Privé de gouvernement et de président depuis 26 mois, le Liban renoue avec la normalité, toujours problématique dans le pays du Cèdre, avec l’élection de J. Aoun le 9 janvier à la tête de l’État, opération suivie par la nomination le 13 janvier de N. Salam au poste de Premier ministre. L’homme est en charge de constituer une future équipe gouvernementale.
Le président de la Cour internationale de justice (CIJ) a été désigné Premier ministre après avoir été nommé par 84 députés lors des consultations parlementaires, sans l’appui du tandem chiite Amal-Hezbollah. N. Salam doit dès à présent former un gouvernement qui doit respecter le pacte national, à savoir une juste répartition des postes en fonction des communautés religieuses au pays du Cèdre. Il devra de facto composer avec les partis chiites qui n’ont pas soutenu sa nomination. Figure propalestinienne, N. Salam est issu d’une famille notable sunnite de Beyrouth. Il a étudié à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), où il a obtenu une licence en sciences politiques et en histoire. Il a ensuite poursuivi des études supérieures en droit à l’Université Harvard, complétées par un doctorat à Sciences Po Paris. Sa carrière a oscillé entre le domaine académique et le service public. Il a enseigné le droit international dans plusieurs institutions prestigieuses, tout en occupant des postes diplomatiques clés. De 2007 à 2017, il a servi comme représentant permanent du Liban auprès des Nations Unies à New York. En 2017, N. Salam a été élu juge à la CIJ, basée à La Haye. Cette élection a marqué une reconnaissance mondiale de ses compétences juridiques. C’est durant sa présidence de la Cour que l’Afrique du Sud a déposé la requête accusant l’État d’Israël de commettre des actes génocidaires dans la bande de Gaza. N. Salam est lui-même profondément attaché à la cause palestinienne. Il est également favorable à la démilitarisation du Hezbollah et insiste sur la nécessité de reconstruire la souveraineté de l’État libanais sur l’ensemble de son territoire.
Mohammad Raad, chef du bloc de la Loyauté à la Résistance (Hezbollah), a déclaré que la rencontre avec le président de la République « a visé à exprimer des regrets à ceux qui veulent ternir la vision consensuelle de l’ère présidentielle », soulignant le droit de « réclamer un gouvernement sur la base de la constitution, car il n’y a aucune légitimité pour une autorité qui contredit la cohabitation constitutionnelle ». Le député a ajouté que le bloc de la Loyauté à la Résistance « a fait un pas positif en élisant le président de la République ». « Nous espérions rencontrer la main qui chantait toujours qu’elle était tendue, sauf qu’elle a été tranchée », a-t-il ajouté. Comme il a souligné que « certains se cachent, une fois de plus, délibérément et malicieusement, dans le but de démanteler, de diviser, d’annuler et d’exclure », notant qu’il faut « surveiller et procéder avec calme et sagesse », afin que « nous observions leurs actions afin d’expulser l’occupant de notre terre, récupérer les prisonniers, reconstruire et mettre en œuvre les mesures appropriées, faire respecter la résolution 1701, d’une manière qui préserve l’unité nationale ».
De son côté, Ayoub Hmeyed, du Bloc de Développement et de Libération (Mouvement Amal), a expliqué que « le fait de ne citer aucun des noms qui circulent revient au fait qu’il ne doit pas y avoir de contradiction entre la constitution et la cohabitation ».
Il est à noter que les consultations parlementaires obligatoires, afin de choisir un Premier ministre libanais chargé de former le gouvernement, ont débuté au palais présidentiel de Baabda, à l’est de la capitale Beyrouth, lundi matin, selon la constitution libanaise. Au cours des consultations, le nouveau président libanais a reçu les représentants indépendants et les blocs parlementaires, chacun séparément. Il a par la suite annoncé le nom du Premier ministre N. Salam qui a recueilli le plus grand nombre de voix. Les deux députés libanais Fouad Makhzoumi et Ibrahim Mneimneh qui s’étaient portés candidat s’étaient auparavant retirés de la course en faveur de N. Salam.
Cheikh Ahmad Qabalan, Mufti jaafarite au Liban, a déclaré lundi dans un communiqué « qu’avec la nomination de Nawaf Salam à la tête du gouvernement, le pays entre dans une nouvelle phase d’équilibres serrés alors qu’il faut renforcer le nationalisme du Liban et confirmer le partenariat fondateur ».
Le Mufti a souligné que « le centre du débat est la souveraineté et la nation par excellence, et la cause est le Liban », ajoutant « il est très important de savoir qui gouverne, la nature de la formation du gouvernement, sa déclaration ministérielle, et vers où l’avenir du pays s’oriente, surtout que le jeu politique est aujourd’hui à son apogée ».
Le cheikh a noté que « la réalité du pays est profondément divisée et la tempête internationale frappe en son cœur ». et de rappeler que « le Liban traduit un partenariat fondateur qui ne peut jamais être contourné, et les expériences récentes sont extrêmement amères. La valeur du Liban est liée à son partenariat fondateur avec la constitution et à la nature de sa représentation parlementaire. Le contournement du consensus constitutionnel place le Liban au cœur du chaos des nations ». Avant de de conclure que « ce qui est exigé du professeur Nawaf Salam est de protéger les équilibres du pays pour que le Liban ne soit pas perdu ».