplomate, la partie russe indique que les livraisons d’armes aux forces armées ukrainiennes ainsi que le transfert des coordonnées d’infrastructures militaires et civiles russes sont des preuves de la participation de Washington au conflit du côté de Kiev.
La Russie demande ainsi aux Etats-Unis d’assurer le retrait des équipements militaires US et de l’Otan du territoire ukrainien, souligne le ministère.
Dans le même temps, Moscou attend toujours de Washington des explications concernant le sabotage des gazoducs Nord Stream survenu le 26 septembre dernier.