A Tel-Aviv, une grande manifestation des familles des otages et de leurs soutiens s’est déroulé dans la soirée de samedi, insistant auprès de Benyamin Netanyahu le respect du cessez-le-feu dans son intégralité. Pareille manifestation exprime le doute que nourrit la société israélienne vis-à-vis de l’engagement du chef du gouvernement qui avait bloqué, à plusieurs reprises, l’aboutissement des négociations liées à la fin de la guerre à Gaza.
Les médias israéliens ont rapporté que le président américain a invité un rabbin anti sioniste à une rencontre à la Maison Blanche. Selon le Yediot Ahronoth, il s’agit du rabbin Aaron Teitelbaum qui est l’un des deux grands rabbins de la secte de Satmar. Lors de l’élection présidentielle américaine de 2024, le rabbin s’est écarté pour la première fois de la position constante de longue date de Satmar en faveur du parti démocrate pour soutenir Donald Trump au détriment de Kamala Harris.
Selon Ynet, cette rencontre historique marque la première fois qu’un président américain en exercice accueille un dirigeant hassidique à la Maison Blanche. L’équipe de Trump a déclaré qu’il considérait la bénédiction du rabbin Teitelbaum comme un « facteur important dans sa victoire » et souhaitait une bénédiction spéciale avant sa présidence.
Conformément aux croyances traditionnelles de Satmar, Teitelbaum est fermement opposé au sionisme et à l’Etat d’Israël. Il est affilié à l’organisation antisioniste Edah HaChareidis basée à Jérusalem. Depuis le 7 octobre, ses membres ont participé régulièrement aux manifestations pro-palestiniennes à New York. En 2017, pendant le premier mandat de D. Trump, le rabbin Teitelbaum avait condamné la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël. « Nous déclarons au nom du judaïsme Haredi : Jérusalem, la ville sainte, ne sera pas la capitale de l’État sioniste, même si le président des États-Unis le dit », a déclaré rabbi Teitelbaum, selon Israel National News. « Jérusalem est une ville sainte, une ville de piété. Le sionisme est le contraire de la crainte de Dieu et de la Torah, et il n’a rien à voir avec la ville de Jérusalem », a également dit rabbi Teitelbaum.
Valse à trois temps
Les autorités de l’occupation israélienne ont publié vendredi les noms de 95 détenus palestiniens, dont une majorité de femmes et de mineurs, libérables dès dimanche dans le cadre du premier échange de prisonniers en application de l’accord de trêve avec le Hamas destiné à mettre fin à plus de 15 mois de guerre. La liste comprend 70 femmes, dont une mineure, et 25 hommes, dont 9 âgés de moins de 18 ans. Selon les informations du ministère, le plus jeune a 16 ans. Sur la liste, seuls sept prisonniers ont été arrêtés avant le 7 octobre 2023.
Selon l’AFP, parmi les femmes figure Khalida Jarrar, femme politique, membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), et députée dans le conseil législatif palestinien. Entre 2015 et 2023 elle a été arrêtée à trois reprises pour ses activités de militante en faveur de la Palestine. Arrêtée fin décembre en Cisjordanie occupée, cette sexagénaire et détenue depuis lors sans charge. Abla Saadate, l’épouse du secrétaire général du FPLP Ahmad Saadate ainsi que la sœur du vice-président du bureau politique du Hamas le martyr Salah al-Aarouri devraient aussi être libérées dimanche. Selon deux sources proches du Hamas, le premier groupe de captifs à être libéré devrait être composé de « trois soldates israéliennes » sur les 33 libérables de la première phase.
Pendant la première phase de 42 jours, 1737 détenus palestiniens devraient être libérés, a précisé vendredi le président de l’Organisation des affaires des détenus et des libérés palestiniens. Selon le quotidien israélien Haaretz, 290 prisonniers palestiniens devraient être libérés sur les 563 condamnés à perpétuité.
Mais la correspondante d’al-Jazeera assure que le chiffre de ces derniers est nettement supérieur au chiffre officiel des autorités de l’occupation qui excluent dans leur décompte les détenus palestiniens des territoires de 1948.
« En échange de chaque soldate captive, seront libérés 30 détenus condamnés à la perpétuité ainsi que 20 qui purgent de lourdes peines ne dépassant pas les 15 années qui leur reste », a révélé une source palestinienne pour la chaine d’information libanais al-Mayadeen en exposant les critères suivis pour l’opération d’échange. « En échange de chaque captive et chaque enfant israélien détenu par le Hamas, 30 prisonnières et enfants palestiniens seront libérés. 30 prisonniers palestiniens âgés et malades seront libérés contre chaque captif israélien âgé (50 ans) ou malade », a ajouté cette source, selon laquelle « en vertu de l’accord, les prisonniers palestiniens qui seront libérés ne seront pas arrêtés à nouveau pour les mêmes accusations pour lesquelles ils avaient été arrêtés précédemment, et les prisonniers libérés ne seront pas arrêtés à nouveau pour purger le reste de leur peine, et ils ne seront pas tenus de signer un quelconque document en échange de leur libération. »
Gestion de l’aide
L’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas a suscité l’espoir de voir l’aide humanitaire parvenir aux Palestiniens dans un total dénuement mais les organisations humanitaires craignent de se heurter à des obstacles considérables. Des centaines de camions attendent du côté égyptien de la frontière avec le territoire palestinien et le ministère des Affaires étrangères a appelé jeudi à une distribution rapide de l’aide humanitaire.
Tom Fletcher, chef des affaires humanitaires des Nations unies, a qualifié cette trêve de « moment d’espoir et d’opportunité », ajoutant cependant qu’il « ne fallait pas se faire d’illusions sur les difficultés pour apporter de l’aide aux survivants ». Dans ce territoire densément peuplé, où la quasi-totalité des 2,4 millions d’habitants ont été déplacés au moins une fois, les travailleurs humanitaires craignent que l’aide ne suffise pas à répondre aux besoins de la population.
« Tout a été détruit, les enfants sont dans les rues, on ne peut pas se contenter d’une seule priorité », a déclaré à l’AFP Amande Bazerolle, coordinatrice de Médecins sans frontières (MSF), par téléphone depuis Gaza.
Depuis Khan Younès,Mohamed Khatib, directeur adjoint des opérations de l’organisation Medical Aid for Palestine à Gaza, asouligné que « tout le monde est épuisé, y compris les travailleurs humanitaires locaux qui travaillent sans relâche depuis 15 mois alors qu’ils sont eux-mêmes déplacés ».
Dans les abris de fortune installés dans les écoles, les maisons bombardées et les cimetières, des centaines de milliers de personnes n’ont même pas de « bâches en plastique » pour se protéger des intempéries, a expliqué à l’AFP Gavin Kelleher, du Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR). Son organisation devra se concentrer notamment sur l’approvisionnement en « bâches, cordes et équipements pour boucher les trous » dans les abris. « Au moins jusqu’à ce que nous cessions de voir des enfants mourir d’hypothermie », a-t-il déclaré depuis Gaza.
La semaine dernière, l’hypothermie a tué au moins huit personnes — quatre nouveau-nés, trois nourrissons et un adulte — dans le centre et le sud de Gaza, selon un bilan du ministère de la Santé du Hamas utilisé par l’Organisation mondiale de la santé.
Al-Qahera, média égyptien, a rapporté mercredi que des efforts étaient en cours pour rouvrir le point de passage de Rafah avec l’Egypte, fermé en mai lorsque les forces israéliennes en ont pris le contrôle du côté palestinien. Les Emirats arabes unis ont déjà envoyé des fournitures médicales pour plus de 600.000 personnes et le Programme alimentaire mondial a déclaré jeudi avoir suffisamment de nourriture pour un million de personnes. Du côté égyptien, « entre 700 et 1.000 camions » attendent, a déclaré à l’AFP une source du Croissant-Rouge égyptien.
Mais face aux frappes aériennes israéliennes incessantes, les travailleurs humanitaires sont sceptiques. Selon A. Bazerolle, la promesse de 600 camions par jour, soit plus que le niveau d’avant la guerre, « n’est pas réalisable techniquement ». « Depuis que Rafah a été détruite, les infrastructures ne sont pas à même de faire face à ce niveau de logistique », explique-t-elle.
L’aide qui parvient à Gaza est souvent pillée par des bandes armées et des civils désespérés. « Les Israéliens ont ciblé la police, donc il n’y a plus personne pour protéger les cargaisons », souligne-t-elle.
Pour sa part, Rik Peeperkorn, représentant de l’OMS dans les territoires palestiniens, qui se trouvait à Jérusalem, a indiqué qu’il fallait que les professionnels de santé de Gaza puissent faire leur travail et qu’il fallait engager des professionnels de santé supplémentaires.« En outre, nous estimons que 12.000 patients en état critique doivent être évacués en rétablissant le corridor médical traditionnel vers Israël et la Cisjordanie, mais aussi vers l’Égypte, la Jordanie et ailleurs », a-t-il souligné.
La situation est encore plus désastreuse dans le nord de Gaza, où les organisations humanitaires affirment qu’Israël a refusé presque toutes leurs demandes d’entrée et où environ 10.000 personnes restent bloquées.
Selon A. Bazerolle, MSF espère y envoyer des équipes « pour avoir au moins accès aux patients là où ils se trouvent ». Selon l’OMS, un seul hôpital dans le nord de Gaza fonctionne partiellement, celui d’Al-Awda, qui a été régulièrement pris pour cible.
Mais la plupart des centaines de milliers de déplacés du nord de Gaza espèrent rentrer chez eux, y compris M. Khatib lui-même, qui s’attend à un « déplacement massif de la population » si la trêve tient. Beaucoup, a-t-il dit, « trouveront leur quartier entier détruit » sans aucun service essentiel, eau potable, nourriture ou abri. « Nous savons que la souffrance va continuer, nous fermons un chapitre de souffrance et en ouvrons un autre, mais au moins il y a un espoir de voir le bain de sang cesser », a-t-il déclaré à l’AFP.