Au palais Brongniart à Paris, le président français a souhaité livrer une « conclusion opérationnelle » pour ne pas en rester « aux bonnes paroles ». La crainte d’un sommet creux pesait dans l’esprit de ses pairs comme dans celui des observateurs (chercheurs, ONG…), également conviés.
« L’efficacité ne vaut que par le suivi, par la capacité de rendre compte à nos opinions publiques », a déclaré l’hôte du sommet. Dans ce but, il a annoncé la mise en place, à la demande du Ghana, d’un « mécanisme de suivi des engagements » comprenant des rapports tous les six mois et, en point de mire… un nouveau sommet à Paris dans deux ans pour en évaluer les résultats. C’est l’une des certitudes acquises au terme de ce jour et demi d’échanges, dont le premier intérêt restera l’espace de dialogue « libre » et « critique » qu’il a été, selon le président français, et à en juger certaines saillies comme celle du président Lula vendredi. « On ne va pas assez vite », mais « on ne fait pas rien », s’est défendu E. Macron, prévenant les critiques. Il s’est également défini en « scribe » des volontés émergées des tables rondes jeudi.
« Nous sommes d’accord sur nos objectifs », s’est-il réjoui : ne pas choisir entre lutte contre la pauvreté et protection de la planète, un choc de financement public, une mobilisation du privé ou encore le respect de la souveraineté des États pour la voie du développement. Le chef de l’État s’est félicité d’un « consensus complet » sur tout cela, notamment pour « réformer en profondeur » le système financier mondial, afin de le rendre « plus efficace, plus équitable ». « Pas sûr que ce soit si consensuel », tempère Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durables et des relations internationales (Iddri). Pour atteindre ces objectifs, le président a égrainé les quelques « éléments de courts termes actés », et révélés au cours de la première journée.
Parmi les principaux, on retrouve les 100 milliards de réallocation de droits de tirage spéciaux (DTS) vers les pays les plus vulnérables – « en particulier en Afrique » – , « consacrés par un engagement formel » des États. « Nous, Français, nous allons réallouer 40% de nos droits de tirages spéciaux, c’est du concret », avait-il assuré. Un « travail va se poursuivre dans les prochains mois » pour que les 39 milliards qui manquaient à l’appel « arrivent dans les caisses du FMI ».
Reste à savoir comment… En attendant, « dix projets ont été négociés, plusieurs dizaines d’autres le seront dans les prochaines semaines », a annoncé le président, sans donner de détails sur leur nature concrète.
Concernant les 100 milliards promis pour le climat depuis 2009 pour 2020 mais jamais versés aux pays pauvres, « nous sommes en train de les atteindre », a indiqué E. Macron, ne faisant que confirmer ce que l’on savait déjà, et admettant que « la situation n’est pas satisfaisante ». L’hôte de l’Elysée prévoit la commande d’un rapport spécial pour la COP28 prévue en fin d’année à Dubaï.
En attendant, le principe d’une clause climatique dans le cadre des prêts bancaires des États semble acquis, comme le stipulent les « éléments » de conclusions du sommet, mais aussi dans la bouche d’Ajay Banga, nouveau président de la Banque mondiale. Celui-ci a annoncé qu’une telle clause serait intégrée dans une « boîte à outils » et qu’elle serait proposée d’abord à ses souscripteurs les plus pauvres avant d’être étendue.
Ce dispositif vise à suspendre le remboursement de la dette pendant deux ans, renouvelables, en cas de catastrophe climatique ou sanitaire. On aurait d’ailleurs pu s’attendre à davantage de précisions sur une mesure déjà en place dans un certain nombre de pays de zones vulnérables, notamment en Amérique centrale. Comme à la Barbade, l’île caribéenne de la Première ministre Mia Mottley, porte-étendard de la généralisation de cette mesure. C’est une reconnaissance de taille pour la co-organisatrice de ce sommet, qui fut par ailleurs assez peu mise en valeur malgré son agenda très travaillé de « transformation totale » qu’elle porte haut depuis deux ans.
En Afrique toujours, le Sénégal est aussi un heureux gagnant du sommet parisien. En signant un partenariat multilatéral (dit JET-P) avec plusieurs pays développés, dans les tuyaux toutefois depuis la dernière COP, il bénéficie de 2,5 milliards de dollars pour se libérer des énergies fossiles et augmenter de 40% la part de renouvelable. Une somme bienvenue pour le président Macky Sall qui affronte le mécontentement de sa population qui le soupçonne de velléités d’un troisième mandat, qu’il n’a pas cherché à éteindre à Paris, en marge du sommet.
A rappeler que plus de 350 personnes, dont Greta Thunberg, écologiste suédoise, se sont rassemblées vendredi place de la République à Paris. Pour ces militants, c’est maintenant une question de vie ou de mort, il y a eu assez de promesses et il faut passer aux actes. Les activistes se sont rassemblés pour demander de mettre fin aux énergies fossiles qui causent le changement climatique. Pour eux, les pays riches et développés sont les responsables historiques du réchauffement, alors que les pays pauvres, les moins responsables, sont ceux qui en payent le prix le plus lourd.
Entre les banderoles et le signe dollars étalé en grand sur la place, un faux tuyau ciblait en particulier l’entreprise française Total et son projet, EACOP, en Ouganda et Tanzanie, accusé d’amplifier la crise climatique au détriment des populations locales. « On ne peut pas demander aux dirigeants de se mobiliser et en même temps totalement condamner » le sommet en cours, a estimé Soraya Fettih porte-parole de 350.org. « Ce qui est clair, c’est que ce sommet ne va mener à aucune prise de décisions contraignantes et fortes », a-t-elle déploré.