Mohamed Nabil Benabdellah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), a fustigé la démarche entreprise par l’Exécutif pour gérer la crise qui sévit au Conseil national de la presse, bloquant le processus du renouvellement de ses instances, comme l’exige la loi. Le texte élaboré par le ministère de Jeunesse, de la culture et de la communication, se veut comme un cadre normatif de ladite commission, après que la prorogation du CNP pour six mois « n’a pas permis la tenue d’élections professionnelles ». Pour N. Benabdellah, la démarche de l’exécutif est taxée de « véritable catastrophe ».
« Après avoir entrepris la prorogation exceptionnelle du mandat du CNP pour une durée de six mois, par décret-loi, voilà que le gouvernement s’empresse sur la nécessité d’organiser des élections et déclare l’état d’exception de long-terme, dans un sens difficilement compréhensible en dehors d’une volonté de certains milieux médiatiques », a fustigé le leader du PPS qui, par ailleurs, alerte sur « une mesure dangereuse impliquant un favoritisme flagrant ».
« La sagesse dans la mise en place du CNP s’incarne dans le souci de l’éthique de la profession et établir les règles de son autorégulation et de son indépendance, ce secteur étant vital pour l’espace démocratique. Aujourd’hui, le gouvernement fait une déviation sans précédent du CNP de ses nobles objectifs et de ses missions initiales », a jugé N. Benabdellah. Dans son plaidoyer, il a appelé instamment l’exécutif à « revenir sur cette démarche de mauvais augure, qui nuit à la voie du progrès que notre pays a empruntée dans le domaine des médias en particulier, et dans la construction démocratique en général ». Et d’ajouter qu’au lieu de ce projet de loi, l’exécutif « doit respecter les fondements juridiques constitutifs du CNP et accélérer la mise en place des conditions de régulation de la profession pour des élections libres, dans le respect des règles démocratiques et d’intégrité, de transparence et de concurrence loyale, préservant le droit des journalistes de choisir leurs représentants ».
L’annonce de l’approbation du projet de loi, jeudi en conseil de gouvernement, a provoqué l’ire d’autres formations politiques, dont le Parti socialiste unifié (PSU). Ce dernier constate, dans un communiqué, « une tendance à détourner l’attention des questions médiatiques prioritaires vers des celles d’ordre technique et administratif, servant d’arbre qui cache la forêt », au lieu d’« investir dans le débat national sur les obstacles structurels que connaissent les médias au Maroc, afin de sortir avec des mesures stratégiques à la hauteur des défis auxquels le pays est confronté dans ce domaine ».
Selon le PSU, « la nécessité, aujourd’hui, est de proposer la révision des lois sur les médias, dont le Code de la presse et de l’édition, les lois relatives à la communication audiovisuelle, celle de la HACA, avec des mécanismes à durée déterminée et des tâches clairement déclarées, notamment dans la gestion du CNP, de façon à garantir la pluralité ». Le parti insiste, par ailleurs, sur l’impartialité requise de ceux qui supervisent le processus des élections professionnelles, pour un scrutin « démocratique, équitable et transparent ».
Le Parti de la justice et du développement (PJD) a qualifié la démarche du gouvernement d’« échec dans la mise en place entière des mécanismes d’autorégulation du secteur de la presse à travers le CNP » et « une incapacité à faire que le CNP puisse tenir des élections professionnelles ». « La création d’une commission temporaire déclare ouvertement une période d’exception dans le secteur et nuit à l’image du Maroc ainsi qu’à ses progrès en termes de liberté de la presse », fustige un communiqué signé par Abdelilah Benkirane, secrétaire général, de la formation islamiste.
Plus, le même parti souligne que les prérogatives accordées à la nouvelle instance « outrepassent celles prévues constitutionnellement pour l’autorégulation du corps de métier » et que la loi 15.23 « met en place un cadre sur mesure ». Dans ce sens, le parti a également appelé le gouvernement à revenir sur sa décision et à se tenir « à la loi actuelle » portant création du CNP « et prévoyant que la commission en charge de la tenue des élections soit supervisée par un juge ».
Plusieurs organisations professionnelles avaient déjà crié au scandale, dont la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), la Fédération nationale des médias, de la presse et de la communication (UMT), ou encore le Club de la presse au Maroc.