Avant de retrouver Ankara, le responsable syrien a souligné le soutien de longue date de la Turquie aux Syriens, affirmant que la Turquie « n’a jamais abandonné le peuple syrien au cours des quatorze dernières années ». Le pays accueille en effet plus de 3 millions de Syriens ayant fui la guerre civile en 2011. La Turquie s’est engagée à aider la Syrie post-Assad et à encourager la coopération internationale. Mais l’affaire parait bien au-dessus des moyens de la puissance turque qui a fort à faire pour empêcher l’éclatement en cantons de son voisin, un facteur de déstabilisation de la région auquel aspire Israël. Ceci est d’autant plus vrai qu’au regard de la situation économico-financière de la Turquie, accompagner la sortie de la Syrie du goulot d’étranglement ne saurait se faire sans l’aide internationale, conséquente, et sans la levée des sanctions US qui ont joué comme un facteur déterminant dans la déconfiture du pouvoir baasiste.
E. H. Sheibani a été nommé ministre des Affaires étrangères dans la nouvelle administration dirigée par Ahmed al-Charaa après l’éviction du chef du régime, Bachar al-Assad, en décembre. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences politiques et en relations internationales obtenue à l’université Sabahattin Zaim d’Istanbul. Pour l’heure, il se contente de gérer les impondérables alors que le titulaire de pareil portefeuille stratégique devrait être un displomate qui plus est blanchi sous le harnais…
Si les nouveaux maîtres de Damas multiplient les rencontres et les déplacements pour normaliser et sanctuariser leur pouvoir en Syrie, les pays occidentaux restent sur leur garde face aux islamistes de Hayat Tahrir el-Cham (HTC). En effet, selon un article de Reuters publié le 10 janvier, les envoyés des États-Unis, de la France et de l’Allemagne ont mis en garde les nouveaux dirigeants islamistes de la Syrie contre la nomination de djihadistes étrangers à des postes militaires de haut rang, estimant que de telles décisions risquaient de nuire à l’image de la Syrie et établir un climat de défiance avec les pays étrangers. « Ces nominations ne les aideront pas à améliorer leur réputation aux États-Unis », a expliqué à l’agence un responsable américain qui a préféré garder l’anonymat. Washington avait en effet transmis cet avertissement à Damas par l’intermédiaire de son envoyé Daniel Rubinstein lors de son entretien le 8 janvier avec le dirigeant de facto de la Syrie A. el-Chareh.
Dans le sillage de la refonte de l’État syrien, les nouveaux dirigeants de Damas essayent de restructurer l’armée nationale syrienne et avaient annoncé fin 2024 plus de 50 nominations au sein des forces armées. Reuters a rapporté que parmi eux se trouvent notamment six étrangers : des Ouïghours chinois et d’Asie centrale, un citoyen turc, un Égyptien ainsi qu’un Jordanien. Des étrangers qui, selon une source militaire syrienne citée par Reuters, ont obtenu des grades de général de brigade et de colonel. Le Jordanien Abdul Rahman Hussein el-Khatib a ainsi été nommé au grade de général de brigade et le Ouïghour chinois Abdulaziz Dawood Khudaberdi a eu la même promotion. Ce dernier, notamment connu sous le nom de Zahid, dirige les forces du Parti islamique du Turkestan en Syrie, qui cherche à établir un État indépendant dans certaines régions de la Chine et que Pékin désigne comme un groupe terroriste. Un autre djihadiste a également été promu, l’Égyptien Alaa Mohammad Abdelbaqy qui a fui l’Égypte en 2013 et qui a été condamné à la prison à vie par contumace pour des activités terroristes. Il commandait le Front al-Nosra en Égypte.