Khartoum a vécu des derniers jours des combats d’une rare violence. Les échanges de tirs de mortier et de l’artillerie lourde se sont surtout concentrés à Omdurman et à Bahri. Les bombardements ont visé des quartiers dansèment peuplés. L’armée soudanaise a également procédé à des frappes aériennes qui ont visé des routes de ravitaillement des Forces de soutien rapide (FSR), groupe paramilitaire auquel elle est opposée depuis le 15 avril 2023. Alors que la guerre au Soudan entame sa quinzième semaine, cette situation contraint de nouveaux habitants qui étaient encore terrés chez eux à fuir la capitale. Si les combats à Khartoum condamnent les civils à rester cloitrés chez eux ou à fuir la capitale, dans le quartier d’Abou Rouf à Omdourman, ordre d’évacuation des domiciles a été donné. Dans ce quartier décrété « zone militaire », cet ordre a en effet été donné, à la fois par l’armée et par les paramilitaires.
Plusieurs témoins ont fait état de fuites massives d’habitants d’Abou Rouf où plusieurs maisons ont été touchées. Plusieurs hôpitaux appellent depuis lundi au don du sang à Khartoum alors que le nombre d’hôpitaux en service ne cesse de baisser : 80 % des hôpitaux du pays sont hors-service, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ceux qui sont encore opérationnels sont souvent la cible d’attaques ou de pillages, parfois ils manquent de tout.
Les rescapés racontent par ailleurs que les enlèvements tout comme les viols sont le fait des FSR. Selon Souleima Ishaq al-Khalifa, médecin à la tête de l’organe gouvernemental de lutte contre la violence faites aux femmes, 108 agressions sexuelles ont été recensées par cette organe à Khartoum et au Darfour. Un chiffre qui est loin de refléter la réalité. « Recevoir les soins de santé nécessaires » après un viol relève d’un immense défi, affirme-t-elle. À Khartoum, il n’y a plus de médicaments, et à Nyala au Darfour du Sud, il ne leur est pas possible d’atteindre l’hôpital, car une base des FSR leur coupe le chemin. Quant à l’association soudanaise des victimes de disparition forcée, elle dit avoir déposé 430 plaintes concernant des disparus. Les femmes enlevées ont été forcées à cuisiner pour les FSR, à laver leurs vêtements ou à les soigner.
Égypte, Érythrée, Éthiopie, Libye, Soudan dy Sud, Tchad et Centrafrique ont délégué leurs chefs de diplomatie à se réunir à Ndjamena lundi à l’heure où, quatre mois après le début du conflit soudanais et malgré de nombreuses tentatives de médiation, les espoirs de paix semblent toujours très faibles.
Cette rencontre fait suite au sommet des chefs d’État et de gouvernement qui s’est tenue en juillet 2023 au Caire. Les pays voisins du Soudan ont de nouveau appelé au dialogue entre les belligérants et à maintenir les couloirs humanitaires ouverts pour assister les populations. Ils ont aussi évoqué la construction d’entrepôts aux frontières soudanaises pour faciliter le transport de l’aide humanitaire et d’hôpitaux pour la prise en charge médicale.
Ils ont également interpellé les partenaires internationaux pour financer certaines actions, afin de secourir les victimes directes de cette crise. Ces partenaires sont aussi appelés à combler le déficit du plan de réponse humanitaire, surtout dans les besoins vitaux des populations. À ce jour, moins de 20% des besoins ont par exemple été financés pour le Tchad, selon le système des Nations unies.
Pour arriver à tout cela, il faut la volonté politique de tous les acteurs soudanais pour mettre tous les Soudanais à la table du dialogue et de créer un cadre propice pour un retour à la paix dans ce pays, estime notamment Mahamat Saleh Annadif, ministre des Affaires étrangères du Tchad. Ce dernier et ses homologues ont convenu de se réunir à nouveau en marge de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, en septembre prochain.
Depuis le 15 avril 2023, la guerre entre l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan et les paramilitaires des Forces de soutien rapide du général Mohamed Hamdane Dogolo dit Hemedti a fait plusieurs milliers de morts et près de 4 millions de déplacés et réfugiés. « La plupart se sont réfugiés dans d’autres régions du pays et des centaines de milliers ont traversé les frontières et se sont réfugiés dans les pays voisins, où ils vivent dans des conditions humanitaires absolument catastrophiques. Surtout au Tchad », assurait récemment Donatella Rovera, chargée des crises et des conflits à Amnesty International, ONG ayant publié un rapport intitulé « La mort a frappé à notre porte ».