L’institution US a étudié, dans ce sens, les applications au dessalement de l’eau, chantier national de taille dans le royaume, en proie à une sécheresse sans précédent. Ainsi, l’institut rappelle que lors du deuxième sommet Russie-Afrique du mois dernier (27-28 juillet 2023) à Saint-Pétersbourg, le Maroc a fait un pas de plus vers la coopération avec Moscou, par la signature d’un accord avec Water and Energy Solutions, filiale de la société d’énergie nucléaire de Rosatom. Il s’agit d’une aubaine pour les deux parties, puisque le royaume est connu pour receler près de 73% des réserves mondiales de phosphate naturel, qui contiennent environ 6,9 millions de tonnes d’uranium, la plus grande offre disponible mondialement.
La coopération bilatérale comprend notamment le dessalement, un procédé gourmand en énergie. Bien que la Russie et le Maroc aient scellé désormais leur partenariat, « les avancées récentes de la technologie nucléaire modulaire américaine ouvrent également la porte à un partenariat stratégique global avec les Etats-Unis sur la technologie nucléaire civile, dans le but de faire face à la pénurie d’eau et à d’autres impacts du changement climatique », selon les rédacteurs de l’étude.
En octobre 2022, rappelle-t-on, le gouvernement russe avait déjà réaffirmé sa collaboration nucléaire avec Rabat, en préparation du récent protocole. Ainsi, ce cadre « pourrait créer un précédent si l’énergie nucléaire est incluse dans le portefeuille de solutions à mettre en œuvre dans le cadre de la stratégie nationale de l’eau du Maroc » pour la période 2020-2050. En fonction des premiers résultats, ce projet pilote pourrait aussi ouvrir la voie à une participation plus large de la Russie, susceptible de dupliquer l’expérience dans les autres pays de la région, d’après la même source.
Rosatom est expérimenté dans le développement de stations de dessalement pour répondre aux besoins de refroidissement des centrales nucléaires qu’il construit dans le monde, y compris la centrale nucléaire d’Akkuyu, sur la côte sud de la Méditerranée en Turquie. Les quatre réacteurs dans le cadre de ce projet en construction auront une capacité globale de 4 800 mégawatts (MW), capables de fournir environ 10% de la demande d’électricité de la Turquie, indique l’institut. Le géant russe construit aussi une centrale similaire à Dabaa (Egypte), en vertu d’un protocole d’accord signé en 2015 pour répondre à plusieurs dimensions que pose la problématique du manque de l’eau, en termes d’accès pour l’usage individuel, comme pour l’irrigation et le soutien au secteur agricole.
C’est à ce titre que le Maroc serait avantagé en envisageant cette option, selon l’institut, vu « les efforts de Rabat pour pousser davantage à une expansion de la production agroalimentaire à plus forte valeur ajoutée, destinée à l’exportation ». En 2020, « le Plan Maroc Vert décennal a réussi à augmenter la valeur des exportations agricoles du pays de 117% à environ 3,5 milliards de dollars et à créer 342 000 nouveaux emplois. Les exportations agroalimentaires du Maroc ont continué de croître pour atteindre 5,97 milliards de dollars en 2021 et ont dépassé les 7 milliards de dollars en 2022 », rappelle l’analyse, soulignant en revanche que le secteur représente jusqu’à 88% de la consommation hydrique du pays.
Dans un contexte où le nouveau plan décennal Génération Green 2020-2030 est axé sur la résilience et la durabilité de la production agricole du pays, avec une dépendance substantielle à la technologie de dessalement de l’eau de mer par osmose inverse (SWRO), ces stations « nécessitent 10 fois plus d’énergie pour produire le même volume d’eau que les usines de traitement d’eau conventionnelles », indique l’Institut US. « Pour satisfaire ses besoins agricoles et industriels tout en assurant un approvisionnement adéquat et abordable en eau pour la consommation individuelle, le Maroc devra faire de nouveaux investissements importants dans la production d’électricité à faible émission de carbone », ajoute-t-il.
L’institut rappelle aussi que selon des estimations géologiques, « la roche phosphatée du Maroc contient plus de trois fois les 1,9 million de tonnes d’uranium trouvées dans les plus grandes réserves de minerai d’uranium du monde en Australie ». Dans ce sens, le groupe OCP fabrique depuis les années 1980 de l’acide phosphorique, à partir duquel l’uranium peut être récupéré. En 2020, OCP Group a produit 40,7 millions de tonnes de phosphate et fabriqué 7,1 millions de tonnes d’acide phosphorique. Au cours des dernières années, le Groupe a examiné le rôle que « la récupération d’uranium peut jouer dans la durabilité de ses propres opérations, engageant les installations de recherche de l’Université Mohammed VI polytechnique pour valoriser le concept dans les décennies à venir », ajoute encore le document.
Alors que l’accent est mis sur le dessalement mobile de l’eau à travers l’engagement avec Rosatom en Russie, l’étude US souligne que le Maroc bénéficie également d’une synergie avec l’effort actuel de Washington pour développer les capacités et la technologie nucléaire de la quatrième génération, à travers la conception et la production de microréacteurs mobiles. « Le programme du gouvernement américain visant à développer un prototype de microréacteur mobile, le Project Pele, est dirigé par le Bureau des capacités stratégiques (SCO) du département de la Défense », rappelle l’analyse, indiquant les efforts impliquant le Département américain de l’énergie (DOE), la Commission de réglementation nucléaire, le Corps des ingénieurs de l’armée américaine, la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et la National Nuclear Security Administration, pour « faire progresser la résilience énergétique et réduire les émissions de carbone ».
Alors que le prototype est actuellement mandaté pour être démontré uniquement aux Etats-Unis sous la supervision de la sécurité du DOE, le département de la Défense « décidera à une date ultérieure de la transition de la technologie et de son utilisation commerciale dans l’industrie privée », fait savoir le document. « Alors que les implications sécuritaires du changement climatique deviennent de plus en plus criantes, Washington devrait engager la posture avant-gardiste de Rabat pour trouver des solutions à la pénurie d’eau », souligne la même source. L’option nucléaire faisant déjà partie du portefeuille de solutions possibles du Maroc « pour résoudre le trilemme alimentation-eau-énergie », les auteurs estiment que « la Maison blanche devrait réfléchir à la manière d’engager Rabat en tant que partie prenante » dans le processus mené outre-Atlantique.