Sébastien Lecornu, ministre français des Armées, a estimé mardi que le discours d’investiture de Donald Trump constituait « un sérieux coup de pied au derrière pour les capitales européennes », qui devraient selon lui « enfin définir un cadre d’autonomie européenne » de défense.
« Peut-être que la brutalité des mots du président (américain) peut enfin conduire à un choc et à une prise de conscience » des pays européens, a déclaré le ministre sur la radio France Inter, alors que « depuis de nombreuses décennies il y eu la tentation de se mettre sous le parapluie nucléaire américain », a ajouté S. Lecornu.
Le ministre français a de nouveau appelé les capitales européennes à développer leur propre industrie de défense, estimant que « vouloir acheter plus d’armes aux Etats-Unis est un contresens historique ». Il a aussi pris ses distances avec Stéphane Séjourné, vice-président français de la Commission européenne, qui avait évoqué la veille une forme de « deal » avec Trump sur la défense européenne en échange d’une paix commerciale, à l’heure où Washington menace l’UE de lui infliger des droits de douane extrêmement agressifs. « On ne va pas échanger notre sécurité contre des hamburgers et des voitures allemandes », a taclé S. Lecornu.
Lundi, le président français avait également plaidé pour un « réveil stratégique » européen, comme il le fait depuis des mois, pour faire face « si notre allié américain » se désengage du Vieux Continent, un mouvement qui pourrait s’accélérer drastiquement avec le retour de D. Trump.
François Bayrou, Premier ministre français, a averti que l’Union européenne et la France risquaient d’être écrasées si elles restaient inactives face aux politiques de D. Trump. Il a souligné que, sous la direction de Trump, les États-Unis ont décidé de mener des « politiques dominantes », non seulement en contrôlant le dollar et les politiques industrielles, mais aussi en centralisant toutes les recherches et en accaparant les investissements de chacun. « Si nous ne faisons rien contre ces politiques dominantes, nous serons sous pression, écrasés et ignorés. Cette décision dépend de nous, Français et Européens, car sans l’Union européenne, cela serait impossible », a-t-il ajouté.
Les Danois vont plus loin…
Aucun pays ne peut venir « se servir » au Groenland, territoire autonome du Danemark convoité par Donald Trump, a déclaré, mardi 21 janvier, le ministre danois des Affaires étrangères, rapporte l’AFP. « Nous ne pouvons pas avoir un ordre mondial dans lequel les pays, s’ils sont assez grands,(..) peuvent se servir à leur guise », a déclaré Lars Lokke Rasmussen à des journalistes au lendemain de l’entrée en fonction du président américain. Le 20 janvier, D. Trump a estimé que le Danemark finirait par céder sur la question du Groenland.
« Nous sommes Groenlandais, nous ne voulons pas être Américains », a affirmé mardi le Premier ministre du Groenland au lendemain de l’investiture du milliardaire US qui convoite l’immense territoire autonome danois. « L’avenir du Groenland doit être décidé au Groenland », a redit lors d’une conférence de presse Mute Egede, reconnaissant que la situation était « difficile ».
A Berlin, Olaf Scholz, chancelier allemand, a félicité D. Trump pour sa prise de fonction via un message publié sur la plateforme X. « Aujourd’hui, le président Trump entre en fonction. Félicitations. Les États-Unis restent notre allié le plus proche, et une relation transatlantique solide a toujours été un objectif central de notre politique. Avec ses 27 membres et plus de 400 millions d’habitants, l’Union européenne (UE) constitue une communauté puissante », a-t-il déclaré.
De son côté, Friedrich Merz, président de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), principal parti d’opposition en Allemagne, a appelé les Européens à agir avec confiance et unité face à D. Trump.
Depuis Madrid, Yolanda Diaz, vice-présidente et ministre du Travail et de l’Économie sociale, a annoncé qu’elle cesserait d’utiliser la plateforme X, suite au geste d’Elon Musk, comparé à un salut nazi, lors de l’investiture de D. Trump. « Musk utilise X à des fins politiques depuis des mois. X n’est plus un outil de communication ou un réseau social. Grâce à son algorithme, il privilégie certaines idées par rapport à d’autres, transformant la plateforme en un mécanisme de propagande qui influence l’opinion publique », a-t-elle indiqué. Faisant référence à l’incident du salut nazi de Musk lors de la cérémonie d’investiture de Trump, Y. Diaz a ajouté : « Cette image choquante m’a poussée à prendre une décision à laquelle je pensais depuis longtemps. Je ne vais plus utiliser la plateforme X. »
Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol, a également souligné que face au pouvoir économique, technologique et médiatique « enfermés » par Trump, l’Europe doit se soulever pour défendre la démocratie. Tout en critiquant sans les nommer D. Trump, E. Musk et leurs entreprises Tesla, SpaceX et X, il a rappelé que l’histoire montre que les technologies ne créent pas de richesse par elles-mêmes. « Ils ont tendance à renforcer le statu quo, à donner plus de pouvoir aux puissants et à rendre les riches encore plus riches. Cette menace est particulièrement sérieuse à l’heure actuelle », a-t-il ajouté. Tpout en assurant que « le système de caste technologique aux États-Unis, représenté par la Silicon Valley, cherche à utiliser son pouvoir absolu sur les réseaux sociaux pour contrôler les débats sociaux et les actions gouvernementales à travers l’Occident ». Il a souligné la nécessité de résister à cela et de proposer des alternatives. « Je vais l’expliquer de manière très concise. La démocratie n’est ni un euro, ni une personne, ni un tweet, c’est un vote. Ainsi, l’Europe doit faire face à cette menace et défendre la démocratie », a-t-il ajouté.
P. Sanchez s’est plaint de « l’assouplissement de certaines mesures, ainsi que de la concentration des pouvoirs financiers et politiques » sur les réseaux sociaux et de l’inquiétude liée à « la possibilité de diffuser des messages affectant des millions de personnes à travers ces plateformes ». Comme il a insisté sur le fait que l’utilisation de l’intelligence artificielle doit respecter les droits des citoyens, se conformer aux principes de l’État démocratique, réduire les inégalités et servir les citoyens.
Viktor Orban, Premier ministre hongrois, a affirmé de son côté que la présidence de D. Trump entraînerait un renforcement de la droite en Europe. Il a déclaré que, en raison des politiques et des approches libérales de la gestion de l’UE, l’Europe se détournait de la Chine, de la Russie et de l’Afrique, qu’il considère comme le continent du futur, tandis que la puissance économique se déplaçait de l’Occident vers l’Asie. Soulignant que même le soleil brillerait différemment à Bruxelles sous la présidence de D. Trump, V. Orban a ajouté qu’avec le nouveau président américain, « Bruxelles verra l’émergence d’un large groupe de patriotes. Une grande excitation. L’attaque pourrait commencer. Je lance la deuxième phase de l’attaque visant à prendre le contrôle de Bruxelles. »