Damas a abrité une importante réunion mercredi au cours de laquelle décision a été prise de nommer A. al-Charaa à la tête de l’Etat syrien. Au cours de la réunion, il a été aussi décidé de suspendre la Constitution de 2012, de dissoudre l’institution parlementaire et de constituer une assemblée provisoire. Décision a été prise de démanteler la majorité des factions syriennes qui luttaient contre le régime baasiste tout en prévoyant de construire une nouvelle armée nationale. Le nouveau pouvoir à Damas cherche donc à se structurer en attendant la Conférence nationale devant clôturer le cycle de la transition. Les défis restent immenses face à un pays fragilisé non pas par des années de guerre seulement, mais aussi par les sanctions économiques particulièrement asphyxiantes. Surtout que la Syrie nourrit les convoitises et de la Turquie voisine, en guerre ouverte contre les forces kurdes, soutenues par Washington, et par l’appétit expansionniste d’Israël.
En visite dans les positions de l’armée d’occupation israélienne établies sur les hauteurs de Jabal al-Cheikh (mont Hermon) au sud de la Syrie, Israel Katz, ministre israélien de la guerre, a défini mardi la nouvelle politique israélienne en Syrie. Accompagné du commandant de la 210e division, le général de brigade Yair Palai, et du colonel L., commandant de la 810e brigade de montagne, il a annoncé que les forces d’occupation israéliennes resteraient déployées « pour une durée illimitée » dans cette zone stratégique syrienne. « L’armée israélienne maintiendra sa présence au sommet Hermon et dans la zone de sécurité pour une durée indéterminée afin d’assurer la protection d’Israël », a déclaré I. Katz. Il a souligné qu’Israël ne permettrait pas aux forces hostiles de s’établir dans la zone de sécurité du sud de la Syrie, « de cette position jusqu’à l’axe Soueida-Damas ». Comme il a également évoqué la volonté de maintenir des liens avec les « populations amies » de la région, particulièrement avec la communauté druze.
Mardi, les médias israéliens ont affirmé que les autorités d’occupation sont en train de construire une base militaire sur les hauteurs de Jabal al-Cheikh. Rappelons que les nouveaux dirigeants syriens, qui ont pris le pouvoir après la chute du président Bachar al-Assad (décembre 2024), ont affirmé à maintes reprises que le conflit avec Israël ne faisait pas partie de leurs priorités.
Dossier turco-kurde
Des raids aériens turcs ont marqué les combats qui se poursuivent dans le nord et l’est syrien entre les milices kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) et les forces turques et leur allié de l’Armée nationale syrienne (ANS) de l’autre. Mardi 28 janvier, un drone turc a bombardé un marché dans le centre de la localité Sarine dans la province Est d’Alep, tuant 12 personnes et en blessant 20 autres, a rapporté l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Selon ce dernier, c’est le 31eme raid turc perpétré depuis le début de l’an. Des raids ont aussi été signalés à proximité du barrage de Tishrine bombardé où sont stationnés des membres des FDS et qui est presque quotidiennement.
Les FDS ont riposté en pilonnant aux lance-roquettes des positions turques sur les montagnes al-Hamam, selon l’OSDH. Mazloum Abadi, chef des FDS, a incité mardi le nouveau pouvoir à Damas à faire cesser les attaques turques. « Il y a clairement une situation paradoxale. Alors que la plupart de la Syrie connait une étape d’arrêt de la guerre, et il y a une stabilité relative avec quelques accrochages, nos régions font l’objet de bombardements d’artillerie et aérien des avions turcs », a-t-il déclaré pour l’agence ANHA. Selon lui, « cette contradiction n’est pas compatible avec les déclarations actuelles sur le règlement de la crise syrienne ». « L’ANS soutenue par la Turquie continue d’attaquer nos régions », a-t-il ajouté. Abadi a conclu en assurant que « la responsabilité incombe à la nouvelle direction de la Syrie de prendre une position claire concernant ces attaques et de s’employer à les faire cesser et de communiquer avec nous pour œuvrer conjointement pour construire la nouvelle Syrie ».
L’OSDH constate pour sa part que les forces de la coalition internationale ont intensifié l’envoi de cargaisons d’armements vers le nord-est syrien. L’organisation qui siège au Royaume-Uni a rendu compte de 4 avions cargos américains qui ont atterri mardi dans la base al-Chadadi dans la province sud de Hassaké et la base Khabar al-Jir dans la province de Ramilane au nord de Hassaké. Ils transportaient des équipements militaires et des officiers. Or, dans les médias israéliens, il est question que de hauts-responsables de la nouvelle administration américaine ont informé les autorités politiques et militaires israéliennes d’un projet destiné à retirer les troupes us de la Syrie. Ce projet pourrait « impacter la minorité kurde là-bas faisant craindre une invasion turque de la Syrie », a commenté la chaine israélienne publique Kan, indiquant que « les dirigeants israéliens appréhendent cette éventualité et l’approche séparatiste de Trump ».
L’aile politique des FDS, le Conseil de la Syrie démocratique (CSD), a dépêché une délégation présidée par Leila Qarah Man pour rencontrer cheikh Hekmat al-Hajari, chef de la communauté druze syrienne dans le gouvernorat de Soueïda. Les participants ont mis l’accent sur la nécessité de préserver la paix civile et la priorité de l’intégrité des territoires syriens, selon un communiqué du CSD. La rencontre a prôné « une vision pour l’avenir pour reconstruire la nouvelle Syrie basée sur les principes civils et démocratiques » insistant sur « le principe de la citoyenneté égalitaire et de séparation des pouvoirs » et « la séparation entre la religion et l’Etat pour garantir l’égalité entre tous les citoyens ».
Exécutions sommaires :
Lundi soir, l’OSDH avait rapporté que des combattants affiliés au nouveau pouvoir islamiste en Syrie ont commis 35 exécutions sommaires lors des trois derniers jours, rapporte l’AFP. La plupart des personnes exécutées sont d’anciens officiers du gouvernement de Bachar al-Assad, qui se sont présentés dans des centres mis en place par les nouvelles autorités, selon l’ONG.
La même ONG affirme que « des membres de minorités religieuses » ont subi des « humiliations ». Selon la même source ces groupes « ont mené à bien des représailles et réglé de vieux comptes avec des membres de la minorité alaouite à laquelle appartient le clan de Bachar al-Assad, profitant du chaos, de l’abondance d’armes et de leurs liens avec les nouvelles autorités ».
L’ONG a mentionné « des arrestations arbitraires en masse, des attaques contre des symboles religieux, la mutilation de cadavres, des exécutions sommaires et brutales de civils » qui ont selon elle montré « un niveau sans précédent de cruauté et de violence ».
Le Groupe civil pour la paix, organisation de la société civile, a indiqué dans un communiqué qu’il y avait eu des victimes civiles dans de nombreux villages de la région de Homs lors du changement de pouvoir. Ce groupe a dénoncé notamment le meurtre d’hommes désarmés. L’agence officielle syrienne Sana a indiqué que les autorités avaient accusé vendredi un « groupe criminel » ayant commis des crimes contre la population « en se faisant passer pour des membres des services de sécurité ».
Ouverture russe :
Mardi soir, la Russie a annoncé que la question du maintien de ses bases militaires en Syrie nécessitait des consultations supplémentaires, alors qu’une délégation de Moscou s’entretenait avec le chef de la nouvelle administration syrienne, à Damas. « Jusqu’à présent, rien n’a changé. Cette question nécessite des négociations complémentaires. Nous avons convenu de poursuivre des consultations approfondies sur chaque domaine de notre coopération », a déclaré Mikhail Bogdanov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, aux journalistes. Tout en ajoutant que les entretiens, qui ont duré plus de trois heures, avaient été « constructifs », le haut responsable russe a précisé que la délégation russe avait réaffirmé son « soutien inébranlable à l’unité, à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de la Syrie ». La Russie a souligné la nécessité de résoudre la crise syrienne par un « dialogue politique inclusif », a relevéM. Bogdanov. Le vice-ministre russe a également exprimé la volonté de la Russie de recevoir Asaad Al-Sheibani, ministre syrien des Affaires étrangères, à Moscou.
Plus tôt, des médias russes ont rapporté que la délégation russe, dirigée par M. Bogdanov et Alexander Lavrentiev, envoyé spécial du président russe pour la Syrie, est arrivée à Damas. Il s’agissait de la première visite d’officiels russes en Syrie depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre dernier.
Cette visite intervient quelques jours après que l’Union européenne ait conditionné la levée des sanctions contre la Syrie au retrait des forces armées étrangères de son territoire, demandant aux autorités syriennes de contraindre la Russie à quitter ses bases militaires de Khmeimim et Tartous.