Alors que la date d’investiture du président nouvellement élu, D. Trump, se tiendra le 20 janvier 2025, soit dans deux mois, l’administration Biden tenterait de redoubler d’efforts pour expédier les dernières aides militaires à l’Ukraine. Selon des sources anonymes au sein de la Maison Blanche, environ 6 à 9 milliards de dollars d’équipements militaires devraient être acheminés pour soutenir Kiev dans le conflit contre Moscou. La livraison de ces armes pourrait être freinée dès que D. Trump prendra ses fonctions, une fois que son administration sera en mesure de revoir les décisions en matière d’aide internationale.
Le journal américain Politico rapporte que cette initiative est perçue comme la « seule option » pour continuer à armer l’Ukraine, malgré des obstacles importants. Les délais de production et de transport risquent par exemple de retarder l’arrivée de l’équipement sur le terrain, alors que le Pentagone peine à maintenir ses propres stocks d’armement et à en produire davantage. « Nous avons envoyé tout ce que l’industrie pouvait produire chaque mois, mais le problème est qu’on ne peut envoyer ces choses qu’au fur et à mesure qu’elles sont produites », explique Mark Cancian, ancien responsable du budget de la défense et expert en stratégie militaire. Le président Biden, lors de la récente visite à Washington du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dont le mandat s’est expiré en mai dernier, avait demandé au Pentagone d’allouer l’intégralité des fonds restants pour l’Ukraine avant la fin de son mandat. De ce fonds, environ 4,3 milliards de dollars devraient être utilisés pour l’armement en stock, tandis que 2,1 milliards de dollars seront destinés à des contrats de production d’armes à long terme avec l’industrie de la défense US. Néanmoins, cette dernière aide pourrait être compromise par l’arrivée du nouveau président.
Depuis des mois, les représentants de D. Trump font campagne en faveur d’une révision complète de la politique de soutien à l’Ukraine. Le milliardaire de retour à la Maison Blanche, qui critique ouvertement la somme massive allouée par les États-Unis, a réaffirmé sa volonté de « mettre fin au conflit ukrainien en 24 heures ». Il se montre sceptique sur les chances de victoire militaire de Kiev et estime que les États-Unis ne devraient plus financer ce qu’il considère comme une guerre coûteuse et peu bénéfique pour les Américains.
Dans ce contexte, Dmitri Medvedev, ancien président russe, déclarait que « Trump déteste gaspiller de l’argent pour toutes sortes de profiteurs ».
Alors que les alliés de l’Ukraine en Europe s’inquiètent d’une potentielle réduction de l’aide américaine, les responsables américains toujours en poste cherchent des alternatives pour garantir une assistance continue à Kiev. Certains dirigeants européens ont même exprimé la nécessité d’intensifier leurs propres efforts de défense, anticipant des coupes américaines dans le soutien militaire via l’OTAN. Le sénateur Roger Wicker, potentiel futur président de la commission des forces armées, a récemment exhorté J. Biden à accélérer la production et l’envoi d’armes à l’Ukraine avant le début du mandat de D. Trump, pour éviter toute discontinuité qui pourrait nuire aux capacités de défense ukrainiennes. Mais selon Politico, même si ces aides arrivent rapidement, il est probable que D. Trump réévaluera la politique de Washington à l’égard de Kiev, voire qu’il en fera un argument de sa politique isolationniste, comme il l’a promis lors de sa campagne. Dans ce contexte de transition politique, la stratégie de Biden visant à accélérer l’envoi d’armes ressemblerait selon le journal US à une course contre la montre. La possible réduction de l’aide américaine pourrait en effet redéfinir l’équilibre des soutiens internationaux et obliger les Européens à endosser une part de responsabilité plus importante dans ce conflit.
Des sources militaires ukrainiennes craignent que l’élection de D. Trump ne mette fin au soutien américain, entraînant la perte du Donbass, d’après le Financial Times. D.Trump a critiqué V. Zelensky, insinuant que le financement à Kiev prendrait bientôt fin. Il a qualifié le conflit de « guerre perdante » pour l’Ukraine.
Moscou met de l’eau dans son vin
La Russie s’est dit prête à réévaluer ses relations avec les États-Unis au lendemain de l’élection de D. Trump. « Si les États-Unis invitent la Russie à réévaluer l’état actuel des relations sur une base équitable, la Russie est prête à s’engager », a déclaré jeudi Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères. Lors d’une conférence de presse tenue à Astana, à l’issue de réunions avec le président et le ministre des affaires étrangères du Kazakhstan, S. Lavrov a évoqué les éventuelles relations avec Washington sous la nouvelle administration américaine et a souligné l’ouverture de la Russie au dialogue. « Nous n’avons jamais refusé d’entrer en contact avec quiconque, car selon nous, le dialogue est toujours préférable à l’isolement », a indiqué le chef de la diplomatie russe.
Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, n’a pas exclu la possibilité que le président russe Vladimir Poutine s’entretienne avec le nouveau président américain avant son investiture. Lors d’un point de presse tenu jeudi à Moscou, il a noté que D. Trump avait précédemment exprimé son intention d’appeler Poutine avant d’entrer officiellement en fonction. « La communication n’est pas exclue. Il (Trump) a dit qu’il appellerait Poutine avant l’investiture. Ce sont ses mots… nous n’avons rien à ajouter à ce stade », a déclaré Peskov. L’investiture du président américain est prévue pour le 20 janvier 2025.
À la question de savoir si les contacts de haut niveau entre la Russie et les États-Unis commenceraient par une rencontre en tête-à-tête, D. Peskov a expliqué que de telles rencontres nécessitaient une préparation minutieuse au niveau des experts.
En réponse aux informations diffusées par les médias selon lesquelles V.Poutine aurait officieusement félicité D. Trump par le biais d’intermédiaires, le porte-parole du Kremlin a qualifié ces informations d’« inexactes », ajoutant que ni les représentants de l’administration présidentielle russe ni le ministère des affaires étrangères n’avaient contacté l’équipe de D. Trump au cours des derniers jours. Interrogé sur la participation éventuelle de la Russie à l’investiture de D.Trump, il a répondu que la décision sur les personnes à inviter relevait de l’administration présidentielle américaine. Le porte-parole du Kremlin a également indiqué que la communication avec l’administration Biden sortante se limitait à des canaux techniques, ajoutant : « Nous ne travaillons pas de manière substantielle avec l’administration Biden. Il ne reste que des canaux de communication technique limités ».
En ce qui concerne les informations relatives à un plan de règlement pour l’Ukraine qui aurait été rédigé par l’équipe de D.Trump, D.Peskov a qualifié les détails d’« abstraits par nature ».
La Russie mobilise la CEI
Le plan occidental visant à affaiblir la Russie a échoué et la situation sur le terrain est défavorable à l’Ukraine, constate Sergueï Choïgou, secrétaire russe du Conseil de sécurité et ancien ministre russe de la Défense. Lors de la 12e rencontre des secrétaires des Conseils de sécurité des pays de la Communauté des États indépendants (CEI), il a aussi qualifié, jeudi, le régime de Kiev de terroriste et noté le déclin de l’Occident. Selon lui, l’Occident est confronté à un choix : poursuivre le financement et l’anéantissement de la population ukrainienne ou reconnaître la réalité et entamer des négociations. Cette organisation politique comprend la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Selon S. Choïgou, le régime de Kiev s’est désormais transformé en un acteur terroriste contrôlé de l’extérieur, disposant, contrairement aux réseaux terroristes internationaux, d’une industrie propre et d’un territoire qu’il contrôle. Il a précisé que l’agression ukrainienne dans la région de Koursk visait à prendre le contrôle de la centrale nucléaire russe de Koursk et que les frappes régulières contre la centrale nucléaire de Zaporojié et ses infrastructures critiques associées se poursuivaient. « Peut-on qualifier cela autrement que de tentative de terrorisme nucléaire ? », a-t-il fait observer.
Abordant la situation économique en Occident, le secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie a constaté que ce modèle « parasitaire » s’épuisait progressivement. « L’Occident collectif perd son leadership politique, économique et moral », a-t-il aussi déclaré. S. Choïgou a précisé que le poids des pays occidentaux dans le PIB mondial diminue constamment et que leur compétitivité est en chute. Le secrétaire du Conseil de sécurité a ajouté qu’actuellement, « ils vivent pratiquement à crédit, représentant plus de la moitié de la dette mondiale cumulative ». C’est la raison pour laquelle, d’après lui, un nombre croissant de pays se détournent du dollar et de l’euro comme instruments de réserve et de transactions.
Dans ce contexte, le président russe s’est adressé aux secrétaires des Conseils de sécurité en déclarant que « la situation géopolitique dans le monde est loin d’être stable. Il est important, comme auparavant, d’exploiter activement le potentiel analytique et de prévision de vos institutions afin d’identifier les menaces et les risques externes et internes dans l’espace de la Communauté ».