A la tête d’une délégation forte d’une quinzaine de ministres, la patronne de l’Exécutif français a fait un déplacement à Alger en vue de dissiper des mois de tensions entre les deux pays. «Une étape pour bâtir des coopérations plus denses encore entre la France et l’Algérie», assure E. Borne attendue par Aimene Benabderrahmane, son homologue algérien pour présider une réunion du comité intergouvernemental de haut niveau. Une première depuis 2017. La douzaine de textes signés concernent notamment les domaines de l’industrie, du tourisme, de l’artisanat, l’agriculture, la création de start-ups et des projets culturels.
E. Borne se concentrera sur les sujets consensuels, assure-t-on du côté français sans céder sur les questions qui fâchent et à la tête desquels se trouve la question des visas. Paris attend toujours qu’Alger accélère le retour de ses ressortissants expulsés pour revoir sa politique restrictive de rétorsion. Pour E. Borne, le dialogue va continuer entre les deux pays. «Ces échanges progressent. Je suis très confiante sur le fait qu’ils pourront déboucher rapidement. »
S’il n’y a pas eu d’annonce sur une augmentation des livraisons de gaz vers la France, le dossier, stratégique actuellement au regard de la tension avec la Russie, reste sur la table comme l’indique poliment le Premier ministre algérien. « Même s’il n’y a pas eu d’accord signé, ça ne veut pas dire que nous n’avons pas discuté des sujets qui étaient liés et qu’il n’y a pas eu de négociation. Il y aura d’autres visites à venir. » Au-delà des ministres, il faut croire que la délégation française comprenait aussi des spécialistes en hydrocarbures, dont un représentant d’Engie. Selon toute vraisemblance, la réhabilitation des sites gaziers algériens, affectés par un laisser-aller en matière d’entretien, devraient permettre à Alger d’étoffer son offre à l’export. Deux nouveaux sites de production entreraient en production à moyen terme.
Plus, Alger cherche à intégrer le circuit du « gaz nigérian » devant transiter vers l’Europe. Fin juillet, les ministres de l’Énergie algérien, nigérian et nigérien ont signé un mémorandum d’entente pour un mégaprojet de gazoduc transsaharien susceptible d’acheminer le gaz nigérian vers l’Europe. Si ce projet est vieux de vingt ans, aucune date n’a encore été donnée quant à sa mise en place… Plus, ledit projet entre en concurrence directe avec un autre devant transiter via le Maroc. Sauf que sur ce dossier-là, un précédent fait tache d’huile. Il s’agit de la fermeture l’an dernier du gazoduc Maghreb-Europe, acheminant du gaz algérien vers l’Espagne via le Maroc. De quoi échauder les intérêts européens qui, au vu de la crise avec la Russie, interpelle sur la viabilité « stratégique » des gazoducs. Le sabotage concomitant de Nord Stream I et II excipe de la vulnérabilité de pareils projets…
Pour la responsable française, le comité intergouvernemental est « une opportunité inédite pour commencer à traduire en actes la vision de nos chefs d’État ». E. Borne a évoqué trois piliers principaux « pour ce partenariat renouvelé »: l’économie pour « développer le commerce, l’innovation et créer des emplois »; la mobilité et les visas; et la jeunesse via des coopérations éducative et culturelle accrues.
Cette visite « ancre une nouvelle dynamique et un cycle durable qui profitera à nos deux peuples et à leur jeunesses », a déclaré la responsable française lors d’une conférence de presse commune avec son homologue algérien. Cette rencontre intergouvernementale est donc surtout un pas de plus vers le réchauffement entre Paris et Alger.
Reste le dossier de la mémoire, question handicapant les relations entre les deux pays. Côté français, on rappelle que la composition de la commission d’historiens censés travailler sur la colonisation et la guerre d’Algérie devrait être bientôt connue. « Nous avons échangé sur des noms et on est en train de stabiliser la composition. C’est vraiment une affaire de jours. »