« Avec qui mener des discussions ? C’est effectivement une question qui n’est pas négligeable. » Lors d’une conférence de presse conjointe à Minsk avec son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko, le président russe a été interrogé par un journaliste sur la perspective d’une reprise des négociations en Ukraine. Plus particulièrement, sur les interlocuteurs qui seraient alors « aptes » à négocier aux yeux de Moscou, le journaliste rappelant notamment que le mandat de V. Zelensky avait expiré. « Nous nous rendons bien compte que la légitimité du président en exercice a expiré », a abondé Vladimir Poutine, en référence au fait que le mandat de V. Zelensky arrivait à son terme le 20 mai. Un mandat prolongé jusqu’à nouvel ordre, le président ukrainien ayant décidé en novembre 2023 de reporter les élections présidentielles, invoquant la loi martiale en vigueur et la mobilisation générale.
« Je pense que l’un des objectifs de la conférence qui est annoncée en Suisse consiste justement à ce que la communauté occidentale, qui sponsorise le régime de Kiev, confirme la légitimité du président actuel », a-t-il poursuivi, en référence à la conférence de paix pour l’Ukraine que le gouvernement helvète a convoquée sur son sol à la mi-juin. Une initiative dénoncée par la Russie, non conviée. « Ces opérations de communication n’ont aucune signification pour des documents juridiques », a estimé le président russe. La réponse à la question de la légitimité de Zelensky « doit être, avant tout, apportée par l’Ukraine elle-même », a précisé V. Poutine, évoquant son Parlement, sa cour constitutionnelle « et certains autres organes directeurs ». Si les discussions de paix reprennent avec l’Ukraine, « il faudra être totalement sûrs que nous avons affaire à des autorités légitimes », a déclaré le chef d’État russe. « La Russie n’a jamais refusé de discuter », a répété, de nouveau, V. Poutine. Celui-ci a rappelé que des pourparlers entre la Russie et l’Ukraine s’étaient tenus en Biélorussie dès la première semaine de l’offensive russe, avant de se poursuivre à Istanbul à la demande de Kiev. « Le directeur des négociations pour la partie ukrainienne avait signé. C’est-à-dire que la partie ukrainienne – dans l’ensemble – était satisfaite de cette solution qui satisfaisait aussi la Russie », a poursuivi le président russe, avant d’insister : « À partir du moment où il y a une signature sur un document, de la partie ukrainienne, cela signifie que la partie ukrainienne est satisfaite. »
Accord « jeté à la poubelle » par Kiev, après la venue dans la capitale ukrainienne de Boris Johnson, alors Premier ministre britannique, a ajouté V. Poutine. Révélé dès l’été 2022 par la revue américaine Foreign Affairs, le député ukrainien David Arakhamia, négociateur en chef pour la partie ukrainienne, avait confirmé à l’automne 2023 le rôle considérable du Premier ministre britannique dans la poursuite du conflit. « Ce n’est pas nous qui avons arrêté ces négociations, ce sont eux ! », a insisté ce 24 mai le président russe devant la presse. « Et je dirais même plus qu’ils se sont interdit à eux-mêmes de poursuivre les négociations », a-t-il poursuivi, en référence à un décret signé en octobre 2022 interdisant toute négociation entre Kiev et V. Poutine.
Un épisode ainsi qu’un manque de confiance dans la parole des autorités ukrainiennes qu’avait évoqué mi-avril par Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, lors d’une interview accordée à trois médias russes, estimant que « les discussions avec Zelensky » étaient « privées de sens ». Le chef de la diplomatie russe avait alors notamment évoqué l’épisode du retrait des forces russes, annoncé fin mars 2022 par la Défense russe, dans les secteurs de Kiev et Tchernigov dans le cadre des négociations à Istanbul.
Saisie des actifs US :
Le maitre du Kremlin a signé la veille jeudi un décret visant à autoriser les tribunaux à confisquer des actifs en Russie appartenant aux États-Unis ou à des entités et individus leur étant « associées ». Le document, publié sur le portail des actes juridiques, accorde au gouvernement quatre mois pour préparer le cadre juridique du mécanisme et soumettre les propositions au Parlement pour examen. Une procédure motivée par les « actions hostiles et contraires au droit international des États-Unis, destinées à porter atteinte à la Russie et à la Banque centrale russe », stipule le décret. « Le titulaire russe des actifs a le droit de saisir le tribunal conformément aux règles de compétence […] avec une déclaration établissant le fait d’une privation injustifiée de ses droits de propriété dans le cadre d’une décision du gouvernement ou d’une autorité judiciaire des États-Unis d’Amérique et en réparation de dommages », est-il encore écrit.
Le demandeur devra fournir une estimation des dommages. Afin de les compenser, le tribunal pourra saisir des biens des États-Unis ou des entités et personnes leur étant « associées ».
Le 23 avril, le Congrès des États-Unis a accordé à l’administration Biden le pouvoir de saisir les avoirs russes aux États-Unis au profit de Kiev. Ce texte est connu sous le nom de REPO Act, pour « Reconstruction de la prospérité et des opportunités économiques pour les Ukrainiens ». Quelque 5 milliards de dollars d’actifs de la Banque de Russie ont été identifiés aux États-Unis. Un montant loin des 191 milliards d’euros de la banque centrale russe actuellement gelés dans les caisses d’Euroclear Bank (EB). Fonds qui auraient généré 4,4 milliards d’euros en 2023, d’après la patronne de cet organisme international de dépôts de fonds siégeant à Bruxelles. Des revenus dont les Européens viennent d’approuver la saisie.
Depuis des mois, l’administration US pousse ses partenaires du G7 à saisir au profit de l’Ukraine les fonds russes qu’ils ont gelés dans la foulée du déclenchement de l’offensive russe en février 2022. Moscou, qui a fustigé une «une expropriation» avait averti à plusieurs reprises que des mesures symétriques seraient prises en cas de confiscation de ses actifs en Occident.