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La France vacille en Afrique : Le carré burkinabé en jeu

Ibrahim Traoré, chef de la transition au Burkina Faso, a rencontré les enseignants et les étudiants séparément. Sécurisation des universités, amélioration des conditions d’études, question des Volontaires pour la défense de la Patrie ou encore réouverture des établissements fermés à cause du terrorisme étaient au cœur des échanges.
La France vacille en Afrique

Face aux étudiants, le capitaine I. Traoré a invité les jeunes à se départir de tous ceux qui brandissent les risques de guerre ethnique ou religieuse suite au recrutement des milliers de Volontaires pour la défense de la Patrie. « Lorsqu’ils sentent que cette lutte, nous allons la gagner, la question ethnique va commencer à se poser. Ne rentrez pas dans ce jeu de violence. D’autres sont en train de surfer sur la question des révisions [historiques, NDLR]. Il faut vous départir de cela. »

À la question de savoir si l’armée et les autres institutions françaises partiront du Burkina Faso, I Traoré a annoncé la révision de certains accords. « Peut-être que dans les heures à venir, un certain nombre d’informations tendant à revoir nos relations avec certains États. Parce qu’il faut que nous révisions beaucoup de textes. Nous voulons être souverains et je ne souhaite pas qu’il y ait de la violence comme je l’ai dit. »

A Paris, on espère éviter un scénario « à la malienne » au Burkina Faso, où l’avenir de sa coopération militaire est sur la corde raide alors que Moscou tente d’avancer ses pions.

La tension est montée d’un cran ces derniers mois entre Paris et Ouagadougou, où le nouveau pouvoir issu d’un nouveau coup d’Etat en septembre entend affirmer avec force sa souveraineté et « diversifier ses partenaires » dans la lutte anti-djihadiste, longtemps menée avec l’aide de la France dont 400 forces spéciales sont stationnées dans le pays.

« La Russie est un choix de raison dans cette dynamique », et « nous pensons que notre partenariat doit se renforcer », a souligné le Premier ministre burkinabè Apollinaire Kyélem de Tembela, à l’issue d’une entrevue avec Alexey Saltykov, ambassadeur de Russie. Début décembre, il avait fait une visite discrète à Moscou.

Le précédent malien est dans toutes les têtes. Après neuf ans de présence, les militaires français ont quitté le pays l’été dernier, poussés dehors par une junte hostile qui a fait appel à la sulfureuse société paramilitaire russe Wagner.

En coulisses, la junte burkinabè assure à Paris qu’elle ne compte pas s’adjoindre les services de Wagner, dont une équipe de liaison est venue prospecter au Burkina riche en ressources minières, selon plusieurs sources françaises.

Pour l’heure donc, les forces spéciales de « l’opération Sabre » restent dans le pays. Mais leur départ à terme est anticipé, et serait acté sur le champ si I. Traoré, s’associait aux mercenaires russes qui pourraient lui fournir une garde prétorienne pour se maintenir au pouvoir.

D’après deux sources proches du dossier consultées par l’AFP, l’option privilégiée serait alors de redéployer ces forces spéciales dans le sud du Niger voisin, pays où sont déployés près de 2.000 militaires français.

Pour certains experts, le départ des soldats français du Burkina semble de fait inéluctable, alors que la présence de l’ancienne puissance coloniale n’a pas permis d’enrayer la spirale de violences dans ce pays parmi les plus pauvres au monde. « Il y a une évolution profonde au Sahel, celle d’un sentiment anti-français de plus en plus important qui concerne non seulement certaines élites mais encore des franges, parfois importantes, des opinions publiques dans les grandes villes », souligne Alain Antil, expert à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Si Paris explique que « cette francophobie est fabriquée de toute pièce par des ennemis géopolitiques », elle est en fait « beaucoup plus profonde », observe-t-il. Les gouvernants africains sont obligés d’en tenir compte, souligne le chercheur, jugeant « probable » que la présence militaire au Sahel se réduise fortement à terme.

Emmanuel Macron, hôte de l’Elysée, s’est donné jusqu’au printemps pour repenser les partenariats militaires français sur le continent africain, qui devront coller aux demandes spécifiques des pays et s’appuyer sur des dispositifs moins visibles. De premières conclusions devraient être tirées « dans les prochaines semaines », de source gouvernementale. La France et ses partenaires ont intérêt à éviter une déstabilisation qui pourrait gagner l’Afrique du Nord.

Paris entend aussi éviter un déclassement stratégique face à ses compétiteurs sur le continent africain, qui comptera 2,5 milliards d’habitants en 2050. Car la France justifie en Afrique de l’Ouest, comme nulle part ailleurs dans le monde, son statut de puissance moyenne.

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