Les recherches se poursuivent. Quarante-huit heures après le drame, les secours arrivent au compte-gouttes à Derna, ville qui comptait quelque 100 000 habitants avant la catastrophe. La ville sinistrée n’est plus totalement isolée comme dans les premières heures du drame. Mais cinq des sept routes qui la desservent sont coupées, de même que les ponts sur l’oued qui a débordé. Il faut que l’aide, venant de Benghazi, contourne la ville par la route du sud, ce qui rallonge considérablement le trajet.
Le problème, c’est que la ville est non seulement en grande partie détruite, mais très difficile d’accès. Des routes coupées, des éboulements de terrains et des inondations ont empêché les secours d’atteindre la population qui a dû se débrouiller par des moyens rudimentaires pour récupérer des corps enterrés par dizaines dans des fosses communes, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux. Les bulldozers doivent d’abord dégager le passage aux camions humanitaires. Et la division du pays entre deux gouvernements concurrents complique encore l’organisation des secours.
Sur place, les secouristes demandent des sacs mortuaires et des équipes spécialisées dans la recherche de victimes ensevelies. 10 000 personnes sont portées disparus, selon la Fédération internationale des croix rouges et croissants rouges.
Un employé du gouvernement de l’Est, arrivé mardi à Derna, affirme qu’au moins un quart de la ville est détruit. Des quartiers entiers ont disparu, laissant place à une boue collante orangée. Elle a été charriée par les torrents d’eau qui se sont déversés avant de disparaître dans la mer. La mer, qui a viré couleur de boue, rejette des corps par dizaines.
Sur des images publiées mardi par des médias libyens, on peut voir un hélicoptère militaire en train de récupérer des cadavres sur la plage jonchée de débris et de morceaux de fer. Dans un contexte encore compliqué par la division du pays entre deux gouvernements, Tripoli à l’ouest et Benghazi à l’est, l’aide internationale se renforce. Après la mobilisation de l’Algérie, de la Turquie, de l’Égypte, des Émirats arabes unis, et de la France qui a annoncé hier l’envoi d’un hôpital de campagne, la Jordanie expédie un avion rempli d’aide humanitaire et l’Italie annonce le départ d’un navire et deux avions militaires avec à leur bord des experts des risques aquatiques et du matériel de première nécessité.
Les États-Unis privilégient pour l’instant l’envoi de fonds pour soutenir les organisations de secours sur place et prévoient une coordination ultérieure avec les autorités libyennes et l’ONU. La Commission européenne débloque à son tour 500 000 euros, et annonce que l’Allemagne, la Roumanie et la Finlande offrent une aide d’urgence : tentes, lits de camp, couvertures, générateurs, réservoirs d’eau…
Dans la ville sinistrée, la colère commence à monter. Des photos circulent montrant la vétusté des deux barrages de retenue des eaux du Wadi Derna – l’oued qui traverse la ville de Derna, sur la côte est de la Méditerranée – qui ont lâché. Des torrents puissants ont alors détruit les ponts et emporté des quartiers entiers avec leurs habitants de part et d’autre de l’oued, avant de se déverser dans la mer.
Plus que la pluie provoquée par la tempête Daniel, c’est l’eau de ces barrages qui est responsable de la destruction d’une partie de la ville portuaire, selon des spécialistes. Les différentes guerres et la division du pays en deux entités politiques depuis 2014 ont accéléré le délabrement de ces infrastructures.