Dans la bande de Gaza, la mort rode toujours favorisée en cela par la campagne militaire menée par Israël depuis près d’un an. Des martyrs et des blessés ont été signalés jeudi lors des raids israéliens contre les tentes des personnes déplacées à proximité de l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa à Deir Al-Balah. Alors que le nouveau bilan établi par le ministère de la Santé fait état de « 40.878 martyrs et 94.454 blessés ». la même source indique que « l’occupation israélienne a commis deux massacres dans la Bande de Gaza, ce qui a conduit à l’arrivée de 17 martyrs et 56 blessés dans les hôpitaux » de l’enclave en l’espace de 24 heures. A Hay Zeitoun, les Brigades Al-Aqsa ont ciblé un char israélien alors que le couloir de Netzarim a été ciblé par des roquettes, au même titre que les concentration de troupes israéliennes près de Rafah, ville frontalière de l’Egypte. En outre, des sirènes ont retenti à Nahal Oz dans les colonies de l’enveloppe de Gaza, signe d’une attaque de roquettes.
Pour l’heure, la priorité reste donc au théâtre des opérations militaires. Le Hamas a assuré via l’un de ses dirigeants que seule la proposition faite par Joe Biden il y a des mois de cela, proposition avalisée par le Conseil de sécurité de l’ONU, est valable. Khali Al Haya a ajouté qu’il n’y a pas d’autre place pour une autre proposition. A Tel Aviv, là où les manifestations se poursuivent pour la quatrième journée consécutive pour exiger un « deal » pour libérer les otages entre les mains de la résistance palestinienne, on se fait plus d’illusions sur l’issue des tractations. Le Haaretz a cité une source de la coalition proche du gouvernement qui affirme, sous couvert d’anonymat, que Benjamin Netanyahu aurait décidé il y a plusieurs semaines qu’il ne voulait pas conclure un accord de « trêve contre libération d’otages » en raison de la pression exercée par ses partenaires d’extrême-droite de coalition. Il a vu dans le couloir stratégique de « Philadelphie » qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza, une question qu’il pourrait utiliser pour torpiller les pourparlers, a affirmé la source journal israélien, expliquant que le chef du gouvernement aurait compris que les arguments en faveur du maintien de la présence israélienne dans cette région convaincraient les électeurs modérés de droite.
Le « stratagème de Netanyahu » a fonctionné et les médias se sont fortement focalisés sur la question de savoir si Israël devait rester dans le corridor de Philadelphie alors que la véritable question est de savoir si le Premier ministre veut libérer les otages ou maintenir sa coalition, a déclaré la source à Haaretz. Le quotidien révèle que la source n’est pas Yoav Gallant, ce qui indique que le mécontentement à l’égard de Netanyahu au sein de la coalition ne se limite pas seulement au ministre de la Défense. « Aucun des ministres, même ceux qui savent que Netanyahu est en train de saborder l’accord, ne fera quoi que ce soit. Leur survie politique dépend de la durée de vie du gouvernement, et cette situation va donc perdurer. Netanyahu conduira à une guerre sans fin parce que c’est ce qui est le mieux pour lui », selon la source. D’ailleurs, un nouveau sondage réalisé pour la Société de radiodiffusion israélienne assure que 51% des Israéliens sont en faveur du retrait de l’axe de Philadelphie et d’un accord pour libérer les captifs.
Lors d’une visite dans le centre de la bande de Gaza mardi, Herzi Halevi, chef d’état-major de l’armée israélienne, a laissé entendre qu’il soutenait l’accord de « trêve contre libération d’otages » en cours de négociations avec le Hamas, conformément à des propos communiqués par Tsahal. « Nous ne devons renoncer à aucun des objectifs de la guerre. Tsahal continue de vaincre l’aile armée du Hamas et fait tout son possible pour ramener les otages vivants. Chaque otage que nous ramenons vivant aura encore de nombreuses années à vivre, et chaque terroriste sera finalement éliminé », a déclaré le lieutenant-général.
Ministres palestiniens bannis
En Cisjordanie, la situation a tendance à empirer avec l’intervention des force d’occupation. Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, a déclaré que l’armée « tond la pelouse » au cours des opérations de grande envergure en cours contre les « groupes terroristes » en Cisjordanie, mais qu’il faudrait à terme « arracher les racines ».
« La montée du terrorisme en Judée et Samarie est un problème sur lequel nous devons nous concentrer à chaque instant. Le processus est une attaque pour prévenir le terrorisme. Nous tondons la pelouse, [mais] le moment viendra aussi où nous arracherons les racines, cela devra être fait », a-t-il déclaré à la suite d’une évaluation en Cisjordanie avec des officiers supérieurs de Tsahal. « La montée [du terrorisme] qui prend la forme de voitures piégées et de tirs partout, sont des choses auxquelles il faut mettre un terme », a poursuivi Y. Gallant. « Ces groupes terroristes qui se font appeler par toutes sortes de noms, à Nur Shams, à Tulkarem, à Fara, ou à Jénine, ils [les groupes terroristes] doivent être éliminés. Chaque terroriste doit être éliminé, [ou] s’il se rend, il faut l’arrêter », a-t-il ajouté.
Dans la journée de jeudi marquée par la répression brutale d’une manifestation appelant à la fin de la guerre à Gaza, les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa – Jénine ont ciblé les forces d’occupation qui assiègent une maison dans la ville de Jénine « Nos combattants ciblent les forces et les véhicules de l’occupation sur l’axe de la rue Naplouse avec des balles réelles et d’engins explosifs », ont-ils assuré.
Le Croissant-Rouge palestinien a fait état de cinq martyrs lors d’un raid israélien contre Tubas, en Cisjordanie occupée. Ce qui alourdit le bilan de l’intervention israélienne à 39 martyrs en quelques jours, cela sans compter les blessés.
A souligner aussi que l’armée israélienne a empêché, jeudi, une délégation ministérielle palestinienne de se rendre dans la ville de Jénine alors qu’une opération militaire d’envergure se déroule dans le Nord de la Cisjordanie, ont indiqué les autorités palestiniennes. La délégation comprenait Mohammed Abu al-Rub, porte-parole du gouvernement, Sami Hijjawi ministre de la gouvernance locale et Ahed Bseiso, ministre des travaux publics. Seul Majid Abu Ramadan, ministre de la Santé, a réussi à entrer dans la ville, mais les forces israéliennes l’ont empêché d’atteindre l’hôpital gouvernemental de Jénine.
« L’armée israélienne a empêché, pendant deux heures, la délégation de se rendre à Jénine », a déclaré le bureau des médias du gouvernement dans un communiqué. Kamal Abu al-Rub, gouverneur de Jénine, a déclaré tôt jeudi que les forces de l’armée israélienne assiégeaient le siège de la mairie. « Les autorités israéliennes tentent d’empêcher les ministres du gouvernement palestinien de tenir une conférence de presse à l’intérieur du siège de la mairie (de Jénine) », a-t-il encore ajouté.
Le 28 août, l’armée israélienne a lancé sa plus vaste opération militaire dans le nord de la Cisjordanie depuis vingt ans, tuant au moins 39 Palestiniens et causant des destructions massives dans le territoire occupé. La tension est montée d’un cran dans toute la Cisjordanie occupée alors qu’Israël poursuivait son attaque meurtrière contre la Bande de Gaza, qui a fait, depuis le 7 octobre de l’année dernière, plus de 40 800 morts parmi les Palestiniens, principalement des femmes et des enfants. Selon le ministère de la Santé, au moins 691 personnes ont été tuées et plus de 5 700 blessées par les tirs israéliens en Cisjordanie. Cette escalade fait suite à un avis historique de la Cour internationale de justice (CIJ) qui, le 19 juillet, a déclaré illégale l’occupation israélienne des territoires palestiniens depuis des décennies et a exigé l’évacuation de toutes les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
Pressions sur la CPI
Du côté de Cour pénale internationale (CPI), il y a lieu de signaler que Karim Ahmad Khan, procureur général, a déclaré avoir fait l’objet de pressions pour le dissuader de décréter des mandats d’arrêt à l’encontre de B. Netanyahu et de Y. Gallant. Dans une interview avec le media britannique BBC, il a révélé que ces pressions ont été exercées sur lui par des leaders du monde sans préciser lesquels. Ils l’ont conseillé et averti de vouloir traduire en justice les auteurs du crime de génocide dans la bande de Gaza, a-t-il indiqué.
Le mois de mai dernier, des sénateurs républicains du congrès américain avaient envoyé une lettre à A. Khan le mettant en garde d’émettre des mandats d’arrêt contre des responsables israéliens, le menaçant « de sanctions vigoureuses ». Selon le procureur général, « il est primordial de montrer que la cour va demander des comptes à tous les Etats, selon les mêmes critères concernant les crimes de guerre présumés ».
Lors de l’interview, il a salué la décision du gouvernement britannique de renoncer à son opposition aux mandats d’arrêt.
Vendredi dernier, A. Khan avait assuré que la CPI dispose de la compétence juridique sur les Israéliens qui commettent des « crimes horribles dans les territoires palestiniens ». Il a demandé aux juges de rejeter les contestations judiciaires déposées par les gouvernements et les autres parties.