Le déplacement de la délégation iranienne à Riyad vient sceller ce qui a été décidé il y a quelques jours après une rencontre historique à Pékin des chefs de la diplomatie des deux pays, qui avaient rompu leurs liens en 2016. Celle de Fayçal Meqdad, ministre syrien des Affaires étrangères, intervient avant la tenue, vendredi 14 avril, en Arabie saoudite d’une réunion de neuf pays arabes devant porter sur un retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, alors que le prochain sommet ordinaire des dirigeants arabes est prévu le 19 mai dans le royaume.
Damas était isolé sur le plan diplomatique depuis les événements dramatiques de 2011 qui ont accompagné ce que l’on nomme désormais « guerre hybride », combinant intervention de puissance régionales et internationale et instrumentalisation de groupes terroristes du type Al-Nosra, filiale locale d’Al-Qaida, outre le tristement célèbre Daech. Il faut dire que de plus en plus de pays arabes sont désormais en faveur d’un retour de la Syrie. « Les Iraniens et les Syriens sont en Arabie saoudite le même jour. C’est totalement fou et c’était inconcevable il y a encore quelques mois », a déclaré à l’AFP un diplomate arabe basé à Riyad.
Riyad et Téhéran ont conclu récemment un accord, sous la houlette de Pékin, pour une reprise de leurs relations et devraient rouvrir leurs ambassades d’ici à la mi-mai ainsi que mettre en œuvre des accords de coopération économique et de sécurité signés il y a plus de vingt ans. « Conformément à l’accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite sur la reprise des activités diplomatiques […], la délégation technique iranienne est arrivée à Riyad mercredi et a été accueillie par les responsables saoudiens », a annoncé Nasser Kanani, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. « La délégation iranienne prendra les mesures nécessaires pour mettre en place l’ambassade et le consulat général à Riyad et Jeddah, ainsi que l’activité du représentant permanent de la République islamique d’Iran auprès de l’Organisation de la coopération islamique », a ajouté le même diplomate.
Riyad et Téhéran, deux poids lourds du Moyen-Orient, avaient rompu leurs liens après l’attaque de missions diplomatiques saoudiennes en Iran par des manifestants dénonçant l’exécution en Arabie saoudite d’un important religieux chiite. Il n’en fallait pas plus comme argument pour donner de la consistance à l’idée du péril que représentait le croissant chiite pour la région moyen-orientale. Samedi, une délégation diplomatique saoudienne s’était rendue à Téhéran pour discuter de la réouverture de la représentation diplomatique du royaume dans la République islamique. N. Kanani a précisé que la délégation technique de l’Arabie saoudite partirait jeudi pour Mashhad, deuxième ville d’Iran.
La semaine dernière, Hossein Amir Abdollahian et Fayçal ben Farhane, ministres des Affaires étrangères iranien et saoudien, ont eu des entretiens à Pékin sur la mise en œuvre de la normalisation amorcée dans la capitale chinoise le 10 mars. Ce rapprochement devrait être formellement scellé à l’occasion d’une visite d’Ebrahim Raïssi, président iranien, à Riyad, à l’invitation du roi Salmane d’Arabie saoudite, un déplacement prévu après le ramadan, fin avril.
Depuis la Révolution islamique de 1979 en Iran, les deux pays entretiennent une inimitié qui s’est caractérisée par des positions souvent opposées sur les dossiers régionaux, soutenant parfois des camps rivaux comme en Syrie, au Liban ou au Yémen. Leur rapprochement est de nature à changer la géopolitique régionale avec, comme élément subséquent, un dégel des relations entre Riyad et Damas.
Le royaume saoudien avait rompu ses relations en 2012 avec la Syrie, où il a soutenu des rebelles au début du conflit. Le Qatar, récalcitrant au retour de Damas au motif de l’absence des conditions politiques nécessaire, avait avoué avoir mis sur le tapis des dizaines de milliards de dollars pour torpiller le système syrien.
A signaler que depuis le séisme du 6 février qui a dévasté la Turquie et la Syrie, Riyad a envoyé de l’aide aux populations sinistrées, à la fois dans les zones sous contrôle gouvernemental et dans les zones rebelles. Ce séisme n’a fait qu’accélérer un mouvement déjà enclenché : celui d’une normalisation progressive des relations entre Damas et les autres capitales arabes. L’Arabie saoudite et la Syrie ont également entamé des discussions sur une reprise de leurs services consulaires.
Selon l’agence officielle saoudienne SPA, le ministre syrien des Affaires étrangères doit évoquer avec son homologue saoudien « les efforts déployés afin de parvenir à une solution politique de la crise en Syrie, qui préserve l’unité, la sécurité et la stabilité » de ce pays. Ils doivent également évoquer les moyens de « faciliter le retour des réfugiés syriens dans leur pays ». D’après SPA, la guerre en Syrie a fait environ 500 000 morts, quelque six millions de réfugiés et dévasté de nombreuses infrastructures du pays.
Dans le même temps, la Syrie et la Tunisie ont aussi annoncé mercredi le rétablissement de leurs relations diplomatiques. F. Meqdad devrait se rendre, après Riyad, en Tunisie et en Algérie. Tout cela pousse à dire que le prochain sommet ordinaire des dirigeants arabes, prévu le 19 mai dans le royaume des Ben Salman, pourrait réhabiliter la Syrie. Des rumeurs laissent entendre qu’avant cela, le Président syrien pourrait faire un déplacement à Riyad, lui qui avait déjà fait deux déplacements à Oman et aux Emirats arabes unis. L’Egypte suivra…