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Le Maroc sous tension inflationniste : Maan appelle à en finir avec les rentes de situation

Le mouvement Maan a présenté, cette semaine, sa lecture de la crise inflationniste actuelle au Maroc et son évaluation des mesures prises par le gouvernement et Bank Al-Maghrib pour la freiner et tenter de la maîtriser.
Maan appelle à en finir avec les rentes de situation

Dans une note, le mouvement a rappelé que l’inflation au Maroc est restée « l’un des points forts les plus importants des données macroéconomiques », son taux n’ayant pas dépassé 2% de 2008 à 2021, avant de monter en flèche pour atteindre un taux de 6,6% en 2022. Le taux d’inflation atteint 8,9 % en janvier 2023, 10,1% en février 2023, avec des prix alimentaires en hausse de 18,4 % par rapport à l’année dernière, et des produits non alimentaires de 3,7 % en février, ajoute la note.

Revenant sur les raisons objectives de l’inflation, Maan relève que la vague d’inflation a commencé progressivement avec le retour de l’activité économique après la pandémie de Covid-19 et la hausse de la demande mondiale de matières premières en général et d’énergie en particulier. Cela « s’est traduit par une augmentation du coût de production et une augmentation du niveau général de des prix », avant que la vague inflationniste ne s’exacerbe et prend une plus grande ampleur après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne. « Ces données ont contribué à la formation de la première vague inflationniste au Maroc, que l’on peut considérer comme importée », explique-t-on.

Pour Maan, ces conditions ont coïncidé avec une saison agricole sèche et une baisse de la valeur ajoutée du secteur agricole de près des deux tiers en 2022 par rapport à 2021, ce qui a entraîné une baisse de l’offre alimentaire, « transformant l’inflation d’un phénomène importé en une inflation domestique autour de laquelle de nombreux facteurs se réunissent pour sa formation, sa persistance, voire son renforcement ». La note évoque, à cet égard, plusieurs déséquilibres qui ont « nécessairement conduit à ce qu’a enduré le citoyen marocain ».

Il s’agit, selon la note, de « la structure de commercialisation des produits alimentaires » qui souffre de pratiques monopolistiques et de conflits successifs, qui, selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sont responsables d’une augmentation du prix du produit de plus de quatre fois le prix de vente de l’agriculteur. La même source pointe aussi « la structure de stockage et les marchés de gros » qui représentent un « problème structurel dans la commercialisation des fruits et légumes » et le fait que « la structure des prix sur les marchés de gros est soumise à une majoration rentière équivalente à 7% du chiffre d’affaires, sans aucune contribution à la production ou à la commercialisation ».

A cela s’ajoute le fait que « le Plan Maroc Vert s’est orienté vers la commercialisation d’une agriculture tournée vers les marchés extérieurs » alors que « malgré l’important soutien qui a été accordé au programme, ses résultats sont restés limités à l’agriculture de subsistance ».

Pour Maan, « le secteur agricole souffre de la faiblesse de l’industrie manufacturière qui lui est associée, avec environ 4% de la production de légumes et de fruits dirigée vers l’industrie alimentaire. Cela fait perdre au marché une grande capacité à exploiter la marge de perte estimée à 40 %. »

Voilà autant de facteurs qui ont conduit à l’émergence de l’inflation sous sa forme domestique, ce qui indique son impact continu sur les citoyens malgré « les promesses irréalistes du gouvernement, qui a fondé ses attentes pour le budget 2023 sur un taux d’inflation qui ne dépasse pas 2%, alors que le La Banque du Maroc et la Banque mondiale indiquent un taux de 5,5% comme taux attendu pour l’année », poursuit la note.

Celle-ci signale, par ailleurs, la guerre des chiffres entre le gouvernement, le Haut-commissariat au Plan et Bank Al-Maghrib. « Si le Haut-commissariat au Plan est l’institution publique chargée de calculer l’indice des prix à la consommation et les taux d’inflation à travers des notes mensuelles, alors la promotion de chiffres différents de leurs nombres par les institutions constitutionnelles confirme la grande confusion que nous avons vécue pendant de nombreuses années avec les gouvernements précédents et nous ait perdre la confiance déjà chancelante en tant que citoyens et acteurs économiques dans tous les chiffres et données officiels », commente le mouvement.

Celui-ci conclut que « l’inflation au Maroc est devenue structurelle, reflétant des déséquilibres dans les choix stratégiques antérieurs pour assurer la sécurité alimentaire des citoyens marocains », alors que les mesures prises par le gouvernement ne sont rien d’autre qu’une « tentative d’atténuer un phénomène profond qu’il semble incapable d’en comprendre la profondeur ».

Maan précise que la réforme de la structure de commercialisation est une « priorité dans la politique alimentaire » et ne se fera qu’en « changeant le système actuel en contournant les marchés de gros délabrés et en créant des structures modernes qui permettent aux producteurs de commercialiser leurs produits sans être soumis à la médiation et à la spéculation, ce qui permettra de clarifier de l’offre et de la demande et du système de tarification ».

La note estime aussi que « l’adhésion continue à des politiques de développement soumises à la logique des fluctuations climatiques gaspille tous les efforts » de subventions des prix et « ouvre une nouvelle porte à l’avantage rentier ».  De plus, « le choix d’une politique de prix libres nécessite des institutions parallèles qui travaillent à freiner la spéculation, le consensus et les lobbyings ».

Maan soulève, enfin, les voies de sortie. « Sortir de la crise de l’inflation s’accompagne d’une grande audace politique en déstabilisant les structures rentières ancrées dans l’économie nationale, qui gagnent de l’argent et accumulent des richesses en puisant dans les poches des gens simples », conclut-il.

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