Joe Biden a annoncé mardi 8 mars avoir ordonné un embargo sur les importations américaines de pétrole et de gaz russes, afin d’alourdir les sanctions imposées à la Russie et «porter un nouveau coup puissant à [Vladimir] Poutine». Cette décision a été prise «en coordination étroite» avec les alliés des Etats-Unis, a-t-il précisé. «Nous ne contribuerons pas à subventionner la guerre de Poutine», a également lancé J. Biden.
L’Europe s’est, pour l’instant, refusée à décréter un embargo sur les importations russes, qui assurent 40% de ses besoins en gaz naturel et 30% pour le pétrole. Les Etats-Unis sont, eux, exportateurs nets d’énergie, c’est-à-dire qu’ils produisent plus de pétrole et de gaz qu’ils n’en consomment, a rappelé J. Biden. «Nous pouvons prendre cette décision, alors que d’autres ne le peuvent pas», a-t-il expliqué. Le président étasunien a aussi assuré travailler en coordination avec l’Union européenne : «Mais nous travaillons étroitement avec l’Europe et nos partenaires pour mettre en place une stratégie de long terme afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’énergie russe.» «Nous restons unis dans notre intention de maintenir une pression croissante sur Poutine et sa machine de guerre», a-t-il ajouté.
L’armure occidentale se brise
Le pétrole russe ne représente que 8% des importations US et 4% de la consommation de produits pétroliers aux Etats-Unis, qui n’importent pas de gaz russe.
La Maison Blanche avait, ces derniers jours, préparé les esprits à une annonce unilatérale, marquant pour la première fois une divergence entre Occidentaux sur les sanctions à infliger à la Russie, à l’instar de l’Allemagne. Olaf Scholz, chancelier allemand, avait en effet affirmé lundi qu’il n’était pas possible de se passer des énergies fossiles russes, «essentielles» pour la «vie quotidienne des citoyens» en Europe. Initialement hésitant, notamment parce que cet embargo devrait encore accélérer l’inflation qui plombe son mandat depuis plusieurs mois, J. Biden répond là à une demande forte du Congrès, dont plusieurs représentants le pressaient d’agir depuis plusieurs jours. Les parlementaires US avaient commencé à préparer un projet de loi soutenu par la majorité démocrate et l’opposition républicaine – une rareté dans un contexte d’extrême division politique aux Etats-Unis – pour interdire ces importations de pétrole et de gaz russes.
L’alternative norvégienne ?
Energivore, le monde occidental cherche des alternatives, y compris en scandinavie. La Norvège a annoncé le 8 mars qu’elle ne peut augmenter ses livraisons alors que l’UE cherche à réduire de deux tiers ses importations de gaz russe. Deuxième fournisseur de l’Union européenne, grâce à ses immenses gisements en mer, le royaume scandinave couvre environ 20% des besoins européens en gaz naturel contre 45% pour la Russie.
«La Norvège livre au maximum de ses capacités. Le gouvernement est en contact avec les entreprises chargées de la production et des exportations via les gazoducs, et elles livrent du gaz au maximum de leurs capacités aujourd’hui», a annoncé Jonas Gahr Store, Premier ministre. «On ne peut prendre une décision d’augmenter d’un jour à l’autre parce que [la production] est au maximum sur les champs existants», a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse conjointe avec Mateusz Morawiecki, son homologue polonais en visite à Oslo. le gazoduc baptisé le Baltic Pipe, est en cours d’achèvement entre la Norvège et la Pologne via le Danemark. Achevé «vers la fin de l’année, en octobre ou novembre» selon M. Morawiecki, il permettra d’acheminer dix milliards de m3 de gaz norvégien vers la Pologne chaque année, de quoi couvrir la moitié de sa consommation. «Le gazoduc peut-il être ouvert plus tôt ? Je ne le pense pas», a indiqué le Premier ministre polonais. «Aujourd’hui, nous savons pertinemment que nous devons être indépendants du pétrole et du gaz russes, et c’est pour cela que je presse la Commission européenne et nos autres collègues d’Europe de l’Ouest de concevoir une feuille de route vers l’objectif souhaité», a-t-il précisé. En 2019, la Pologne avait annoncé ne pas prolonger au-delà de 2022 son contrat avec le géant russe Gazprom qui couvrait alors les deux tiers de sa consommation de gaz.
Selon l’UE, celle-ci pourrait se passer complètement de gaz russe «bien avant 2030». Les Etats-Unis ont quant à eux annoncé le 8 mars une interdiction d’importer des hydrocarbures russes et le Royaume-Uni a décidé l’arrêt de ses importations d’énergie russe d’ici fin 2022.
La piste des « pestiférés »
Pour répondre aux attentes de ses partenaires, Washington se tourne vers le Venezuela, allié traditionnel de la Russie riche en or noir, mais qui se trouve actuellement sous le coup de sanctions US. Et pourrait même étudier l’alternative iranienne.
Ce n’est pas un hasard si une délégation américaine a été dépêchée à Caracas le week-end dernier pour rencontrer le président vénézuélien. Nicolás Maduro a qualifié la réunion de « respectueuse, cordiale et diplomatique », sans évoquer le contenu des discussions.
Toutefois, rapporte le New York Times, le président vénézuélien serait prêt à augmenter la production de pétrole en cas d’embargo américain sur le brut russe. En échange, les États-Unis pourraient lever les sanctions contre Caracas, en vigueur depuis deux ans.
En 2019, les deux pays avaient rompu leurs relations diplomatiques après la réélection de N. Maduro, lors d’un scrutin boycotté par l’opposition. Le gouvernement américain ne reconnait pas le président vénézuélien. Mais la crise avec la Russie l’oblige à se rapprocher de celui qui était jusqu’ici considéré par Washington comme un paria.
Cette décision est critiquée par certains élus américains, mais aussi par l’opposition vénézuélienne.
Mais il n’empêche que si les deux pays parvenaient à trouver un accord, augmenter la production du brut vénézuélien ne serait pas si simple. Les sites pétroliers sont dans un état déplorable. Selon des experts, il faudrait du temps et beaucoup d’argent pour relancer l’extraction et le traitement du pétrole.
Reste l’alternative iranienne. Des observateurs se lancent déjà en conjectures en assurant que Washington chercherait à conclure rapidement un accord sur le nucléaire iranien. Pour peu que Téhéran s’engage à raffiner davantage de pétrole à destination de l’Europe. Des plans tirés sur la comète ? Tout prête à le croire au regard des attitudes de Caracas et de Téhéran vis-à-vis de Moscou. Mais aussi tant que les sanctions US et leurs répercussions n’ont pas été soldées. Avec les Américains.