Au premier tour de la session parlementaire, le président élu pour six ans n’a pu obtenir que 71 voix. Certains des bulletins annulés portaient les noms de Yazid ben Farhane, du nom de l’émissaire saoudien au Liban, ou de Joseph Amos ben Farhane, en référence à l’émissaire américain Amos Hochstein, allusion aux ingérences de ces deux pays dans cette échéance électorale. Plusieurs députés se sont plaints de la violation de la constitution et des pressions américano-franco-saoudiennes pour imposer le nom du commandant en chef de l’armée. Outre les ambassadeurs de plusieurs pays étrangers, dont l’ambassadrice des Etats-Unis au Liban, l’émissaire français Jean-Yves Le Drian a assisté à la séance électorale.
L’article 49 de la Constitution stipule que les fonctionnaires de première classe ne peuvent être élus. « Les juges, les fonctionnaires de première classe et leurs équivalents dans toutes les administrations publiques, les établissements publics et toutes les autres personnes morales de droit public ne peuvent être élus pour la durée de leur emploi et pendant les deux années qui suivent la date de leur démission et de la cessation effective de leur emploi ou la date de leur mise à la retraite. »
Dans une intervention, le député Melhem Khalaf a dénoncé le manque de respect de l’article (49) de la Constitution libanaise. « Il aurait été plus approprié de modifier la Constitution à l’avance selon les principes essentiels et les mécanismes stipulés dans les articles 76 et 77 de la Constitution. Je vous demande donc sincèrement de ne pas violer les dispositions de la Constitution ou de les suspendre en vertu des faits. Au lieu de cela, nous devrions tous nous orienter vers un nouveau départ en faveur de l’État que nous voulons tous, un État de droit et de loi, un État qui respecte la Constitution », a-t-il déclaré.
De son côté, Gebran Bassil, chef du Courant Patriotique Libre, a souligné que « l’introduction de la Constitution indique que la souveraineté est exercée par le peuple, et le Parlement est l’institution mère la plus étroitement liée au peuple libanais ». « Ce sont les gens qui exercent leur souveraineté, et non pas l’extérieur », a-t-il ajouté, notant que « ce dont nous avons été témoins, c’est le retour des consuls. Nous avons vu comment les instructions sont venues de l’étranger à un candidat (nommé) par l’étranger, ce qui illustre que nous sommes face à un processus de nomination d’un candidat de l’étranger ».
Les Etats-Unis ont affiché ouvertement, depuis la vacance présidentielle fin juillet 2022, leur appui à la candidature du chef de l’armée.
« J’avoue que je n’ai subi aucune pression de la part d’aucun pays pour m’engager à nommer le président de la République. Je suis d’accord avec mon collègue Mahlam Khalaf. Nous sommes en session pour approuver la nomination d’un président, et c’est une honte », a déclaré, de son côté, le député Jamil Al-Sayed. Même avis du député Osama Saad. « Dans les élections d’aujourd’hui, la constitution a été dépouillée par des accords… Il y a beaucoup de mensonges, de flagorneries et de marchandages », a-t-il déploré.
Les blocs politiques libanais se sont concertés mercredi à la veille de la session du Parlement visant à élire un président après plus de deux ans de vacance à la tête de l’Etat. Les dernières consultations ont lieu sous une pression internationale accrue.
Le commandant de l’armée est considéré comme le favori, sa candidature étant soutenue par les Etats-Unis qui ont récemment envoyé leur émissaire dans le pays. Pendant ses rencontres, A. Hochstein a indiqué que les spécifications requises pour un président sont disponibles chez le commandant de l’armée, ainsi que chez d’autres candidats. Mercredi, l’envoyé spécial français, Jean-Yves Le Drian, a rencontré Nabih Berri et Mohammed Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, ainsi que plusieurs députés indépendants.
Selon le quotidien libanais al-Akhbar, les représentants de ces 5 pays multiplient leurs pressions pour « convaincre les blocs indécis de soutenir Joseph Aoun », alors que les deux plus grands blocs chrétiens au Parlement, les Forces libanaises (FL) et le Courant Patriotique Libre (CPL), rejetaient la candidature du commandant de l’armée. Une rencontre dans la soirée des députés de l’opposition comptant ceux des FL (19 députés), des Kataeb (4 voix), du Renouveau (3 députés), de l’Alliance pour le changement (3 députés) et d’autres s’est achevée par un consensus en faveur de J. Aoun.Plusieurs petits blocs et députés indépendants, notamment celui du chef druze Walid Joumblatt (8 députés), ont déclaré soutenir le candidat de l’Oncle Sam.
Selon des médias locaux, N. Berri, chef du Parlement et du mouvement Amal dont le bloc compte 15 députés rejette la candidature de J.Aoun, refusant tout amendement constitutionnel qui permettrait l’élection à la présidentielle d’un haut fonctionnaire déjà en poste depuis deux ans, ce qui est le cas du chef de l’armée.
Le Hezbollah qui dispose de 15 voix et avait soutenu la candidature de Suleiman Frangieh, lors des précédentes tentatives d’élection n’a pas encore annoncé de position claire. S. Frangieh a retiré mercredi sa candidature en faveur du chef de l’armée. Hassan Fadlallah, député du bloc Fidélité à la résistance, a déclaré que la position du parti sera annoncée dans le bulletin de vote jeudi.
Des médias locaux ont révélé que le Hezbollah et Amal réclament des garanties liées à la formation du prochain gouvernement et insistent pour garantir la poursuite du cessez-le-feu et le retrait complet de l’armée d’occupation israélienne du sud du Liban. Ils ont aussi exigé des engagements pour la reconstruction après la guerre et le soutien économique au Liban pour surmonter sa crise de longue date.
Les tractations qui se sont poursuivies tard dans la soirée de mercredi ont en outre porté sur un accord « initial » conclu sur un « panier » de titres liés à la prochaine étape après l’élection du président. En plus du nom du président, elle comprend le prochain Premier ministre, la forme du prochain gouvernement, ses équilibres et les principaux portefeuilles qui le composent, notamment celui des finances, les titres de la déclaration ministérielle, la voie et l’objectif du lancement de la « stratégie de défense », le dossier de la reconstruction, et le lancement d’un atelier de réforme et d’un soutien arabe et international au Liban pour sortir de sa crise économique.
Défi israélien
Alors que le retrait total des forces israéliennes doit être effectif dans moins de deux semaines, Israël a l’intention de maintenir des bases au sud-Liban. Par ailleurs, Tsahal continue de dynamiter des habitations dans la zone. Selon le journal Al-Akhbar, Israël a reçu le 8 janvier l’accord d’A. Hochstein et du général Jasper Jeffers, chef du comité de supervision du cessez-le-feu, pour établir trois bases militaires en des points stratégiques du Sud-Liban. Cette décision intervient alors que la période de 60 jours fixée par l’accord de cessez-le-feu avec le Hezbollah doit s’achever dans deux semaines.
Les sources citées par le journal détaillent l’emplacement des trois bases prévues : la première dans la zone d’Al-Labouneh dans le secteur ouest, près de Naqoura et Alma al-Shaab. La deuxième est planifiée à Jabal Blat dans le secteur central, entre Marouahine, Ramia, Beit Lif et Al-Qouzah, face aux localités de Zarit et Shtula. La troisième sera établie dans la zone d’Al-Hamams, entre Khiam et Al-Wazzani, face à Metulla.
Des sources du cabinet de sécurité israélien soulignent qu’il existe des zones au Liban dont Israël ne compte pas se retirer avant plusieurs années, indique le média israélien I24. Six semaines après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l’armée israélienne continue de prendre pour cible des maisons au Liban-Sud. Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre 2024, Israël frappe régulièrement le Liban-Sud avec des missiles, principalement lancés par des drones, dans des bombardements qui ont tué au moins 34 personnes selon le décompte de L’Orient Le Jour. L’armée israélienne, qui interdit aux Libanais de pénétrer dans une zone d’environ 10 kilomètres de large le long de la frontière et qui est toujours présente dans certains villages libanais, a également enlevé plusieurs personnes depuis le début de la trêve. Israël avait même prévu de bombarder l’aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth si des fonds transportés par un vol iranien de Mahan Air avaient été transférés au Hezbollah, a révélé mardi le média saoudien Al-Arabiya, citant une source sécuritaire.