Cette étape constitue un pas de plus dans l’escalade des tensions entre les deux pays voisins qui avaient rappelé leurs ambassadeurs respectifs, dans la journée du 6 avril dernier, entamant une bataille diplomatique dans laquelle s’est engouffrée l’Alliance des États du Sahel (AES) qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger. En signe de solidarité avec Bamako, Ouagadougou et Niamey ont également rappelé leurs ambassadeurs à Alger, mesure qui a engendré une réaction symétrique de l’Algérie, qui s’est déclarée consternée par la réaction des pays de l’AES.
Dans un « acte hostile prémédité », selon Bamako, l’armée algérienne a abattu un drone de reconnaissance armé, vers la fin mars, près de la ville frontalière de Tinzaouatine, au sud du pays. Le ministère algérien de la Défense a déclaré que le drone avait été intercepté vers minuit, après avoir pénétré d’environ deux kilomètres dans l’espace aérien algérien, violant sa souveraineté.
Une version démentie par une enquête de l’armée malienne qui affirme avoir retrouvé les débris du drone à 9,5 km au sud de la frontière algérienne. Un communiqué conjoint des pays de l’AES a qualifié l’incident d’« acte irresponsable du régime algérien », ajoutant que cet « acte hostile prémédité […] (est) contraire aux relations historiques et fraternelles entre les peuples de la confédération de l’AES et le peuple algérien ».
Le Mali s’est aussi retiré du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) de la région du Sahel, qui regroupe l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali. Le ministère algérien de la Défense a annoncé dans la journée du 7 avril, dans un communiqué rendu public sur son site officiel que « face aux violations répétées par l’État du Mali de notre espace aérien, le Gouvernement algérien a décidé la fermeture de ce dernier à la navigation aérienne en provenance ou à destination de l’État du Mali, et ce, à partir d’aujourd’hui 07 avril 2025 ». La décision algérienne a engendré une mesure similaire adoptée par Bamako « jusqu’à nouvel ordre ».
Ces derniers jours, partis politiques et organisations de la société civile ont presque unanimement dénoncé l’« agression » algérienne. Mais là où certains encouragent l’escalade et glorifient la fermeté des dirigeants de transition, d’autres invoquent l’histoire, les frontières communes, l’économie et appellent à un apaisement responsable.
« Pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité. À bon entendeur, tant pis ! », avertissait Abdoulaye Maïga, alors colonel et porte-parole du gouvernement malien de transition, devant l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2024. Un mois avant d’être promu général et deux mois avant d’être nommé Premier ministre, A. Maïga s’en prenait déjà à l’Algérie, qu’il accusait « d’offrir le gîte et le couvert » à « des terroristes en débandade ». S’agissant du drone malien abattu par l’armée algérienne à Tinzaouatène, la menace de réciprocité n’a pas été mise à exécution.
Ces derniers jours, les propos échangés sont plus violents que jamais et, avec les fermetures mutuelles des espaces aériens, le conflit, jusqu’alors strictement verbal et diplomatique, monte concrètement en intensité. Mais si l’avenir reste imprévisible, différents observateurs sahéliens et algériens n’envisagent pas qu’il puisse prendre une dimension militaire. La supériorité de l’armée algérienne, sur papier, pourrait donner à réfléchir aux Maliens. En outre, le partenariat noué par les deux pays avec la Russie, est de nature à contribuer à apaiser la tension. Moscou agira en conséquence pour adoucir le climat, à défaut de circonscrire une crise dont les séquelles peuvent subsister dans le temps.