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Retrait atlantique d’Afghanistan : La Turquie qui s’incruste dans le viseur des Taliban

La menace a le mérite d’être claire. «Si les autorités turques ne reconsidèrent pas leur décision de continuer à occuper notre pays», les Talibans «leur résisteront, comme ils ont résisté à 20 ans d’occupation» étrangère, a affirmé le groupe dans un communiqué publié ce 13 juillet.
Le choix turc de laisser un contingent de soldats en Afghanistan pour sécuriser l’aéroport de Kaboul pourrait s’avérer extrêmement gênant pour les Talibans.
«La stratégie talibane est de couper les axes d’approvisionnement de Kaboul. Ils n’ont pas encore la capacité de contrôler l’entièreté du pays, ils procèdent donc à attaquer les lignes d’approvisionnement du gouvernement», explique Sorkhabi Kanechka, chercheur à l’IPSE (Institut Prospective & Sécurité en Europe).
Ces dernières semaines, depuis que les États-Unis ont amorcé le 1er mai 2021 leur désengagement progressif, mais total d’Afghanistan, les Taliban se sont emparés de plusieurs postes-frontière stratégiques dans le nord du pays. Notamment, celui Kunduz au mois de juin, considéré comme «la porte vers l’Asie centrale». La route qui y passe est en effet une source d’approvisionnement majeure pour Kaboul. Le schéma est le même pour le poste-frontière d’Islam Qala, aux portes de l’Iran, tombé ce 9 juillet.
Les Taliban disent désormais contrôler 85% du territoire afghan, chiffre contesté par les autorités de Kaboul. Les observateurs tempèrent ces affirmations talibanes en rappelant que les insurgés ne contrôlent, pour l’heure, aucun des grands foyers urbains où se concentre la plus grande partie de la population.
La présence turques qualité de membre de l’Otan contre laquelle les Taliban ont levé les armes n’a pas été particulièrement ciblée. «Durant de longues années en Afghanistan, les bases qui étaient le moins bien gardées et les plus ouvertes étaient les bases turques», affirme S.Kanechka.Un «privilège» turc vis-à-vis des talibans qui s’expliquait d’abord par la proximité entre la Turquie et le Pakistan, «parrain d’une grande partie des forces talibanes présentes en Afghanistan», rappelle l’analyste au micro de Spoutnik. Ceux-ci s’approvisionnent et se soignent régulièrement chez le voisin pakistanais, qui est à l’origine de la création du mouvement fondamentaliste au milieu des années 1990.
De surcroît, de nombreux liens existent entre «des populations du nord de l’Afghanistan aux origines ancestrales turques ou turcophones» et l’armée turque. Une proximité ethnique et linguistique de certains groupes soutenant les Taliban qui fait que ces derniers n’ont pas nécessairement envie d’en arriver aux armes avec des soldats qui sont également musulmans, explique le chercheur associé à l’IPSE. La configuration actuelle de l’Afghanistan post-retrait américain change donc la donne: l’ami turc de leur ennemi américain se dresse entre les Taliban et leur retour au pouvoir.
L’engagement de la Turquie n’est cependant pas gratuit. Ankara espère gagner en influence dans une région où elle n’a que très peu d’emprise et séduire les USA avec qui les liens n’ont pas été au beau fixe depuis le début de la présidence Biden. Recep Tayyip Erdogan tient à marquer ces points auprès de la nouvelle administration démocrate. En assurant ce service minimum, le chef d’État turc retire par conséquent une épine du pied des États-Unis, partis en hâte.
Une situation qui laisse craindre une confrontation militaire entre les deux acteurs. S.Kanechka estime toutefois que la Turquie négociera «avec l’intermédiaire qu’est le Pakistan.»

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