Les journalistes l’ont interpellé à plusieurs reprises : son pays, la Jordanie, est-il prêt à accueillir sur son sol une partie de la population gazaouie, que le président américain veut sortir du territoire palestinien ? Dans son anglais impeccable, le roi a refusé de répondre. Avec prudence, il a renvoyé la balle à l’Egypte qui doit faire des propositions en réponse à l’idée de D. Trump, au nom de la Ligue arabe. Le président américain voudrait que le royaume jordanien, avec l’Égypte, accueille l’essentiel des habitants du territoire palestinien. « L’une des choses que nous pouvons faire immédiatement, c’est de prendre 2.000 enfants, des enfants atteints de cancer ou très malades », a déclaré le roi.
La proposition d’accueil d’enfants malades a réjoui le républicain de 78 ans. « C’est vraiment un beau geste », a déclaré le président américain, assis aux côtés de son invité et du prince héritier Hussein dans le Bureau ovale. Il a prédit de « grands progrès » dans les discussions avec la Jordanie et l’Égypte, et s’est dit persuadé « peut-être pas à 100 %, mais à 99 % » d’arriver à un compromis avec le Caire. Abdallah II a fait savoir que l’Égypte élaborait un plan de coopération avec D. Trump et que ce projet ferait l’objet de discussions en Arabie saoudite. « Attendons que les Égyptiens puissent présenter ce plan », a-t-il plaidé.
Le Raïs égyptien, adoubé par D. Trump est attendu dans la semaine à la Maison Blanche, après avoir exhorté mardi à la reconstruction de Gaza « sans déplacer les Palestiniens » et laissé l’initiative à son chef d’état-major de mobiliser la Troisième armée pour parer à toute éventualité. Le président américain a une nouvelle fois défendu son projet pour Gaza, qui a créé une vague d’indignation internationale : « Nous allons posséder Gaza. Nous n’avons pas besoin de l’acheter. Il n’y a rien à acheter », a déclaré Donald Trump, assurant que le territoire serait placé « sous contrôle américain », sans plus de détails.
Interrogé sur l’annexion de la Cisjordanie par Israël, D. Trump a déclaré que « cela fonctionnera », sans plus.
D. Trump sait manier la carotte et le bâton. Il avait évoqué un arrêt des aides US à la Jordanie si celle-ci n’accueillait pas des Palestiniens déplacés. La Jordanie est bien consciente de la pression économique que pourrait exercer D. Trump sur le pays. Chaque année, Amman reçoit quelque 750 millions de dollars d’aide de la part de Washington, et environ 350 millions de dollars supplémentaires en aide militaire.
Plus de 90 organisations américaines et internationales ont signé une déclaration condamnant le projet du président américain de déplacer les Palestiniens de la bande de Gaza. Un projet d’épuration ethnique, assurent-elles.
Le Hamas a dénoncé l’appel du président américain, qui a demandé l’annulation du cessez-le-feu à Gaza, à moins que le mouvement de résistance palestinien ne libère tous les prisonniers israéliens dans un délai rapproché. D. Trump devrait comprendre que la libération des prisonniers israéliens ne peut être obtenue que par le respect des accords en vigueur.
Sami Abou Zuhri, haut membre du bureau politique du Hamas, a souligné que pour garantir la pérennité du cessez-le-feu à Gaza, il est impératif que les deux parties respectent leurs engagements. Il a insisté sur le fait que cette coopération est essentielle pour faciliter le retour des prisonniers israéliens. « Trump devrait savoir que pour que le cessez-le-feu à Gaza dure, les deux parties doivent respecter leurs obligations. C’est la seule façon de ramener les prisonniers [israéliens] », a-t-il indiqué. Comme il a critiqué le ton menaçant employé par le président US, affirmant que ce type de discours n’apporte aucune solution et ne fait qu’aggraver la situation.
Lundi 10 février, D. Trump a annoncé son intention de mettre fin au cessez-le-feu à Gaza, menaçant de déchaîner l’enfer si le Hamas ne libérait pas tous les prisonniers israéliens d’ici samedi prochain. Il a précisé que, selon lui, le moment serait venu d’agir si les otages n’étaient pas restitués dans le délai imparti. « Je dirais qu’il faut annuler et que tout soit réglé », a-t-il prétendu.
Lundi soir, le Hamas a annoncé qu’il suspendait la libération d’autres prisonniers israéliens, initialement prévue pour samedi, et ce « jusqu’à nouvel ordre ». Cette décision fait suite aux violations successives du cessez-le-feu à Gaza de la part du régime de Tel-Aviv.
Abou Obeida, porte-parole des Brigades Qassam, aile militaire du Hamas, a précisé que les prisonniers israéliens « demeureront en détention tant que l’entité occupante ne respectera pas ses engagements antérieurs et ne versera pas de compensations rétroactives ». Il a déclaré que durant les trois dernières semaines le Hamas a attentivement observé les cas de violation de la trêve par l’ennemi et son non-respect envers les termes de l’accord.
Parmi ces cas figurent le retard dans le retour des personnes déplacées dans le nord de Gaza, les bombardements et les tirs d’artillerie sur la population civile, ainsi que le refus d’autoriser l’entrée de l’aide humanitaire, contrairement aux accords établis, alors même que le Hamas a respecté ses propres engagements.
Israel Katz, ministre israélien de la Guerre, a réagi en annonçant avoir donné des instructions à l’armée pour qu’elle se mette en état d’alerte maximale face à tout scénario éventuel à Gaza.
De source palestinienne, on signale que le Qatar et l’Egypte travaillent à sauver le cessez-le-feu à Gaza. Le directeur du bureau médiatique du gouvernement à Gaza a signalé que l’armée d’occupation a commis plus de 270 violations depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Dans la journée de mercredi, une frappe israélienne a ciblé deux individus sous prétexte qu’ils récupéraient un drone. De son côté, le ministère de la Santé a indiqué que le nombre de victimes de l’agression israélienne s’élève à 48 222 martyrs et 111 674 blessés depuis le 7 octobre 2023.
Au-delà du dossier de Gaza, le Hamas dénonce l’autre génocide en cours en Cisjordanie. « L’ennemi sioniste spolie la terre palestinienne et ses ressources pour les donner aux colons armés », assure-t-il. Les autorités d’occupation continuent de mettre en œuvre le plan d’annexion de la Cisjordanie et de déplacement de ses habitants. Lea ville de Tubas est la dernière ville en date à subir les assauts barbares de l’armée sioniste.
Appels à l’unité
En attendant de voir clair dans le jeu de l’Egypte qui accueille dans quelques jours un sommet arabe d’urgence, Sanaa a réagi. Selon Badreddine al-Houthi, le programme américain dans la région est « destructeur et catastrophique ». A ses yeux, « les Américains se comportent avec notre monde arabo islamique avec concupiscence et mépris, leurs positions constituent un danger pour tous nos pays sans exception… Les indices sur cette cupidité américaine se reflètent dans les propos du président américain Donald Trump lesquels visent aussi plusieurs Etats non islamiques.» Il a ajouté que « les Américains profitent en grande partie de la niaiserie de certains Etats arabes… Les Américains considèrent cette nation comme un plat à dévorer et que tous ceux qui disposent de richesses énormes comme une vache à traire… Ils sont sauvages, arrogants, et en perte morale et de valeur, ils exploitent les pays sans aucune considération pour leurs droits et leur liberté. »
Evoquant la position des pays arabes à l’égard de la guerre contre la bande de Gaza, il l’a qualifiée de « complice et traitre ».
« L’Arabie saoudite a organisé plusieurs sommets pour Gaza mais en revanche elle n’a entrepris aucune démarche contre Israël en lui interdisant au moins d’utiliser son espace aérien. Les pays arabes n’ont pu adopter aucune mesure commune pour acheminer de la nourriture à Gaza qui mourrait de faim », a-t-il rappelé.
Quant au plan de transfert du peuple palestinien proposé par Donald Trump, qu’il a qualifié de « folie américaine », il a estimé que « les pays arabes se trouvent dans une posture embarrassante » appelant à « une position arabe forte et ferme pour refuser le projet américain ». C’est une occasion pour les Etats arabes pour « dire non et de renoncer à leur soumission », a-t-il souligné assurant que « l’unité arabe fera avorter la politique américaine contre Gaza ».
Depuis Téhéran, le général de division Mohammad Bagheri, chef d’état-major des forces armées iraniennes, a fermement dénoncé, mardi, en accueillant le chef d’état-major des forces armées du Sultanat d’Oman, le projet américano-israélien qui vise à expulser de manière forcée les habitants de Gaza et à procéder à un nettoyage ethnique dans cette région sinistrée par la guerre. Le général Bagheri a souligné que la réponse appropriée au régime israélien réside dans l’unité et la solidarité parmi les pays de la région.
« Compte tenu de la nature barbare et expansionniste du régime sioniste, la seule façon de faire face à ce régime occupant et terroriste est l’unité et la solidarité parmi les pays de la région », a déclaré le général Bagheri.
Arrivé en Iran lundi soir, l’amiral Al-Raïssi effectue une visite en Iran à l’invitation officielle du général de division Bagheri. Au cours de sa visite, le haut gradé de l’armée omanaise participera à une exposition des capacités et progrès techniques et technologiques des forces armées iraniennes.