Des blindés israéliens ont tenté d’investir le camp de réfugiés de Jénine, fief des factions armées palestiniennes. Objectif de ces opérations « routinières », arrêter ou éliminer des combattants membres de ces groupes. Ainsi, mardi soir, les troupes d’occupation ont lancé l’assaut. S’ensuivent des affrontements. Certains habitants filment les combats. « Ils nous attaquent », répètent-ils. Jénine est plongée dans le noir. On ne voit rien, mais on entend des échanges de tirs nourris. Depuis le ciel, un immeuble est encerclé, puis visé par un drone.
À Jénine, au cœur de la nuit, une voix anonyme résonne : elle s’élève du haut d’un minaret. Un appel est lancé : « Resserrez les rangs, pour contrer l’occupant. » Les habitants publient des photos sur les réseaux sociaux. Des flammes dévorent un bâtiment. Le ministère de la Santé palestinien diffuse un premier bilan : des blessés graves. Il est rapidement réactualisé : il y a des morts et des blessés, de plus en plus nombreux. Un drone kamikaze a ciblé un attroupement de Palestiniens.
Par ailleurs, deux autres Palestiniens ont été tués ces dernières heures, un à Jéricho et un autre près de Gaza. Le bilan est vite monté à 6 morts, outre les blessés.
Cette équipée militaire en Cisjordanie intervient dans le sillage d’une quête, toujours hypothétique, d’une solution diplomatique au conflit qui ronge la région depuis 1948, date de l’établissement d’Israël sur le sol palestinien. Ainsi, Ryad tente d’obtenir des « concessions significatives » d’Israël envers Ramallah, avant de sceller une quelconque normalisation, formelle, avec l’entité sioniste.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères a déclaré lundi que la seule façon de résoudre le conflit israélo-palestinien passait par la création d’un État palestinien indépendant. « Il n’y a pas d’autre moyen de résoudre le conflit qu’en garantissant la création d’un État palestinien indépendant », a déclaré Faisal ben Farhan à la chaîne de télévision d’État saoudienne Al Ekhbariya. « Les gens commencent à perdre espoir dans la solution à deux États », a déclaré F. Ben Farhan, ajoutant qu’elle « devait revenir au tout premier plan ».
Ces propos ont été tenus en marge d’un événement de l’Assemblée générale des Nations Unies appelé « Journée de la paix », au cours duquel une trentaine de ministres des Affaires étrangères d’Europe et du Moyen-Orient se sont réunis pour évoquer la relance du processus de paix israélo-palestinien déjà moribond. Sous l’impulsion de l’Union européenne, de l’Arabie saoudite, de la Ligue arabe, de l’Égypte et de la Jordanie, les parties ont convenu lors de l’événement de proposer un « plan de soutien à la paix » dans les mois à venir, assorti de gros avantages pour les Israéliens et les Palestiniens, une fois conclu l’accord de paix.
Le chef de la diplomatie saoudienne a ajouté que Ryad avait choisi d’organiser l’événement en réaction aux violences continues sur le terrain et au fait que l’espoir d’une solution à deux États s’éloignait de plus en plus. L’initiative de lundi a vocation à « raviver l’espoir » d’une paix juste pour les Palestiniens, a déclaré le ministre saoudien, ajoutant que l’événement avait eu lieu en coordination avec les dirigeants palestiniens.
Les autorités israéliennes et palestiniennes n’ont pas été invitées à l’événement de lundi. Les États-Unis y étaient représentés par Barbara Leaf, secrétaire-adjointe aux Affaires du Proche-Orient. La veille, Israël et les États-Unis avaient réfuté les informations données par un journal saoudien selon lesquelles Ryad aurait annoncé à l’Administration Biden son intention de geler les négociations en vue d’une normalisation avec Israël, placées sous les auspices des États-Unis, parce que le gouvernement radical de Benjamin Netanyahu n’était pas disposé à faire de concessions aux Palestiniens.
L’article du journal Elaph, disant s’appuyer sur les déclarations de responsables du cabinet de B. Netanyahu, souligne l’insistance des ministres d’extrême-droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir pour qu’Israël ne fasse aucune concession aux Palestiniens, ajoutant que sans progrès avec Ramallah, il ne pourrait y avoir de progrès avec Ryad.
En parallèle, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (AP), s’en est vivement pris à l’Union européenne (UE) lors d’un événement privé qui a eu lieu lundi soir à New York. M. Abbas a affirmé que Bruxelles avait échoué à tenir sa promesse qui consistait à aider Ramallah à organiser des élections parlementaires et présidentielles en 2021. « Ce sont des animaux », a-t-il déclaré, utilisant un terme méprisant en arabe qui décrit quelqu’un qui se comporte mal. Ces propos ont été tenus lors de la réunion annuelle entre M. Abbas et les leaders de la communauté palestino-américaine, alors que le chef de l’AP se trouve actuellement à New York pour prendre part à l’Assemblée générale de l’ONU. Le dirigeant a dit à l’assistance que des responsables de l’UE étaient entrés en contact avec lui en 2020 concernant l’organisation et la tenue d’élections pour la présidence et pour le parlement palestiniens – de tels scrutins n’ont pas eu lieu depuis 2005 et 2006 respectivement. M. Abbas s’est souvenu qu’il avait alors dit aux officiels de l’UE qu’il s’engageait à organiser des élections, mais seulement si Israël acceptait que le scrutin ait aussi lieu à Jérusalem-Est.
Cela fait longtemps qu’Israël prend des initiatives qui visent à empêcher l’AP de mener des activités à Jérusalem-Est, que l’État juif considère comme une partie de sa capitale. Les Palestiniens, de leur côté, la revendiquent comme la capitale de leur futur État. Le président de l’AP avait ajouté que ses interlocuteurs de l’UE lui avaient donné l’assurance qu’ils exerceraient des pressions sur Israël dans ce sens. Au même moment, il avait écrit un décret au mois de janvier 2021, annonçant des élections parlementaires pour le mois de mai suivant et un scrutin présidentiel pour le mois de juillet suivant.
M. Abbas a raconté aux personnes présentes lors de la rencontre qu’il était retourné voir les représentants de l’UE, leur demandant des informations sur l’évolution des pourparlers avec Israël. Le dirigeant de l’AP a ajouté qu’il lui avait été répondu que Bruxelles n’avait rien pu faire auprès de l’État juif – à une période où le pays était dirigé par un gouvernement intérimaire placé sous l’autorité de B. Netanyahu, qui avait refusé de signer une décision portant sur l’organisation d’un scrutin palestinien à Jérusalem-Est. M. Abbas a indiqué lundi qu’il avait déclaré à l’UE qu’il ne changerait pas de positionnement sur la question, accusant Bruxelles de « belles paroles » qui ne sont pas suivies d’effets. « Ce sont des animaux », a continué le chef de l’AP.
Dans une déclaration publiée mardi par l’agence de presse officielle Wafa, Nabil Abu Rudeinah a affirmé que le président de l’AP a effectivement parlé de la question des élections, « affirmant la position palestinienne officielle de les organiser dès que possible à Jérusalem-Est, mais il n’a insulté personne dans ses propos, et il n’a pas utilisé de mots insultants pour quelque parti que ce soit ».
« De telles informations relayées dans les médias israéliens s’inscrivent dans la continuité de la campagne féroce menée par les autorités d’occupation israéliennes contre les dirigeants palestiniens et le récit palestinien, qui fait son chemin aux États-Unis et dans le monde entier », a ajouté Abu Rudeinah.
Un compte-rendu émis par Wafa a indiqué que M. Abbas avait informé les leaders américano-palestiniens « des développements dans les Territoires palestiniens occupés » et qu’il avait fait le point sur les efforts diplomatiques livrés par Ramallah concernant l’établissement d’un État palestinien, face à l’opposition israélienne. Et a réaffirmé le positionnement de l’AP en faveur de la solution à deux États sur les lignes pré-1967.