« Vous n’avez pas fini de nous voir en Afrique », a lancé Antony Blinken en décembre dernier à Washington, lors du sommet États-Unis/Afrique. Le secrétaire d’État US s’est, depuis, rendu au Niger et en Éthiopie. Un peu plus tôt cette année, Janet Yellen, secrétaire au Trésor, était au Sénégal, en Zambie et en Afrique du Sud. Cette fois-ci, c’est K. Harris, vice-présidente des États-Unis, qui s’est déplacée. Il s’agit d’une véritable offensive. Dès son arrivée à Accra, en début de semaine, le ton était donné : « Je suis très enthousiaste quant à l’avenir de l’Afrique. Très enthousiaste quant à l’impact sur le reste du monde, y compris les États-Unis. Quand je regarde ce qu’il se passe sur ce continent, le fait que l’âge moyen est de 19 ans, et ce que cela veut dire en termes de croissance, d’opportunités, d’innovations et de possibilités… Je vois dans tout cela de grandes opportunités, non seulement pour le continent, mais pour le monde entier. »
Washington veut renforcer et développer les liens avec l’Afrique – notamment les liens économiques – et promouvoir les investissements pour tenter de contrer la montée en puissance de la Chine et de la Russie sur le continent. Les États-Unis veulent rattraper leur retard, explique Ousmane Sène, directeur du Centre de recherche ouest-africain. Un retard qui s’est creusé sous la présidence de l’ancien président américain Donald Trump.
« L’Amérique est très présente dans les domaines de coopérations sur le continent, souligne Ousmane Sène, mais dans le secteur économique, sa présence est minime. Il faut que les États-Unis apprennent à connaître l’Afrique. Le continent africain est un grand point d’interrogation pour eux. Il faut qu’ils apprennent à découvrir cette Afrique positive, cette Afrique qui est en train de faire des grands pas dans tous les domaines, qui est prête à accueillir tous les investisseurs européens, américains, asiatiques. Des investissements gagnant-gagnant. Les possibilités sont là, en train de dormir. Et que d’autres sont en train d’exploiter. Si vous regardez les pays qui investissent le plus en Afrique, il y a les Chinois, d’accord, mais les Indiens et les Turcs sont là. »
Le Ghana est en proie à une grave crise économique, avec une inflation galopante à plus de 50%. Son ministre des Finances était récemment à Pékin pour renégocier la dette du pays. Idem pour la Zambie, dont plus de la moitié de la dette extérieure est détenue par des banques chinoises – soit plus de 6 milliards de dollars – et qui est en défaut de paiement. Et enfin la Tanzanie, où la Chine est le premier investisseur avec pas moins d’une centaine de projets en cours dans différents domaines : mines, transports, agriculture, pêche et tourisme.
Pour Christopher Fomunyoh, directeur régional pour l’Afrique au National Democratic Institute, les États-Unis veulent aussi mettre en avant les pays qui ont fait le choix de la bonne gouvernance et de la démocratie : « Le Ghana est le premier pays d’Afrique subsaharienne à avoir obtenu son indépendance. La Tanzanie est le seul pays, à l’heure actuelle, à avoir une femme présidente, cheffe de l’exécutif. Et la Zambie coorganise un sommet mondial sur la démocratie et la bonne gouvernance. »
Autant dire que le Continent Noir est à nouveau un champ de bataille entre les grandes puissances, estime l’éditorialiste guinéen Boubacar Sanso Barry, qui ajoute que les Africains doivent profiter de cette lutte d’influence entre les États-Unis, la Chine et la Russie. Et qui mieux, souligne un chercheur, que K. Harris – première femme afro-américaine vice-présidente des États-Unis – pour porter cette nouvelle vision américaine de l’Afrique ?
A rappeler qu’une place importante a été accordée par Moscou à sa coopération avec l’Afrique. Dans sa nouvelle stratégie diplomatique, la Russie se déclare « solidaire avec les États africains dans leur aspiration à établir un monde multipolaire plus équitable et à éliminer l’inégalité sociale et économique ». Celle-ci, selon Moscou, « se renforce à cause de la politique néocoloniale ingénieuse de certains États occidentaux à l’égard de l’Afrique ». Souhaitant contribuer à faire de l’Afrique « un centre authentique et influent du développement mondial », la Russie prête une attention particulière
au soutien de la souveraineté et de l’indépendance des États africains intéressés, y compris en prêtant assistance dans les domaines de sécurité, incluant la sécurité alimentaire et énergétique, de coopération militaire et technique. Comme elle apporte de l’aide au règlement et à la liquidation des conséquences des conflits armés, surtout internationaux et ethniques, en Afrique, soutenant le rôle leader des États africains dans ces efforts et en partant du principe formulé par eux-mêmes de « solution africaine aux problèmes africains ». Plus, Moscou travaille au renforcement et à l’approfondissement de l’interaction russo-africaine dans différents domaines sur une base bilatérale et multilatérale, avant tout dans le cadre de l’Union africaine et du Forum de partenariat Russie-Afrique.
El last but not least, Moscou appelle à l’augmentation des échanges commerciaux et des investissements avec les États africains et les structures d’intégration d’Afrique (avant tout la zone de libre-échange continentale africaine, la Banque africaine d’import-export et d’autres organisations sous-régionales majeures). Et s’active à l’assistance et au développement des liens dans le domaine humanitaire, y compris la coopération scientifique, la formation des cadres nationaux, le renforcement des systèmes de santé, l’octroi d’autres types d’assistance, la promotion d’un dialogue interculturel, la protection des valeurs spirituelles et morales traditionnelles et du droit à la liberté de religion.